La Chine domine largement la filière de la production de panneaux solaires, au détriment des fabricants européens confrontés à une concurrence déloyale. En réponse, l’Union européenne (UE) a mis en place des mesures pour protéger son industrie. Si dans le passé, la Chine a déjà utilisé des procédures légales pour esquiver certaines restrictions européennes, aujourd’hui, des interrogations émergent quant à la possibilité qu’elle défie à nouveau les mesures instaurées par l’UE.

Dans le cadre de son objectif de neutralité carbone d’ici 2050, l’UE place de grands espoirs dans l’énergie solaire. D’ici 2030, elle vise à tripler sa puissance solaire actuelle en passant de 260 GW à 750 GW. Rien qu’en 2023, l’Europe a installé 56 GW, soit une augmentation de 40 % par rapport à l’année précédente. Ces réalisations pourraient laisser penser que le secteur solaire européen se porte à merveille. Pourtant, le continent reste extrêmement dépendant des importations chinoises. En effet, seulement 3 % des panneaux solaires utilisés dans l’UE sont produits localement, le reste étant principalement importé de la Chine.

Devenu un acteur incontournable des technologies solaires, l’empire du Milieu produit environ 75 % des modules photovoltaïques dans le monde. Avec une chaîne de valeur intégrée, le pays est en mesure de proposer des coûts très compétitifs, plaçant ainsi l’industrie européenne au bord de l’effondrement. Bien que des mesures de protection aient été mises en place au niveau continental et national, la question demeure : ces règles sont-elles suffisamment robustes pour contrer l’influence chinoise ?

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Fabrication de panneaux solaires : une industrie précaire en Europe

En 2023, la Chine a massivement exporté des panneaux solaires vers l’Europe, entraînant une baisse notable des prix. Cette situation résulte principalement de la récente politique américaine, notamment le plan « Inflation Reduction Act », qui cherche à limiter la présence des modules chinois sur le marché américain. De plus, la concurrence interne entre les fabricants chinois contribue à la tendance baissière du prix. Ces dynamiques mettent les producteurs européens dans une position précaire, affectant leur compétitivité et leur viabilité économique.

Dès le début de l’année, le Conseil européen de l’industrie solaire (ESMC), qui représente les fabricants européens, a tiré la sonnette d’alarme concernant le risque de faillite pour de nombreuses entreprises du secteur. Comme l’ESMC l’avait prédit, plusieurs sociétés ont déjà dû fermer leurs portes. En France, l’usine de fabrication Systovi a cessé définitivement ses activités en avril. En Allemagne, l’entreprise Solarwatt a planifié sa fermeture, et le géant Meyer Burger prévoit de se relocaliser aux États-Unis après avoir subi d’importantes pertes l’année passée.

Face à la menace d’un déclin imminent de l’industrie, plusieurs pays européens ont déjà mis en place des mesures pour soutenir le secteur local. À l’échelle continentale, la Commission européenne a adopté le Net-Zero Industry Act, dont l’objectif est de couvrir, d’ici 2030, 40 % des besoins annuels en déploiement de technologies bas-carbone, y compris le solaire. Cette initiative vise à stimuler la production interne et à réduire la dépendance vis-à-vis des importations, tout en soutenant l’innovation et la compétitivité européennes dans le domaine des technologies renouvelables.

La Chine réagira-t-elle contre les initiatives européennes ?

Tandis que l’Europe intensifie ses efforts pour protéger son industrie solaire, il est légitime de se demander si la Chine pourrait réagir en engageant des actions contre ces mesures protectionnistes. En 2012, la Chine, alors déjà leader mondial de l’exportation de panneaux solaires, avait contesté les restrictions européennes en demandant des consultations officielles à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette démarche constitue généralement la première phase dans le processus de règlement des différends, lors duquel, les parties tentent de résoudre les problèmes à l’amiable avant de passer à une procédure juridique formelle.

Dans le contexte actuel, les experts jugent faibles les chances que la Chine engage une nouvelle procédure similaire. Pour que le pays prenne une telle décision, il faudrait que les mesures européennes affectent de manière significative sa robuste industrie, ce qui ne semble pas être le cas pour le moment. De plus, les initiatives telles que le Net-Zero Industry Act visent plutôt à renforcer l’industrie locale sans nécessairement provoquer un conflit direct avec la Chine.

En Italie, le gouvernement a introduit le Plan national de relance et de résilience (PNRR) pour soutenir la filière en accordant des crédits d’impôts aux projets utilisant exclusivement des panneaux conçus dans l’UE. Pour ce cas spécifique, selon des spécialistes, si la Chine décide de contester, elle pourrait s’appuyer sur des arguments techniques basés sur le droit européen. Le processus pour formaliser de telles plaintes peut néanmoins être assez long, car il nécessite une analyse détaillée des règlements et de leur conformité avec les règles internationales du commerce. Il est également possible que les différends soient abordés par le biais de discussions bilatérales entre l’Italie et la Chine. Cette approche s’écarte des procédures officielles plus rigides de l’OMC, et peut offrir un moyen plus rapide et peut-être moins conflictuel de résoudre les désaccords.