Choisis pour abriter la COP28 à l’automne 2023, les Émirats arabes unis multiplient les sorties médiatiques pour apparaitre sous le visage d’un pays activement engagé en faveur des énergies renouvelables, et tenter de faire oublier un temps leur vocation de pays pétrolier par excellence.

Plusieurs médias acquis à cette monarchie relaient une surprenante propagande, louant des acquis décrits comme « uniques » en matière d’investissement dans les énergies propres. Une propagande qui résiste néanmoins difficilement aux paradoxes manifestes qui caractérisent la politique énergétique de ce pays.

La Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 28) se tiendra à Dubaï, capitale économique des Émirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre 2023. Première fausse note, c’est le PDG d’une compagnie pétrolière émiratie qui présidera le sommet ! Il s’agit du ministre de l’Industrie, chef du géant pétrolier ADNOC qui, comble de l’ironie, est aussi envoyé spécial pour le changement climatique auprès de l’ONU, Sultan Ahmed al-Jaber.

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Des observateurs et organisations environnementales crient au conflit d’intérêt et rappellent le scandale de la COP27, qui s’est tenue du 6 au 18 novembre 2022 en Égypte, marquée par la présence de quelque 600 représentants de compagnies pétrolières. Ce qui a, d’ailleurs, fait que la question de la réduction de l’utilisation des énergies fossiles a été balayée dans le texte final.

D’un paradoxe à l’autre

Les autorités émiraties justifient le choix de ce personnage par les engagements « sans équivalent dans la région », qui auraient été pris en faveur des énergies renouvelables. Elles mettent aussi en valeur le statut de Sultan Ahmed al-Jaber, qui dirige des entreprises du secteur des énergies renouvelables. Mais l’ambiguïté reste entière, car la même personne avait, lors du salon international sur le pétrole tenu à Abu Dhabi en octobre 2022, déclaré que son pays n’était pas prêt à réduire la production du pétrole, estimée à de 3,5 millions de barils par jour. Il affirmait que, bien au contraire, les Émirats envisageaient d’augmenter leur production à 5 millions de barils par jour, d’ici 2030, tout en portant les investissements à 600 milliards de dollars par an. Il s’est même laissé dire que la transition vers les renouvelables « prendra des décennies » et « se fera de manière progressive ».

Des médias acquis à Abu Dhabi, dont notamment Attaqa, site spécialisé en énergie, basé aux États-Unis et dirigé par un « expert » saoudien, se sont chargés de relayer la propagande officielle. Attaqa prétend que durant 2022, 60 % de la demande totale d’énergie du pays était le produit des sources « propres », grâce à des centrales solaires et nucléaires. Des chiffres contestés par l’Agence américaine d’information sur l’énergie.

Pétrole et gaz à la base du mix énergétique émirati

Les Émirats comptent plusieurs centrales solaires, pour quelques gigawatts de puissance installée. Ils possèdent surtout la première centrale nucléaire du monde arabe, lancée à partir de 2020. Il s’agit de la centrale nucléaire de Barakah, d’une puissance de 5 380 MW et dont trois des quatre réacteurs sont entrés en service.

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Nonobstant ces investissements, les Émirats arabes unis restent l’un des plus gros consommateurs et exportateurs d’énergies fossiles au monde, et vient à la sixième place des pays émetteurs de CO₂ par habitant de la planète, avec 22 tonnes par an et par personne. En 2021, le pays produisait 89,4 % de son électricité à partir de gaz fossile. Le nucléaire était la seconde source avec 7,1 % de la production, devant le solaire qui plafonnait à 3,5 %. Les 9,5 millions d’Émiratis habitués à l’énergie bon marché ont donc du chemin pour changer leurs comportements en matière d’énergie. Il faut savoir que chaque habitant consomme, en moyenne, 17 000 kWh/an d’électricité (hautes températures obligent), frisant le record mondial.