Selon un récent rapport rédigé par le bureau Material Economics, l’Union Européenne surestime nettement le potentiel de la biomasse-énergie dans son scénario de neutralité carbone en 2050.

L’énergie de la biomasse est celle qui peut être produite par des végétaux, qu’ils viennent de forêts ou de cultures, dédiées[1] ou non. Trois modes de génération d’énergie coexistent : la combustion qui peut produire de la chaleur ou de l’électricité dans une centrale (voie « sèche »), la biométhanisation qui produit du gaz, ou la fabrication d’agrocarburants.

Par rapport aux autres énergies renouvelables, précisons que la biomasse-énergie peut avoir des effets pervers sur la biodiversité ; elle peut aussi accroître la pression sur les terres disponibles et modifier les équilibres agricoles.

Les émissions de gaz à effet de serre de la biomasse-énergie sont, en principe, neutres. De sa plantation jusqu’à sa combustion, un arbre capture autant de carbone qu’il n’en émet, les émissions nettes étant dues essentiellement à sa coupe et à son transport. Toutefois, le végétal a stocké une certaine quantité de carbone dans le sol via ses racines, et elles vont y rester. Un stock qui ne sera pas perdu si les cycles forestiers sont bien entretenus.
On pourrait également compter les apports écosystémiques procurés par la biomasse : protection des sols contre l’érosion, création d’humus, alimentation des nappes d’eau souterraines, abri pour les insectes et de nombreuses autres espèces animales.

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Selon le rapport de Material Economics, la biomasse que l’Union estime pouvoir utiliser annuellement en 2050 pour produire de l’énergie verte, est surestimée de 50 à 100%, si on ne veut pas provoquer une pression insoutenable pour les forêts et l’utilisation des terres.

Pour parvenir à l’objectif de la Commission, il faudrait ajouter près de 40 millions d’hectares à la surface actuellement consacrée à la production de biomasse-énergie. Soit l’équivalent de 13 fois la Belgique, ou des deux tiers de la France.

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Gestion intensive

L’Europe n’étant pas extensible, la production d’énergie pourrait éventuellement s’accroître par une meilleure gestion forestière. Mais y a-t-il une marge disponible pour augmenter cette production ? Non, estime Material Economics : les forêts européennes sont déjà gérées de façon intensive. Du côté des cultures, entre 2002 et 2019, la consommation de végétaux pour les agro-énergies a augmenté de 150%.
Par ailleurs, la biomasse-énergie entre en concurrence avec d’autres débouchés pour les forêts, le bois étant notamment utilisé dans la construction, l’ameublement, etc.

D’après les auteurs du rapport, le prix du bois serait globalement en hausse ; produire de la biomasse-énergie sera dès lors de plus en plus onéreux. Son coût de production pourrait dépasser de 70 à 100% celui de l’éolien ou du photovoltaïque en 2050. Mais contrairement à ces deux énergies renouvelables, l’énergie de la biomasse est « pilotable » et pourrait être réservée à des secteurs de niche.

La biomasse végétale serait bien plus utile si elle était consacrée à des usages matériels au lieu d’être transformée en énergie.  Elle est utilisée dans plusieurs secteurs à haute valeur ajoutée, comme la construction, le textile et la chimie. On pourrait aussi l’introduire davantage dans l’isolation, c’est-à-dire l’utiliser pour réduire les consommations d’énergie, ce que l’éolien ou le photovoltaïque ne peuvent pas faire.

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Croissance de 20%

Le rapport remis à la Commission Européenne par Materiel Economics précise toutefois qu’une croissance de 20% de l’énergie de la biomasse serait possible d’ici 2050, tous secteurs d’activité confondus. Et ceci en limitant les besoins en nouvelles surfaces dédiées à la biomasse-énergie dans l’Union Européenne.

La volonté de développer les usages de la biomasse, dont l’énergie, entre parfaitement dans la stratégie de lutte contre le changement climatique prônée par l’Europe. C’est également un moyen de maintenir, sinon de développer des emplois dans les zones rurales, et particulièrement dans des régions qui, aujourd’hui, sont en train de se dépeupler. Par exemple dans les pépinières, la plantation et l’entretien des forêts, la chasse, le bucheronnage, le transport, etc.
A cet aspect, il convient d’ajouter le développement de la recherche forestière, laquelle doit nécessairement participer à la lutte contre le changement climatique.

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[1] Une culture énergétique dédiée est exploitée dans le but de produire de la biomasse destinée à une valorisation énergétique.