Connu comme le plus grand émetteur de gaz à effet de serre en Europe, l’énergéticien allemand RWE, régulièrement pointé du doigt par les écologistes pour ses centrales à charbon, a mis en service le mois dernier son premier parc éolien de France. Deux autres projets d’une puissance cumulée de 33 MW devraient être opérationnels l’année prochaine dans l’Hexagone et la société annonce aujourd’hui un nouvel investissement dans les Hauts-de-France pour 44 MW supplémentaires. Dans le même temps, l’assureur français AXA boycotte désormais les opérations de RWE dont il juge le plan de sortie du charbon trop timide.

Bête noire des écologistes d’outre-Rhin pour ses activités d’extraction de lignite[1] dont l’extension menace des villages et des forêts, le groupe RWE, porte le titre peu enviable de plus grand émetteur de gaz à effet de serre en Europe.  S’il est connu comme le premier exploitant européen de centrales à charbon, le groupe investit néanmoins des milliards d’euros dans les énergies renouvelables. Il figure même dans le peloton de tête des plus importants producteurs d’électricité verte de notre continent, après l’espagnol Iberdrola, l’italien Enel, le portugais EDPR et le danois Orsted.

Mine de lignite et centrale électrique de RWE en Allemagne

Investissements dans l’éolien français

En France, RWE affute surtout ses ambitions en se lançant dans l’exploitation de parcs éoliens. La société a investi plus de 33 millions d’euros dans Les Pierrots, son premier projet construit dans l’Hexagone. Situé dans la région Centre-Val-de-Loire à environ 250 km au sud de Paris, ses 11 turbines Nordex ont une capacité installée totale de 26,4 MW. Elles ont été mises en service fin octobre et produiront une quantité d’électricité verte correspondant à la consommation annuelle de 15 000 ménages.
Deux autres fermes, les Hauts Bouleaux (18 MW) et Martinpuich (15 MW) situées quant à elles dans les Hauts-de-France sont actuellement en construction et l’énergéticien vient d’annoncer la semaine dernière un nouvel investissement dans Les Nouvions, un parc de 44 MW qui sera installé lui aussi dans les Hauts-de-France. Il comprendra également 11 turbines Nordex et devrait être inauguré en 2023.

Par ailleurs RWE est présent dans l’offshore français puisqu’il participe à l’appel d’offres pour le parc éolien flottant qui sera implanté au large de Belle-Île-en-Mer et Groix (Bretagne). Le groupe allemand, associé à TotalEnergies, figure aussi dans la liste des six candidatures en lice pour développer le huitième parc en mer prévu au large des côtes normandes. D’une puissance de 1.000 mégawatts, c’est le plus gros projet offshore lancé à ce jour en France.
En 2020, RWE a racheté à son compatriote Nordex le portefeuille de ses projets européens dans l’éolien et le solaire. D’une puissance totale de 2,7 GW l’essentiel de ceux-ci, soit 1,9 GW se situe dans l’Hexagone. Une opération qui laisse augurer d’importants développements futurs dans la production d’énergie verte en France.

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Sortie du charbon trop lente

Ces efforts dans les renouvelables n’évitent pourtant pas à RWE d’être la cible de critiques sévères à propos de la timidité de son plan de sortie du charbon. L’énergéticien allemand prévoit la mise hors service avant 2030 de près de 6 000 mégawatts de production électrique avec le lignite, ce qui correspond aux deux tiers de sa capacité totale. Les autres centrales à charbon doivent fermer d’ici 2038, selon la feuille de route établie par RWE qui annonce en outre vouloir atteindre la neutralité carbone en 2040.
Beaucoup trop tard pour Axa ! L’assureur français s’est en effet engagé en 2017 à cesser d’assurer les entreprises qui produisent plus de 20 millions de tonnes de charbon par an. Or RWE en extrait trois fois plus. Selon l’agence Bloomberg, Axa a donc décidé récemment d’arrêter d’assurer les activités de RWE, y compris celles qui concernent les énergies renouvelables. L’assureur lui a laissé deux ans de “grâce » avant que le couperet ne tombe.

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L’étau se resserre

Le Crédit Agricole, avait déjà alerté RWE lors de son assemblée générale de juin 2020 sur la faiblesse de sa feuille de route. Le groupe bancaire avait adressé une lettre à l’énergéticien pour lui de demander de se conformer aux avis des scientifiques, lesquels préconisent 2030 comme date de sortie du charbon en Europe, afin de rester en ligne avec une trajectoire de réchauffement climatique de 1,5 degré. Rien n’y a fait.
L’étau se resserre sur RWE qui ne peut pas se tourner vers Allianz, le grand assureur allemand. Lui aussi a défini des critères restrictifs qui excluent RWE. Idem pour l’assureur suisse Zurich…

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[1] Le lignite est un charbon de piètre qualité, utilisé principalement dans les centrales électriques. En Allemagne il est exploité dans d’immenses carrières à ciel ouvert dont l’extension menace des villages et des forêts.