Le Président de la République l’a annoncé le 21 octobre 2022 : la France sort du Traité sur la charte de l’énergie (TCE). Mais au fond, à quoi correspond ce traité et pourquoi il devenait urgent d’en sortir ?

Signé en 1994, ce texte est un accord international de coopération transfrontalière qui concerne le secteur de l’énergie. Les États membres de l’Union européenne l’ont signé tout comme la Suisse, la Turquie, le Japon et la Russie par exemple. On compte 54 signataires au total. L’enjeu de cet accord est de protéger le marché concurrentiel de l’énergie. Il s’agit en fait de protéger les investissements des entreprises exerçant des activités liées aux énergies fossiles.

Concrètement, grâce à ce texte, une société privée peut s’opposer à un État signataire pour des décisions politiques qui iraient à l’encontre des intérêts de l’entreprise. À la clef : des dédommagements importants que les États sont contraints de verser. Par exemple, les Pays-Bas se sont vu réclamer 1,4 milliard d’euros de dédommagement par l’énergéticien allemand RWE en raison de la politique visant à sortir du charbon d’ici 2030.

Pour comprendre le système, il faut savoir que les entreprises privées investissent des sommes colossales dans les filières fossiles. Le TCE a pour but de protéger leurs investissements sur le long terme.

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Un traité qui bloque les efforts climatiques des États

Cela pose un problème depuis quelques années, en raison des engagements pris par de nombreux États en faveur du climat. Les décisions politiques qui découlent de ces engagements se heurtent parfois aux intérêts de certaines entreprises privées exerçant dans le secteur des énergies fossiles.

Pour reprendre l’exemple des Pays-Bas, la décision de sortir du charbon qui lui a valu d’être attaqué par RWE s’est faite dans le contexte d’un autre contentieux. En effet, en 2018, le pays a été condamné en appel à réduire de 25 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2020, à la suite d’une action d’une ONG pour inaction climatique.

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Les Pays-Bas se sont donc retrouvés attaqués des deux côtés. Les uns lui reprochant de ne pas agir pour le climat et les autres de prendre des décisions en faveur du climat qui nuisent aux intérêts privés. Le Traité constitue donc un véritable obstacle à la transition énergétique initiée par de nombreux États.

Un mouvement visant à faire évoluer le Traité a néanmoins été entrepris ces dernières années, notamment lors de la Conférence sur la Charte de l’énergie des 27 et 28 novembre 2017. Ces évolutions devraient être entérinées lors de la prochaine conférence prévue en novembre 2022. Elles porteraient notamment sur l’élargissement de la liste des produits énergétiques, pour y inclure la biomasse, le biogaz ou encore l’hydrogène bas-carbone.

Quelles sont les conséquences du retrait français du TCE ?

Si la France vient d’annoncer son retrait de la charte, ce n’est pas le premier pays à le faire. En 2009, la Russie en est sortie, suivie en 2015 par l’Italie. Récemment, tout comme la France, ce sont l’Espagne, la Pologne et les Pays-Bas qui ont pris la même décision.

Cette décision a été prise par la France, sous la pression des ONG suivies par le Haut Conseil pour le climat (HCC), lequel faisait valoir que le texte était incompatible avec les dispositions de l’Accord de Paris, quand même bien des efforts sont faits pour moderniser la charte.

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Toutefois, la décision française emporte des conséquences. En effet, le texte prévoit (article 47-2) qu’une décision de retrait est effective seulement un an après sa notification lors de la conférence sur la Charte de l’énergie. La France restera donc engagée pleinement jusqu’à fin 2023.

En outre, l’article 47-3 prévoit « une clause de survie » qui permet aux entreprises de bénéficier de certaines dispositions de l’accord pendant une durée de 20 ans après le retrait d’un pays. La France devrait donc être soumise à certaines clauses jusqu’en 2042.

Un vrai casse-tête pour le pays (comme pour les autres qui ont pris la même décision) qui doit accélérer le mouvement en matière de transition énergétique pour tenir ses engagements de neutralité carbone d’ici 2050.