Autour des chiffres sur la mortalité des oiseaux due aux éoliennes, la bataille fait rage. Et une nouvelle étude vient aujourd’hui alimenter le débat. Elle conclut que le danger ne vient pas nécessairement de là où on l’attend le plus.

Parmi les arguments favoris des opposants aux éoliennes, il y a la menace que celles-ci font peser sur les oiseaux. Et à en croire les photos publiées sur les réseaux sociaux d’oiseaux méchamment déchiquetés par des pales d’éoliennes, cette menace ne ferait aucun doute. Mais les scientifiques n’ont pas pour habitude de s’arrêter aux apparences. Ils fondent leurs conclusions sur des faits.

Pour comprendre l’impact des éoliennes sur les populations d’oiseaux, un chercheur de l’université de Genève (Suisse) s’est récemment tourné vers une expérience de science participative de grande ampleur. Un recensement organisé chaque année depuis 1900 par la National Audubon Society. Le dernier décompte a donné lieu à plus de 36 millions d’observations de plus de 670 espèces différentes d’oiseaux. Et ce, rien qu’aux États-Unis.

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Mortalité des oiseaux : aucun effet significatif des éoliennes

Les chiffres, entre 2000 et 2020, dans les régions des États-Unis où des éoliennes ont été construites dans l’intervalle, semblent montrer que leur développement n’a eu aucun effet statistiquement significatif sur le nombre ou sur la diversité des oiseaux. En revanche, les nouvelles exploitations de pétrole et de gaz de schiste auraient « réduit de 15 % le nombre total d’oiseaux recensés les années suivantes ».

Ces chiffres donnent à réfléchir. Même s’ils demandent à être précisés et qu’en l’état, ils pourraient ne pas refléter, notamment, la réalité entière de l’impact des éoliennes sur les populations d’oiseaux. Des spécialistes avancent ainsi que l’étude sous-estime peut-être les dommages causés par les éoliennes en se plaçant dans un rayon de 5 km. Parce que d’autres travaux ont montré que les éoliennes causent plus de blessures — parfois mortelles — aux oiseaux qui passent à proximité immédiate.

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Des chiffres à lire avec prudence

Des chercheurs soulignent aussi la légèreté des données. Parce qu’elles sont produites par des amateurs. Mais aussi parce qu’elles ne précisent pas nécessairement le nombre d’oiseaux pour chaque enregistrement. Ainsi, un enregistrement peut éventuellement porter sur un oiseau, tout autant que sur plusieurs dizaines.

Et après tout, l’impact, qui apparaît important, des forages de pétrole et de gaz de schiste, ne l’est peut-être pas tant que ça, suggèrent des observateurs. Selon eux, l’exploitation des ressources fossiles pourrait surtout avoir pour effet de déplacer les populations d’oiseaux et non de les éliminer très directement comme peuvent le faire les pales des éoliennes, entre autres. Cette hypothèse, toutefois, les données des recensements de la National Audubon Society semblent l’écarter. Car elles ne montrent aucune augmentation du nombre ou de la diversité des oiseaux dans les régions limitrophes.

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Les énergies fossiles plus nuisibles aux oiseaux que l’éolien

Certains confirment d’ailleurs que les parcs éoliens ont une empreinte plus faible que les champs pétroliers et gaziers. Après leur construction, les lieux redeviennent plutôt calmes, par exemple. Alors qu’un trafic se crée sur les réseaux de routes et de puits développés pour l’exploitation des énergies fossiles. De quoi finalement endommager plus durablement les habitats.

Notamment lorsque l’on considère des espèces sensibles à leur environnement et/ou lorsqu’il s’agit d’habitats eux-mêmes sensibles aux perturbations. Dans ces habitats tout particulièrement, le début de l’exploitation de nouvelles sources d’énergies fossiles a fait chuter aussi bien le nombre des oiseaux que leur diversité, assure le chercheur de l’université de Genève.

Alors oui, des oiseaux peuvent mourir de leur rencontre avec des pales d’éoliennes. Comme il en meurt sur les vitres de nos immeubles, ou entre les canines des chats domestiques. Mais rappelons que l’impact sur l’environnement et le climat des énergies fossiles est sans commune mesure. Tenant compte de cela, une autre étude scientifique conclut à 0,269 oiseau tué par gigawattheure d’électricité éolienne produite — un chiffre qui pourrait diminuer avec les mesures prises plus récemment pour protéger les populations — contre 5,18 pour chaque gigawattheure d’électricité produite par des énergies fossiles. La National Audubon Society estime quant à elle qu’environ deux tiers des espèces d’oiseaux d’Amérique du Nord courent un risque accru d’extinction en raison de la hausse des températures et des changements dans l’habitat où elles vivent.