
Ils pilotent gratuitement la consommation de vos radiateurs, chauffe-eaux et bornes de recharge et promettent des économies sur vos factures d’électricité. Mais comment ces opérateurs « d’effacement diffus », aussi appelés « agrégateurs », se rémunèrent-t-ils ? Pour le savoir, nous avons exploré le modèle économique d’une de ces entreprises, la startup Symphonics.
Sur le papier, la promesse est séduisante : grâce à Symphonics, particuliers et entreprises peuvent réduire leur facture d’électricité, sans changer leurs usages, simplement en décalant automatiquement leurs consommations. Via une application smartphone associée à un appareil compatible (radiateur, chauffe-eau, voire borne de recharge pour voiture électrique), l’entreprise peut interrompre brièvement la consommation à certains moments pour favoriser leur fonctionnement à d’autres. « Notre service aide les clients à baisser leur facture en déplaçant leurs usages des heures pleines vers les heures creuses », explique Mathieu Rochard, cofondateur et CEO de Symphonics.
« Dire aux clients que l’énergie est gratuite, c’est dangereux », juge-t-il. « Il faut au contraire leur faire ressentir la réalité du marché, les sensibiliser à l’heure où ils consomment », en opposition aux offres de fourniture en heures solaires gratuites d’Engie ou la recharge illimitée du véhicule électrique d’Octopus, par exemple.
Au lieu de distribuer des kilowattheures gratuits, Symphonics dit vouloir jouer le jeu des heures pleines et creuses. Selon ses simulations, un foyer équipé d’un chauffe-eau électrique et d’une borne de recharge domestique peut réduire sa facture annuelle de 10 à 15 %, soit jusqu’à 150 € par an en moyenne, sans perte de confort.
À lire aussiCette société éteint vos radiateurs pour éviter le blackoutCes économies, Symphonics ne les capte pas. « La valeur créée par le déport de consommation est entièrement donnée au client et le service est gratuit », assure Mathieu Rochard, bien que sa startup soit labellisée fournisseur d’électricité depuis le 12 octobre. Alors comment l’entreprise se rémunère-t-elle ? Son modèle repose sur les marchés de la flexibilité, autrement dit la capacité à moduler la consommation d’électricité de milliers de clients en temps réel. En agrégeant ces capacités, Symphonics peut les valoriser sur plusieurs marchés.
Lors des journées où le réseau électrique est sous tension (les jours PP1 ou PP2) RTE envoie un signal aux agrégateurs (qui regroupent la consommation et production d’électricité pour la valoriser sur le marché) comme Symphonics. L’entreprise peut alors proposer un effacement : « nous regardons, pour chaque client, s’il y a une opportunité de décaler sa consommation sans impact sur son confort », explique-t-il.
Ces effacements sont rémunérés par RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français, via un appel d’offres annuel sur le principe du mécanisme de capacité. Pour être validé, un agrégateur doit garantir au moins 30 heures d’effacement dans l’année sur les 45 jours de tension identifiés.
À lire aussiVoltalis : l’effacement diffus prend son envolCe système est en cours d’évolution. « On va passer d’une logique d’appels d’offres annuels ou pluriannuels subventionnés à une logique de marché libre avec de l’offre proposée par l’agrégateur et de la demande, qui est une obligation pour le fournisseur. Le niveau d’obligation qui va être donné par la CRE et RTE au fournisseur fixera quelque part le prix. Si le niveau d’obligation est fort, le prix de la flexibilité montera. S’il est bas, il baissera. » Autrement dit, plus le réseau aura besoin de flexibilité, plus ce service vaudra cher.
Symphonics ne pilote pas seulement la consommation des ménages. Un dépôt de bus avec une batterie permet par exemple de mieux autoconsommer, décaler sa consommation, de fonctionner en soutirage/injection (vendre et acheter l’électricité sur le marché infrajournalier), valoriser l’effacement mais aussi de participer aux services systèmes (la batterie stabilise la fréquence du réseau en participant à la réserve secondaire).
Derrière ce modèle économique se cache un enjeu d’équilibrage du réseau. Sans flexibilité développée largement, l’intégration massive de nouvelles capacités renouvelables d’ici 2035 deviendrait techniquement impossible. « La flexibilité de la demande est un pilier de la transition. Elle permet de rendre le système plus sobre, plus efficace et plus souverain. On a longtemps eu une politique de l’offre. Il est temps d’avoir une vraie politique de la demande », plaide Mathieu Rochard.
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