La Bulgarie est un petit pays des Balkans de près de 7 millions d’habitants. Bordé au sud par la Grèce et au nord par la Roumanie, il a vu en 2023 un bouleversement de son mix électrique : – 50 % de charbon, + 40 % photovoltaïque. Mais qu’y a-t-il derrière cette transformation ?

Le mix électrique de la Bulgarie est relativement diversifié. Regardons les chiffres : d’après l’Agence Internationale de l’Énergie, en 2021, le pays a produit 47,6 TWh d’électricité, dont 36 % à partir de charbon (17,1 TWh), et 35 % produits à partir d’énergie nucléaire (16,5 TWh). Le dernier tiers est produit en partie par des centrales au gaz (3 TWh) mais surtout à partir de sources renouvelables : hydroélectricité (5,1 TWh), biomasse (2,6 TWh), photovoltaïque (1,5 TWh) et éolien (1,4 TWh).

La production d’électricité en Bulgarie est donc en premier lieu assuré par le charbon, et notamment le lignite. Il faut préciser en effet que le sous-sol du pays est largement doté en la matière : d’après le BP Statistical Review, les réserves du pays s’élèveraient en 2019 à 2 174 Mt (lire « millions de tonnes »), soit un peu plus de 150 années de production. En deuxième lieu, l’énergie nucléaire. La centrale de Kolodouy est située sur le bord du Danube, à la frontière avec la Roumanie. Elle totalise une puissance installée de 2 GW, sous la forme de deux réacteurs VVER de conception russe. Ce mix énergétique offre à la Bulgarie une situation relativement favorable, puisqu’il a permis au pays d’être exportateur net d’électricité : en 2021, elle importe 1,9 TWh et exporte 10,7 TWh, pour un solde positif de 9,2 TWh, soit près de 20 % de la production totale du pays.

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La situation est renversée en 2023

Dans ce contexte, il s’est produit des changements particulièrement importants au cours de l’année dernière. En 2023, en effet, la production d’électricité à partir de charbon s’est effondrée en Bulgarie de près de 50 %, soit environ 7,5 TWh. Dans le même temps, la production d’électricité photovoltaïque a explosé en termes relatifs, avec une augmentation de 41 %. Elle est ainsi passée de 1,5 TWh à 2,1 TWh.

L’énergie solaire serait-elle donc en passe de remplacer le charbon en Bulgarie ? Pour donner quelques exemples concrets, la production à la centrale au charbon de Maritsa Istok-3 (4 unités de 225 MW) est arrêtée depuis février. Sa voisine Maristra Istok-2 (1,6 GW), quant à elle, ne fonctionne qu’à 30 % de ses capacités, tandis qu’ont été révoquées les dérogations dont elle bénéficiait depuis 2019 concernant les règles d’émissions de dioxyde de soufre et de mercure. Par ailleurs, l’exploitant de la centrale thermique, la société américaine KKR, construit à proximité du site une centrale solaire de 80 MW. Si l’on peut affirmer que les renouvelables ont remplacé en partie le charbon en Bulgarie, il convient de nuancer ce constat, au-delà de toute annonce triomphaliste.

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La Bulgarie serait-elle en train d’y perdre ?

Tout d’abord, l’explosion de la génération photovoltaïque est loin de compenser la baisse de production d’électricité à partir du charbon (-7,5 TWh à comparer à +0,6 TWh). En conséquence, la production totale d’électricité a chuté de près de 20 %. Elle a donc diminué de l’équivalent de ses exportations, ce qui ne peut pas être sans conséquence sur l’économie du pays.

En 2022, profitant notamment de la forte hausse des prix européens de l’électricité, la Bulgarie avait en effet pu vendre près de 3 milliards d’euros d’électricité à ses voisins. Ces revenus sont évidemment les bienvenus pour un pays dont le produit intérieur brut (PIB) en parité de pouvoir d’achat est le plus bas d’Europe. Or, aujourd’hui, l’effondrement du cours du gaz naturel a conduit à une compétitivité accrue des centrales électriques au gaz par rapport aux centrales électriques au charbon. C’est en particulier la concurrence de ces dernières, notamment en provenance de Roumanie et de Grèce, qui a conduit à la baisse de la production des centrales au charbon, plongeant dans la crise le secteur énergétique bulgare.

Le charbon représente près de 100 000 emplois en Bulgarie, tandis que par ailleurs le pays envisage de fermer la dernière centrale au charbon en 2038. Dans le contexte des nombreux soubresauts des marchés européens de l’énergie, espérons pour la population locale que la transition énergétique ne se déroule pas sous la forme d’une succession de crise, et d’une dépossession de ses moyens de production. Rappelons que pour ce faire, le pays recevra de la part de l’Union européenne des investissements importants : 1,2 milliard d’euros du Fond pour une transition juste et au moins 2 milliards d’euros supplémentaires du Plan de relance.