Jusqu’à 260 000 abonnés des Alpes-Maritimes et du Var ont subi une importante panne d’électricité dans la soirée du mercredi 11 octobre 2023. Un délestage local qui aurait été causé par une défaillance d’un poste électrique. Mais pourquoi cet incident habituellement banal a-t-il pris autant d’ampleur ?

Par le passé, le réseau électrique de la région PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur) était considéré comme fragile puisqu’une seule ligne de 400 kilovolts (kV) desservait la zone. Le secteur, qualifié de « péninsule électrique » par le gestionnaire du réseau de transport RTE, au même titre que la Bretagne par exemple, était vulnérable aux incidents techniques provoqués notamment par les incendies. D’ailleurs, la région a été marquée par la coupure géante d’électricité qui s’est produite le 3 novembre 2008 en raison de violents orages, privant de courant pendant plus de 3 h un million et demi de personnes entre le Var et la frontière italienne.

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Un poste défaillant, 260 000 clients privés d’électricité

Un nouvel incident de grande ampleur s’est produit dans la soirée du mercredi 11 octobre 2023. Un peu avant 20 h, plusieurs villes ont été plongées dans le noir. RTE a reconnu que 260 000 clients avaient été touchés, au plus fort de l’épisode de coupure, qui a duré un peu plus de 2h30.

Les foyers, l’éclairage public et les feux de circulation ont été affectés par l’incident. Par endroits, des quartiers entiers ont été plongés dans le noir. RTE a expliqué que l’incident avait pour origine une défaillance technique sur le poste électrique de Néoules qui dessert à la fois le Var et les Alpes-Maritimes. Selon France Bleu, il s’agit d’un incendie dont la piste malveillante serait néanmoins écartée. Cet incident a entrainé une surcharge sur les lignes, ce qui a conduit les agents de RTE à effectuer un délestage pour éviter le black-out. Cela consiste à cibler les coupures pour permettre de maintenir l’alimentation dans les bâtiments qui ne peuvent pas s’en passer, comme les hôpitaux.

Le courant a été rétabli dans la soirée, aux alentours de 22h30. Pour autant, le problème de fond n’est toujours pas résolu et RTE ignore toujours ses causes précises de cet incident.

Le sud-est de la France, une « péninsule électrique » vulnérable aux coupures

Depuis les années 2000, la situation a évolué pour tenter de remédier à la fragilité du réseau dans le Sud-Est. D’abord, il a été envisagé de créer une nouvelle liaison électrique aérienne à très haute tension (THT) de 400 kV entre les postes de Boutre (Var) et Carros (Alpes-Maritimes). Le projet a toutefois été censuré par le Conseil d’État en 2006, conduisant à son abandon. Le problème résidait dans le caractère aérien du tracé, et dans le fait qu’il traversait des territoires vierges de pylônes électriques ainsi que des paysages remarquables comme les gorges du Verdon. Il était en effet impossible de passer en souterrain sur une longue distance une ligne de 400 kV en courant alternatif, sans utiliser la coûteuse technologie du courant continu haute tension.

En conséquence, une autre solution, moins efficace techniquement, mais plus consensuelle, a été trouvée sous la forme de trois lignes souterraines de 225 kV entre Manosque et Trans-en-Provence, Fréjus et Saint-Cassien, et de Saint-Cassien à Cannes-La-Bocca. Cette solution technique a été nommée le « filet de sécurité » par RTE, permettant ainsi de limiter les risques de coupure dans le secteur. Les travaux ont été achevés en 2015.

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Mais alors, comment expliquer la nouvelle coupure de mercredi dernier ? Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, a exprimé son inquiétude à propos de cet incident. RTE lui a répondu que le filet de sécurité mis en place en 2015 a justement permis de contenir la situation et d’éviter le black-out en procédant à des délestages ciblés.

On n’est donc pas dans la même situation de black-out total et non maîtrisé de 2008. Il n’est toutefois pas certain que cet argument rassure les clients privés d’électricité pendant plus de deux heures mercredi dernier. D’autant que lorsque la durée d’interruption de fourniture est inférieure à 5 heures, les clients ne peuvent prétendre à aucune indemnisation. Dans le cadre de la transition énergétique, de nombreux usages sont appelés à être électrifiés : voiture, chauffage, industries, augmentant par là même notre dépendance aux électrons. Le renforcement du réseau électrique haute tension, moins populaire que la construction de nouvelles centrales, devient plus que jamais vital pour la réussir.