Dans la nuit du samedi 29 au dimanche 30 octobre 2022, nos horloges sont passées à l’heure d’hiver. Instauré en 1976 dans l’unique but de réaliser des économies d’électricité, le changement d’heure a perdu tout intérêt de nos jours. Un système obsolète, alors que les modes de production et de consommation d’électricité ont radicalement évolué en France.

La France de 2022 n’a plus grand-chose à voir avec celle de 1976. Pourtant, un vieux réflexe perdure : celui du changement d’heure. Depuis le premier choc pétrolier, plusieurs pays dont le nôtre avancent ou reculent les horloges d’une heure deux fois par an, à l’automne et au printemps.

En faisant « mieux coïncider le jour et la journée », la mesure devait permettre de réaliser d’importantes économies d’électricité, à une époque ou le mix électrique français était extrêmement dépendant des énergies fossiles.

Un mix électrique dominé par le fioul et le charbon en 1975

En 1975, la production électrique reposait à 33 % sur l’hydraulique et à 67 % sur les centrales au charbon et fioul, explique l’ouvrage « Histoire des centrales thermiques de 1946 à 1980 » de Fernand Scheurer. La France générait à l’époque 190 TWh d’électricité chaque année.

Il n’y avait aucune centrale nucléaire, la première, celle de Fessenheim, étant entrée en service le 1er janvier 1978. Évidemment, il n’y avait pas non plus le moindre mégawatt installé d’éolien ni de solaire.

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L’éclairage, un poste de consommation devenu minoritaire

Les réfrigérateurs et l’éclairage constituaient l’essentiel de la consommation d’électricité résidentielle. À peine plus de 5 % des ménages se chauffaient à l’électricité en 1975, contre 36 % de nos jours.

Ce n’est guère mieux pour la production d’eau chaude sanitaire, jadis assurée à 24 % par des cumulus électriques contre 51 % à notre époque, selon un dossier réalisé par des chercheurs de l’École normale supérieure.

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Grâce aux ampoules LED et fluocompactes, l’éclairage représente aujourd’hui seulement 5,6 % de la consommation annuelle d’électricité résidentielle. Les ampoules à incandescence, très largement répandues à l’époque du premier choc pétrolier, sont désormais interdites.

Une ampoule à filament absorbait 100 W quand son homologue LED se contente aujourd’hui de 10 à 12 W pour le même service rendu. Un peu moins énergivores, les éclairages halogènes n’ont également plus le droit d’être commercialisées. Même les tubes au néon seront bannis en 2023, afin de poursuivre l’effondrement de la consommation d’électricité dédiée à l’éclairage privé comme public.

Des économies d’électricité insignifiantes

Mais alors, à quoi peut bien servir le changement d’heure en 2022 ? Selon l’Agence de la maîtrise de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME), le système aurait permis d’économiser 440 GWh d’électricité sur l’éclairage en 2009. Ce n’est pas grand-chose comparé aux 478 100 GWh consommés par la France cette même année : seulement 0,09 %.

Si l’ADEME évoque une diminution de 3,5 GW de la puissance appelée à 19 h en 2009, RTE, le pilote du réseau électrique, constate seulement un avancement de l’horaire de ce pic de 19 h 30 à 19 h. « RTE a analysé qu’il n’y avait pas vraiment d’économies d’énergie réalisées suite au passage à l’heure d’hiver » nous explique une attachée presse du gestionnaire.

D’autres leviers permettent aujourd’hui de réduire et mieux gérer la consommation d’électricité ainsi que le lissage des pics, comme les offres d’électricité de type heures pleines – heures creuses et l‘effacement diffus.

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Hausse des accidents de la circulation et effets négatifs sur la santé

La quantité insignifiante d’énergie sauvée par le changement d’heure se paierait au prix de nombreux désagréments sanitaires. Le passage à l’heure d’hiver provoque en effet une forte hausse des accidents de la voie publique. Selon la Sécurité routière, les accidents impliquant des piétons augmenteraient de 47 % entre 17 h et 19 h, durant la semaine suivant le changement d’heure.

La brusque modification du temps de sommeil est également soupçonnée d’effets délétères sur la santé, notamment cardiaque et psychique, selon certains médecins, bien que très difficilement démontrables.

Prévue pour 2021 dans toute l’Europe, la fin du changement d’heure a été suspendue sine die en raison de la crise sanitaire. 84 % de la population européenne y est favorable, selon une consultation publique réalisée en 2018 par le Parlement européen. 83,7 % des Français souhaitent également sa suppression, d’après une consultation similaire effectuée en 2019 par l’Assemblée nationale.

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