L’année dernière, EDF avait ouvert la porte à la signature de contrats à long terme avec les fournisseurs alternatifs d’électricité. En cette fin janvier, EDF semble revenir sur sa décision.

Les fortes variations des prix de l’électricité ayant eu cours en 2022 et en 2023 ont rendu crucial le choix de contrats protecteurs pour le consommateur d’énergie. Parmi ces derniers, les entreprises dites électro-intensives sont les plus directement concernées. En effet, chez les fabricants de papier ou de carton, industriels de la chimie ou de la métallurgie, l’achat d’électricité représente un tiers ou plus de leur coût de production.

Pour ces clients, EDF a construit un produit sur mesure, appelé le Contrat d’allocation de production nucléaire (CAPN). Il s’agit de contrats long terme, d’une durée de dix à vingt ans, voire plus et qui comprennent une « avance de tête », qui revient à une participation aux investissements d’EDF. De plus, ils ont la particularité d’être négociés sur la base d’une part proportionnelle de la production du parc nucléaire, et non sur un volume fixé à l’avance.

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EDF ouvre la porte à ses concurrents…

Le 8 juin 2023, EDF est officiellement retiré de la bourse, à la suite de la reprise à 100 % du capital par l’État français. Le même jour se tient un colloque de l’Union française de l’électricité (UFE), l’association professionnelle des opérateurs du secteur électrique. Lors de ce colloque, Luc Rémont, PDG d’EDF depuis fin 2022, s’est déclaré favorable à la signature de contrats à long terme avec les fournisseurs alternatifs d’énergie.

Il annonce notamment que l’énergéticien national est prêt « à former des contrats de long terme avec l’ensemble des clients. (…) Sous réserve que nous trouvions un cadre d’opérations pour EDF qui soit évidemment équilibré dans le long terme, nous considérons les fournisseurs d’énergie et les autres investisseurs dans l’énergie comme des clients ou des partenaires ». EDF est bien sûr intéressé par ces contrats, puisqu’ils lui permettent de financer ses investissements dans la maintenance et le renouvellement du parc.

Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies est également intervenu : « les fournisseurs d’électricité peuvent parfaitement devenir les partenaires d’EDF, on n’a pas besoin d’un règlement d’État ». Il va de soi que dans l’environnement très fluctuant des prix de l’électricité, les fournisseurs alternatifs sont très intéressés par la production relativement stable permise par le parc nucléaire.

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… mais la referme six mois plus tard

En fin de semaine dernière, un représentant d’EDF aurait déclaré au média Montel que les contrats long terme sont destinés à l’industrie, et qu’ils n’ont pas à « assurer de la liquidité pour faire vivre des fournisseurs ». Il n’en faut pas moins pour ces fournisseurs alternatifs s’en émeuvent. TotalEnergies ou encore Vattenfal ont fait état de leur inquiétude concernant une possible distorsion de la concurrence, puisque la situation conférerait à EDF un monopole pour approvisionner les entreprises électro-intensive. Ces craintes ne sont pas seulement celles des industriels, puisque la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et l’Autorité de la concurrence en ont fait état également dans un courrier adressé au gouvernement.

La filière électrique en France est l’objet d’injonctions contradictoires qui rendent difficile sa gouvernance. En l’occurrence, nous assistons à une nouvelle passe d’armes entre EDF, fournisseur historique, et des fournisseurs alternatifs qui, faute de capacités de production en propre, dépendent de la production de ce même EDF.