Cet été, Révolution Énergétique retrace une partie de l’histoire des énergies. Ces « premières fois » où de l’électricité est sortie d’une centrale nucléaire, d’une éolienne ou d’une centrale hydroélectrique. Ces grandes étapes souvent méconnues, où le premier panneau photovoltaïque a été installé, où la première pompe à chaleur a délivré des kilowattheures de froid ou de chaud « bas-carbone ». Cette semaine, nous explorons les balbutiements de la pompe à chaleur en France, débutés il y a une cinquantaine d’années.

S’il est impossible de retrouver le bâtiment qui a bénéficié de la toute première pompe à chaleur en France, nous pouvons remonter aux premières publicités pour cet appareil, capable de climatiser et chauffer sans rejets polluants. La première mise en valeur de ce produit a été organisée, dès 1970, avant le premier choc pétrolier.

Chronologie de la pompe à chaleur

Le principe de la pompe à chaleur est celui de la thermodynamique, établi par Lord Kelvin en 1852. Le système thermodynamique est utilisé principalement pour réaliser la réfrigération des produits alimentaires, et la première climatisation est mise au point par Willis Carrier en 1902.
On s’est aperçus qu’en produisant du froid dans les pièces, on dégageait du chaud en contrepartie à l’extérieur. Certaines chambres froides étant attenantes à des pièces de vie, on profitait alors de la chaleur dégagée pour chauffer les locaux.

Les premières réalisations utilisant la chaleur furent utilisées en Europe dès 1929. Les Américains se sont toujours intéressés au conditionnement de l’air, rafraichissement et chaleur, et on développait cette technologie dès 1931. L’ingénieur Willis Carrier réussit à révolutionner le système thermodynamique, en créant le système dit réversible, avec un compresseur, deux évaporateurs et deux condenseurs, en 1935. Cette réversibilité est essentielle pour le mode chauffage, car elle permet également de dégivrer.

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On maîtrisait mieux les pompes à chaleur eau/eau ou eau/air (dites à hydrothermie ou géothermie), car il était plus simple de stabiliser les performances de la machine avec des sources telles que l’eau à température constante. Les premiers modèles développés aux États-Unis sont à géothermie eau/air, à savoir un circuit enterré extérieur à eau, et un échangeur sur un circuit à air intérieur, pour distribuer de l’air chaud ou froid, car le modèle est réversible. Pour l’anecdote, cette machine est déclarée « miraculeuse », car elle procure une chaleur sans flamme, ne demande aucune surveillance, ne dégage ni vapeur, ni fumée, selon son fabricant GEMCO en 1948.

Alors, que les européens préfèrent s’engager sur le chauffage central à eau utilisant le fioul et le gaz, les Américains ont déjà un système écologique et performant. Le développement s’orienta vers les pompes à chaleur air/air (le climatiseur), avec une maitrise parfaite de la réversibilité dès 1960.

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L’émergence de la pompe à chaleur en France

Entre 1950 et 1960, on commence à voir apparaître en France, notamment chez les coiffeurs et quelques commerces, des systèmes de climatisation que l’on appelait « Windows », car ils étaient intégrés à la fenêtre des bâtiments et notamment au-dessus de la porte d’entrée du magasin pour permettre de climatiser le local. On savait également que l’on pouvait faire du chaud en hiver avec la fonction réversible, et les premières pompes à chaleur furent installées en France dès 1960.

Quelques publicités pour les pompes à chaleur publiées en 1985 et 1982. Deux pages du cahier technique publié par EDF en 1974 concernant les pompes à chaleur.  / Images : vendeurs eBay.

En 1969, un décret ministériel impose le renouvellement d’air dans les logements, avec l’apparition de la gestion par ventilation mécanique contrôlée (VMC) de l’aération. C’est EDF, en 1970, qui définit des solutions « tout électriques », avec un programme répertorié dans les cahiers techniques de l’électricité. On y retrouve toutes les solutions de chauffage électrique par convecteurs, l’eau chaude par ballon, l’aération par VMC, l’isolation des bâtiments et une solution pompe à chaleur.

À cette époque, la fourniture d’électricité par le nucléaire couvre seulement 5 % de la consommation nationale, mais les perspectives sont encourageantes. Il est donc important de définir une stratégie sur les équipements capables de consommer une production d’électricité en grande quantité, afin de réduire la dépendance au pétrole, devenu inabordable durant les chocs de 1973 et 1979.

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À quoi ressemblait la première pompe à chaleur commercialisée en France ?

Le premier modèle proposé par EDF mélange VMC et pompe à chaleur, à savoir une pompe à chaleur sur air extrait/air. C’est une pompe à chaleur de faible puissance qui vient en complément d’un chauffage central ou électrique. On utilisait l’air extrait par la VMC pour récupérer les calories, et avec le système thermodynamique, transférer de la chaleur par un autre réseau de gaines. C’est cette technologie que l’on utilise aujourd’hui pour les chauffe-eaux thermodynamiques sur air extrait, et sur les VMC double-flux thermodynamiques.

La puissance est faible, car si les débits d’aération de l’époque sont relativement importants, la taille des machines est petite, afin qu’elles soient positionnées dans les combles perdus. Elle constitue un appoint en période douce, mais elles ne sont pas en mesure de chauffer la totalité de l’habitat, car les niveaux d’isolation sont faibles et les déperditions importantes à l’époque.

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Ces machines ont reçu le célèbre nom de « pompinettes », pour leur petite taille bien sûr et pour les nombreux incidents répertoriés. En cas de pannes, certaines avaient des résistances électriques intégrées, ce qui augmentait fortement la consommation électrique. En 1974, le premier choc pétrolier est une réalité, ce qui va accélérer le développement du nucléaire et des solutions « tout électrique » promues par EDF. Toutefois, malgré la faiblesse des « pompinettes », elles représentent la majorité des ventes de 1975 à 1980.

C’est à cette période que les pouvoirs publics ont lancés le programme PERCHE signifiant « pompe à chaleur en relève de chaudière ». Ce programme met en œuvre les pompes à chaleur air/eau et eau/eau, identique à celles d’aujourd’hui, l’électronique en moins, pour être associé aux chaudières existantes. Elles sont de fortes puissances et subventionnés par EDF, qui souhaite faire concurrence au fioul domestique et assurer notre indépendance énergétique.

Quelques publicités pour les pompes à chaleur publiées en 1981 et 1982 / Images : vendeurs eBay.

Fini les « pompinettes » : l’objectif est d’économiser et de moins dépendre du pétrole, à grande échelle. C’est l’époque de la célèbre publicité « On n’a pas de pétrole, mais on a des idées ». Le marché de la pompe à chaleur explose, mais hélas, comme un soufflé, s’effondre dès 1984. Les causes de ce fiasco sont multiples : faible fiabilité du matériel, manque d’installateurs compétents, absence de charte qualité, absence de contrôle des installations, arnaques aux fausses primes EDF, maintenance insuffisante, mauvaise association avec la chaudière… la liste est longue.

Étonnamment, 1983 ressemble parfois à 2023. Toutefois, les choses se sont globalement bien améliorées, tout en gardant parfois les vieux démons de cette machine au fonctionnement « diabolique », comme les arnaques aux primes par exemple.

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