Dans un précédent article, nous avions vu qu’en l’absence de moyen de recyclage des déchets de combustible nucléaire dans un réacteur de 4ᵉ génération, le stockage profond était envisagé comme la meilleure solution. Le recyclage et le conditionnement de ces déchets permet d’en réduire la nocivité à long terme, et donc la complexité du stockage. Voici un état des lieux de ce qui se fait en France.

Après leur passage en réacteur, les combustibles usés contiennent non seulement la part de l’uranium qui n’a pas été consommée (notamment l’uranium-238, non fissile), mais également des éléments chimiques produits par les réactions nucléaires : des produits de fission, du plutonium, et d’autres substances appelées « actinides mineurs » (américium, curium, neptunium…). Les structures métalliques qui contiennent l’uranium, constituées d’un alliage de zirconium, sont rendues elles aussi radioactives par leur passage en réacteur et doivent être traitées.

Un assemblage de combustible nucléaire / Image : Orano

Après une période de refroidissement de plusieurs années dans la piscine de la centrale nucléaire où il a été utilisé, l’assemblage combustible va faire l’objet d’un traitement spécifique. Dans l’installation Orano de La Hague, les assemblages combustibles vont d’abord être cisaillés pour être réduits en petits tronçons de quelques centimètres dans lesquels sont mélangés l’uranium et les substances qui en sont issues, ainsi que les éléments de structure. Ces tronçons tombent ensuite dans un bain d’acide nitrique bouillant, dans lequel l’uranium, le plutonium, les produits de fission et les actinides mineurs vont se dissoudre.

Les morceaux de structure en zirconium, insolubles, vont être séparés, rincés et compactés. Ils vont devenir des déchets appelés « Moyenne activité à vie longue » (MA-VL). Ces derniers sont conditionnés sous la forme d’un colis appelé « CSD-C », destiné au stockage en couche géologique profonde.

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À gauche : l’installation de cisaillage et de compactage du site de La Hague. À droite : un colis de déchets nucléaires de type CSD-C / Images : Areva.

Le recyclage du combustible nucléaire usé

En ce qui concerne la matière nucléaire dissoute, l’uranium et le plutonium sont extraits du bain d’acide nitrique ; il s’agit du procédé PUREX, pour Plutonium and Uranium Refining by EXtraction. L’uranium et le plutonium sont destinés à être réutilisés, et c’est pourquoi la filière nucléaire parle de recyclage du combustible.

Le plutonium est utilisé pour fabriquer du combustible mixte d’uranium et de plutonium (MOX) dans l’usine de Mélox, en bordure du site de Marcoule dans le Gard. Le MOX est utilisé ensuite pour produire à son tour de l’énergie dans les réacteurs nucléaires qui peuvent l’accueillir. Quant à l’uranium, appelé « uranium de retraitement » (URT), il peut en principe être réenrichi pour produire à nouveau du combustible.

Toutefois, cette phase de recyclage a été à l’origine de lourdes controverses du fait qu’elle était réalisée notamment en Russie ; la nouvelle usine d’enrichissement française de George Besse II, située sur le site de Tricastin, et dotée de la technologie d’ultracentrifugation, pourra cependant réaliser cet enrichissement. Orano indique que 10 % de l’électricité produite aujourd’hui en France provient de matières nucléaires recyclées.

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Les substances non recyclées, c’est-à-dire les produits de fission et les actinides mineurs, alors sous forme de nitrates, sont ensuite vitrifiés. Cette opération consiste à calciner les nitrates pour les transformer en oxydes, puis à les mélanger à du verre borosilicaté à la température de 1 100°C. Le verre fondu est ensuite versé dans des conteneurs en acier inoxydable, formant des colis appelé CSD-V pesant environ 490 kg, dont 400 kg de matières vitrifiées et environ 11 kg de produits radioactifs.

Ce conditionnement facilite la manutention et l’entreposage des déchets. Il présente également de grands avantages en termes de résistance aux agressions (si l’on excepte les chocs mécaniques) : ils résistent bien à la radioactivité et à la chaleur dégagée, ainsi qu’à un contact éventuel avec de l’eau. La durée de vie de ces verres est estimée à plusieurs dizaines de milliers d’années. Appelés déchets de « Haute activité » (HA), ils sont destinés au stockage en couche géologique profonde.

À droite : la cellule de remplissage de l’atelier de vitrification T7 du site de La Hague. À gauche : un colis de déchets nucléaires de type CSD-V / Images : Areva.

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Les déchets ultimes

L’ensemble de ces opérations de traitement du combustible usé permet de réduire significativement le volume des déchets. Par exemple, chaque réacteur en France est à l’origine de 10 à 15 colis de type CSD-V ; l’ensemble des déchets représente environ 200 m3 par an. Cette compacité, ainsi que la vitrification, permet de réduire les contraintes et les coûts du stockage. Un autre intérêt est la réduction de la radioactivité à long terme des déchets, comme on peut l’illustrer sur le graphique suivant :

Le contexte du recyclage du combustible en France / Infographie : Orano.

On constate qu’après un millénaire, la radioactivité des déchets de combustible usé est divisée par mille lorsqu’on a séparé l’uranium et le plutonium du reste de déchets ; si cette séparation n’avait pas été réalisée, la radioactivité n’aurait été divisée que par un facteur 100.

En 2021, l’usine de La Hague aura traité environ 1 000 tonnes de combustible usé, ce qui correspond environ à la quantité produite par les réacteurs français. La capacité maximale de l’installation est de l’ordre de 1 700 t/an. D’après Orano, son coût de fonctionnement est inférieur à 2 % du prix de l’électricité pour un particulier, soit de l’ordre de 10 €/an/foyer en France.

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