Un monde où les lampadaires et les lampes de chevet seraient des plantes vivantes capables d’éclairer nos nuits. Cette vision n’est pas extraite d’un film fantastique : elle pourrait devenir une réalité dans un futur pas trop lointain grâce aux travaux de recherche menés par une équipe de scientifiques du MIT.

En France, l’éclairage public est assuré par 9 millions de points lumineux. Ensemble, ils consomment environ 7 TWh (térawattheures) d’électricité chaque année. Cela correspond à peu près à la production annuelle d’un réacteur nucléaire. Pour une commune, l’éclairage public représente 48 % de sa consommation d’électricité, 18% de sa consommation totale d’énergie et 37% de sa facture d’électricité[1].

Autant dire que les travaux menés par les ingénieurs du fameux MIT (Massachusetts Institute of Technology) visant à utiliser des plantes lumineuses pour assurer l’éclairage public sont dignes de susciter notre intérêt. Une telle avancée technologique devrait permettre aux collectivités du monde entier de faire de sérieuses économies d’énergie et bien sûr d’abaisser leurs coûts. Mais aussi de réduire significativement les émissions planétaires de gaz à effet de serre.

Bioluminescence

Comme les lucioles, bien connues pour cette faculté hors du commun, certaines espèces vivantes sont capables d’émettre de la lumière. Il semblerait que 76% des organismes marins vivant à moins de 4.000 mètres de profondeurs sont dotés de ce privilège appelé bioluminescence.

L’équipe du MIT qui travaille sur le sujet est dirigée par Michael Strano, un professeur de génie chimique. En 2017, elle avait déjà publié un premier article qui présentait une génération de plantes lumineuses pouvant briller pendant près de 4 heures. Mais la lumière produite par celles-ci était relativement faible. Trop faible. Cette fois, ces chercheurs révèlent la découverte de plantes qui émettent dix fois plus de lumière.

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Epinards détecteurs et cresson lumineux

Pour leur conférer cette capacité, les ingénieurs du MIT utilisent une technique appelée nanobionique végétale. Elle consiste à insérer des nanoparticules dans les tissus des plantes pour leur octroyer de nouvelles propriétés. L’équipe de Michaël Strano a déjà utilisé cette technologie pour créer des plants d’épinard capables de détecter des explosifs et d’envoyer des messages électroniques … et ce n’est pas de la science-fiction ! Lorsque les racines des épinards détectent dans les eaux souterraines la présence de composés que l’on trouve souvent dans les explosifs tels que les mines terrestres, des nanotubes de carbone contenus dans les feuilles de la plante émettent un signal. Celui-ci est alors lu par une caméra infrarouge, qui envoie un courriel d’alerte aux scientifiques. D’autres plantes « manipulées » par le MIT sont par exemple aussi capables d’envoyer un SOS lorsqu’elles ont soif.

Pour créer sa première génération de plantes lumineuses, l’équipe du professeur Strano avait utilisé du cresson « dopé » par des nanoparticules de luciférase et de luciférine, les molécules qui confèrent leur bioluminescence à plusieurs espèces, notamment les lucioles.
Pour augmenter la puissance lumineuse du cresson, les scientifiques ont utilisé cette fois des nanoparticules d’aluminate de strontium qui ont été recouvertes de silice (pour ne pas blesser la plante), puis introduites par les stomates, ces petits pores situés à la surface des feuilles. Ces nanoparticules s’accumulent alors dans la partie interne des feuilles où siège la photosynthèse. Le film qu’elles forment à cet endroit est capable d’absorber les photons – c’est-à-dire les particules qui constituent la lumière – puis de les restituer ensuite dans l’obscurité à la manière des matériaux phosphorescents.

Des nanoparticules ont été insérées à l’intérieur des feuilles de la plante. © P. Gordiichuk et al./MIT

Une bonne candidate à la fonction de lampadaire vivant

Les expériences menées par les scientifiques du MIT ont démontré qu’après 10 secondes d’exposition à une LED bleue, les plantes ainsi manipulées peuvent émettre de la lumière pendant environ une heure. Leur luminosité est maximale pendant les cinq premières minutes, puis elle régresse progressivement. Selon les observations des chercheurs, la décroissance lumineuse est inversement proportionnelle à la concentration en chlorophylle des feuilles.

Ils ont également effectué des essais sur d’autres espèces végétales et découvert que la technologie fonctionnait aussi sur les plants de tabac, le basilic, la marguerite, etc. L’alocasia, par  exemple, est une bonne candidate à la fonction de lampadaire vivant. Cette espèce tropicale commune dans certaines régions d’Asie et d’Australie, mais largement cultivée comme plante ornementale dans le monde, est dotée de grandes feuilles pouvant mesurer de 20 à 90 cm. Une dimension qui pourrait tout à fait se prêter à un usage en tant que source d’éclairage public.

L’article publié par les ingénieurs du MIT précise que la manipulation subie par les plantes n’a eu aucun impact sur leurs fonctions naturelles, telles que la photosynthèse et l’évaporation de l’eau à travers les feuilles.

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Des plantes pour remplacer les réseaux d’éclairage public

« La réussite de cette expérience permet d’espérer la mise au point d’un éclairage bioluminescent qui pourrait être utilisé par les gens » explique Pavlo Gordiichuk, l’auteur principal de l’étude. « Nous pensons que des plantes vivantes pourraient remplacer nos réseaux actuels d’éclairage urbain, qui ne sont pas durables. Et cela serait tout bénéfice pour les espèces dépendant des plantes, y compris les êtres humains », ajoute Sheila Kennedy, co-auteure de l’article.

Pour atteindre cet objectif, les scientifiques envisagent maintenant de combiner les nanoparticules d’aluminate de strontium avec celles de luciférase, de façon à augmenter encore l’intensité et la durée de la lumière produite.

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[1] Source : Syndicat de l’éleclairage