La politique de transition énergétique allemande, appelée « Energiewende » vise à sortir du nucléaire et à parvenir à un taux de 100 % d’électricité renouvelable d’ici 2050. Pour cela, l’Allemagne a fait des choix qui ne se sont pas tous avérés gagnants. Et si nos voisins d’outre-Rhin étaient tout simplement en train de rater leur transition énergétique ?

Porté par le charbon et le nucléaire jusqu’au début des années 2000, le mix électrique allemand a ensuite progressivement changé de visage. L’Energiewende, qui se traduit littéralement par « transition énergétique », donne un nouvel aspect à son mix électrique pour parvenir à une électricité entièrement renouvelable d’ici 2050. Pour cela, plusieurs choix ont été adoptés.

L’abandon du nucléaire, un choix porté par la population en Allemagne

D’abord, la décision a été prise d’abandonner le nucléaire. En effet, la population allemande étant culturellement anti-nucléaire depuis le début des années 1970, avant un renforcement du mouvement suite aux accidents de Tchernobyl puis de Fukushima, cela a incité les pouvoirs publics à acter la fin l’atome. La catastrophe de Fukushima a par ailleurs condamné définitivement l’énergie nucléaire outre-Rhin.

Ainsi, les trois dernières centrales encore en activité sur le territoire ont été déconnectées du réseau en avril 2023. On peut se demander si le calendrier était bon, étant donné le contexte difficile sur le plan énergétique avec la flambée des prix de l’énergie et les tensions d’approvisionnement en gaz liées à la guerre en Ukraine. En outre, rappelons que le nucléaire est une source de production d’électricité décarbonée qui aurait pu peser dans l’atteinte des objectifs du pays.

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Le gaz, un allié privilégié pour la transition énergétique allemande

Afin d’atteindre son ambition d’électricité 100 % renouvelable, nos voisins d’outre-Rhin doivent s’appuyer sur une source de production flexible, indispensable pour accompagner les énergies renouvelables dont la production est extrêmement fluctuante. Ces sources de production flexibles sont le fioul, le gaz, le charbon, l’hydroélectricité dans certains cas, et le nucléaire. L’énergie nucléaire ayant été expulsée de l’équation par choix politique et le potentiel hydroélectrique étant faible, il ne reste donc plus qu’à l’Allemagne le charbon et le gaz, qui sont des énergies fossiles.

Dans les faits, le pays exploite actuellement le charbon, le gaz et les interconnexions (imports/exports de ses pays voisins) pour compenser la variation de l’éolien et du solaire. L’Allemagne est productrice de charbon et particulièrement de lignite, une sorte de charbon à faible pouvoir calorifique. Du côté du gaz, le pays était fortement dépendant des importations en provenance de la Russie. La situation géopolitique a donc perturbé les approvisionnements en gaz, incitant les Allemands à trouver des solutions : importations de gaz naturel liquéfié (GNL) auprès d’autres pays et importations de gaz naturel depuis la Norvège. Miser sur le gaz naturel pour sa transition énergétique tout en étant extrêmement dépendant de la Russie pour ses approvisionnements était un pari risqué pour l’Allemagne qui s’est trouvée en difficulté et a dû trouver des solutions en urgence avec la guerre en Ukraine.

Sur le plan climatique, le gaz et le charbon émettent du CO2. Ceci explique que, malgré le développement des énergies renouvelables (ENR) dans le pays qui ont permis de faire baisser les émissions de CO2 de 10 % en 2023, le niveau de ces émissions reste malgré tout très élevé en Allemagne (673 millions de tonnes en 2023).

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L’hydrogène pour décarboner la production d’énergie

L’Allemagne a également fait un parti technologique incertain, en choisissant de développer de l’hydrogène dans le cadre de son Energiewende. On parle ici d’hydrogène vert, donc produit à partir de l’électrolyse de l’eau et d’électricité 100 % renouvelable. L’Allemagne mise sur cette source de production pour décarboner son industrie ainsi que le secteur de la mobilité lourde. Le pays s’est fixé comme objectif d’atteindre une capacité de production d’au moins 10 gigawatts (GW) d’ici à 2030. Pour cela, des pipelines d’hydrogène doivent être installés sur 1 800 km d’ici 2030, ce projet bénéficiant d’un soutien financier de l’État dans le cadre du programme européen des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC).

Mais, outre les pertes d’énergie considérables engendrées par la production, le transport et la consommation de l’hydrogène, l’Allemagne ne pourra pas en produire suffisamment pour couvrir sa consommation. Il est donc prévu d’en importer à hauteur de 70 % de ses besoins. Plusieurs accords ont été signés avec des pays comme le Canada, les Émirats arabes unis, l’Australie ou encore la Norvège. En pratique, l’hydrogène vert n’est pas forcément à la hauteur des attentes de l’Allemagne. Par exemple, après avoir lancé en grande pompe le train à hydrogène, nos voisins ont finalement revu leur stratégie pour décarboner le secteur ferroviaire. En effet, le train à hydrogène s’est avéré peu rentable économiquement, incitant le pays à l’abandonner au profit des trains à batterie.

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L’Allemagne, un peu seule dans la défense des carburants de synthèse

Par ailleurs, l’Allemagne défend les carburants synthétiques au point de peser fortement dans la balance des négociations européennes pour faire accepter la poursuite des ventes de voitures thermiques neuves après 2035, à condition qu’elles roulent avec ce type de carburant. Fervents défenseurs de l’e-fuel et opposés au tout électrique pour les véhicules, les Allemands pensaient rassembler de nombreux États autour des carburants de synthèse afin de les inciter à construire des usines de production.

Mais nos voisins peinent à convaincre et seuls trois pays ont signé la déclaration commune préparée par l’Allemagne : la Tchéquie, le Japon et le Maroc. Il semble donc qu’à ce jour, l’Allemagne soit assez isolée sur la défense des carburants de synthèse. Pour conclure, l’Allemagne a fait des choix radicaux pour sa transition énergétique qui s’avèrent peut-être un peu risqués compte tenu de la conjoncture, notamment du fait de l’abandon de l’atome et de l’importance laissée au gaz naturel. L’avenir nous dira si ces choix étaient les bons pour parvenir à ses objectifs.