Les énergies renouvelables sont souvent décriées pour leur emprise au sol importante, en comparaison avec le nucléaire, à surface et production annuelle équivalentes. Pourtant, le solaire posé au sol présente des avantages : faible consommation de béton, peu d’impact au démantèlement, possibilité d’agrivoltaïsme… Le solaire peut-il être respectueux des sols et de la biodiversité s’il est bien géré et encadré ?

« Les centrales photovoltaïques au sol nécessitent une emprise foncière d’environ 1 à 2 hectares par mégawatt-crête (MWc), dont 25 à 40 % sont couverts de panneaux (environ 0,5 ha/MWc) », selon l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME). À cette emprise, s’ajoute également une obligation légale de débroussaillement sur une bande de 5 à 50 mètres autour de la zone, s’il y a un risque d’incendie.

Néanmoins, les panneaux étant des équipements légers, la pose de supports de type pieux vissés ou battus permet de réduire considérablement l’utilisation de béton, voire de ne pas du tout en utiliser. Cela réduit à la fois l’impact carbone du projet et l’incidence réelle sur les sols, puisqu’il est possible de construire sans aucun remblai extérieur et en déplaçant de faibles volumes de terre [1]. Par ailleurs, le démantèlement des parcs et la remise en état du site sont aisés, en comparaison avec toutes les autres énergies : il suffit de démonter les panneaux, déterrer les câbles et de retirer les structures « plantées » dans le sol.

Notons par ailleurs que si l’éolien consomme bien plus de béton et nécessite des travaux plus conséquents, l’impact de l’éolien reste faible à l’heure actuelle : la filière éolienne consomme environ 0,5 % de la production nationale de béton et contribue à environ 1,5 % de l’artificialisation des terres.

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Un impact sur la biodiversité encadré et compensé

La surface artificialisée (même à titre provisoire) par une centrale solaire au sol entraîne indéniablement une modification des conditions hydriques et d’ensoleillement de la végétation, ce qui peut provoquer une raréfaction de certains insectes. Conscients du problème, l’ADEME et l’Office français de la biodiversité proposent d’ailleurs un guide des enjeux et bonnes pratiques en matière d’implantation, afin de minimiser cet impact négatif.

Ce document prévoit ainsi que « lorsque l’évitement est impossible, il convient de réduire les impacts négatifs (permanents ou temporaires, et cumulés) du projet sur l’environnement, en phase de construction, d’exploitation et de démantèlement ». Des paramètres comme la densité, la hauteur, l’espacement des panneaux et même l’atténuation de la polarisation de la lumière sont ainsi à considérer lors de l’implantation.

Enfin, concernant les incidences sur l’environnement qui n’ont pu être évitées ou réduites suffisamment, des mesures de compensation devront être établies, afin de viser « l’absence de perte nette voire un gain de biodiversité ». L’impact du solaire sur la biodiversité s’apprécie donc au cas par cas et les mesures de réduction, d’évitement ou de compensation permettent normalement d’assurer une incidence minimale.

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Centrales solaires sur les terres cultivables : uniquement pour l’agrivoltaïsme

Si réaliser des installations solaires respectueuses des sols est donc bel et bien possible, le développement du solaire doit aussi être encadré afin de ne pas empiéter sur les terres agricoles. Car au-delà de la réduction de l’impact des installations sur les sols qui les accueillent, le choix des zones d’implantation a bien évidemment une importance capitale. Comme la recherche de la rentabilité pousse naturellement les développeurs de solutions à se tourner vers les zones au foncier plus intéressant, et face à la raréfaction des friches, il y a bien un risque réel d’artificialisation des zones agricoles.

La récente loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, promulguée le 10 mars 2023, devrait heureusement améliorer les choses. Elle prévoit notamment une mobilisation du foncier qui permettra de faciliter l’installation de panneaux solaires sur des terrains déjà artificialisés ou ne présentant pas d’enjeu environnemental majeur : friches en bordure de littoral, terrains en bordure des routes et autoroutes, voies ferrées, fluviales, etc.

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Mais il y a encore plus intéressant. À l’initiative des parlementaires, cette loi comporte également un volet sur l’agrivoltaïsme, dont le déploiement est dorénavant encadré. « Les installations agrivoltaïques (sur des hangars, des serres…) devront permettre de créer, maintenir ou développer une production agricole, qui devra rester l’activité principale, et devront être réversibles. Un décret déterminera les conditions de déploiement et d’encadrement de l’agrivoltaïsme. »

Enfin, pour couper court aux polémiques, les ouvrages solaires au sol sont désormais interdits sur les terres cultivables. « Ils seront uniquement permis sur des terres réputées incultes ou non exploitées depuis un certain temps. Dans les zones forestières, les installations solaires sont interdites dès lors qu’elles nécessitent d’abattre des arbres. »

Équiper en priorité les surfaces déjà existantes : zéro impact sur les sols

Il existe aussi un moyen simple de ne réduire à presque rien [3] l’impact du solaire sur les sols. Il s’agit d’utiliser au maximum comme support, les surfaces déjà existantes et notamment les toitures. La France compte environ 2 fois plus d’installations solaires au sol qu’en toiture.

Selon une étude, si tous les toits de l’UE [4] étaient équipés de systèmes photovoltaïques, nous pourrions couvrir un quart des besoins en électricité de l’UE. C’est plus que le gaz ! Le potentiel solaire de nos toitures est donc énorme et une initiative européenne sur les toitures solaires a même été lancée afin d’accélérer le déploiement de ces solutions. Au-delà de la capacité de production, le fait que le solaire en toiture utilise des structures existantes est également un avantage mis en avant dans la stratégie de l’UE pour l’énergie solaire, car cela évite « les conflits avec d’autres biens publics tels que l’environnement ».

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À l’occasion de la présentation du plan REPowerEU, la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a même annoncé la proposition « d’imposer des toitures solaires pour les bâtiments commerciaux et publics à partir de 2026 et pour les bâtiments résidentiels neufs à partir de 2029 ».

Par ailleurs, les surfaces susceptibles d’accueillir des panneaux solaires ne se limitent plus aux toitures et aux emplacements de stationnement. Les technologies de photovoltaïque intégré au bâtiment, ou BIPV [5] sont en plein développement et permettent d’associer directement la production d’électricité à la structure des bâtiments. Si le potentiel de déploiement de ces solutions innovantes est également immense, l’adoption par le secteur de la construction est très attendue, car elle permettra de réaliser les économies d’échelle nécessaires.

Saint-Gobain, le géant français des matériaux et services pour l’habitat et l’industrie (et acteur historique du verre) ambitionne par ailleurs de devenir le fournisseur leader en Europe de solutions de façade BIPV. Il s’est récemment associé à Megasol, le leader européen des modules BIPV, ce qui prouve son vif intérêt pour ce secteur.

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[1] En exemple, l’étude d’impact sur l’environnement du projet de centrale photovoltaïque au sol de Trizay.

[2] Le secteur du bâtiment consomme 180 fois plus de béton.

[3] Si l’on considère que l’essentiel de l’impact environnemental est transféré au bâtiment et non au panneau.

[4] À condition qu’ils soient compatibles !

[5] Building Integrated Photovoltaics.