Les investissements dans la transition énergétique ont bondi de 32 % en 2022, pour dépasser le pallier de 1 000 milliards d’euros. Un niveau jamais atteint qui égale pour la première fois celui des combustibles fossiles.

L’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 pose un défi : répondre à la demande énergétique en maintenant le niveau de vie des populations tout en évitant d’aggraver la crise climatique. Et cela passe inévitablement par la transition énergétique. Les États et les entreprises l’ont bien compris et les dépenses augmentent dans le secteur. Pour faire le point sur ces investissements, le cabinet d’études BloombergNEF (BNEF) a publié son rapport annuel intitulé « Energy Transition Investment Trends », qui analyse les dépenses réalisées dans la transition énergétique bas-carbone de la part des entreprises, des institutions financières, des gouvernements et des utilisateurs finaux.

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Le nucléaire stagne, malgré sa puissance de décarbonation

Tous les secteurs étudiés ont fait état d’un niveau record d’investissement durant l’année 2022, exception faite du nucléaire qui, malgré sa capacité à produire de grandes quantités d’énergie ultra-bas-carbone, est resté stable. Le total atteint un niveau historique de 1 110 milliards d’euros (contre 849 milliards d’euros en 2021). Sans surprise, ce sont les énergies renouvelables qui ont reçu la plus grosse part du gâteau avec 495 milliards d’euros environ sur l’année. C’est une hausse de 17 % par rapport à 2021.

La hausse la plus importante revient néanmoins au secteur du transport électrifié avec un montant de 466 milliards d’euros dépensés, soit un bond de 54 % depuis l’année précédente. Cela concerne bien sûr les véhicules électriques, mais également l’ensemble des infrastructures liées. Le rapport du cabinet d’études évoque par ailleurs les dépenses liées à l’hydrogène, soulignant qu’il s’agit du secteur ayant reçu le moins d’argent (1,1 milliard d’euros). Mais cela ne doit pas masquer sa croissance fulgurante puisque le niveau d’investissement a plus que triplé dans le domaine depuis 2021.

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Plus d’investissements dans la transition que dans les fossiles

Quels sont les pays qui attirent le plus d’investissements en matière de transition énergétique dans le monde ? À la première place, on retrouve la Chine qui pèse 546 milliards d’euros, soit pratiquement la moitié des dépenses mondiales. En seconde position, mais loin derrière, les États-Unis attirent 141 milliards d’euros d’investissements dans la transition énergétique. La France est parvenue à se hisser à la quatrième place, derrière l’Allemagne, mais devant le Royaume-Uni. À noter que si l’on réunissait l’ensemble des dépenses de l’Union européenne, celle-ci serait devant les États-Unis avec 180 milliards d’euros.

L’autre information à retenir de ce rapport est que, pour la première fois, les investissements dans la transition énergétique ont atteint ceux estimés dans le secteur des combustibles fossiles (1 100 milliards d’euros). Albert Cheung, le responsable de l’analyse mondiale chez BNEF a toutefois alerté : « plutôt que de ralentir, les investissements dans la transition énergétique ont atteint un nouveau record alors que les pays et les entreprises continuent d’exécuter leurs plans de transition. (…) Ces investissements stimuleront la création d’emplois à court terme et contribueront à atteindre les objectifs de sécurité énergétique à moyen terme. Mais beaucoup plus d’investissements sont nécessaires pour atteindre le zéro net à long terme ».

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En effet, malgré le niveau impressionnant des investissements dans la transition énergétique en 2022, la route est encore longue pour répondre efficacement à la crise climatique. Le rapport insiste d’ailleurs sur ce point en précisant que le niveau des dépenses dans le secteur est pour l’heure insuffisant pour faire face au changement climatique. Selon la BNEF, il faudrait que ce chiffre triple immédiatement pour atteindre « une trajectoire d’émissions de CO₂ nettes nulles en 2050 ».

L’investissement des entreprises en baisse

Un montant n’est pas inclus dans le total des investissements de plus de 1 000 milliards précités. Et il est en baisse : c’est celui des financements des entreprises liées aux technologies climatiques qui chute de 29 % en 2022 avec 119 milliards d’euros. Cette baisse s’explique par la diminution des offres publiques d’actions qui se justifie par une année difficile sur les marchés boursiers dans le monde.

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Enfin, le rapport étudie le niveau des investissements dans les usines liées à la transition énergétique. Dominé par la Chine, le secteur a suscité 78,7 milliards d’euros de dépenses en 2022 contre 52,6 milliards l’année précédente. On peut lire dans le rapport que « les installations de fabrication de batteries et de composants connexes en constituaient la plus grande part à 45,4 milliards de dollars, tandis que les usines solaires ont attiré 23,9 milliards de dollars. La Chine représentait 91 % des investissements manufacturiers en 2022, malgré les efforts d’autres pays pour saisir davantage l’opportunité mondiale d’énergie propre ».

Pour l’instant, c’est donc la Chine qui est leader dans l’investissement dans ce domaine. On a toutefois vu émerger ces derniers mois de nouveaux projets d’usines, soutenus par l’Inflation Reduction Act. Toutefois, il faudra attendre l’aboutissement des nouveaux chantiers pour apprécier le poids de ces investissements au niveau mondial. Quant à l’Europe, elle est à la traîne, comme le montre le second graphique publié dans le rapport de la BNEF, ci-dessous.