680 hectares de panneaux solaires pour 1 GWc de puissance : c’est ce que comptent installer les français Engie et Neoen en Gironde, au sud de Bordeaux. Ce parc solaire nécessitant le défrichement d’une grande surface de forêt pourrait être le dernier de cette envergure à voir le jour. Pour le moment, seuls la demande de permis de construire et l’étude environnementale ont été déposés, juste dans les temps.

Horizeo, la future plus puissance centrale solaire photovoltaïque d’Europe, est dans les tuyaux depuis 3 ans. Les deux énergéticiens français comptent sur son installation pour aider la France à se mettre en conformité avec les objectifs de déploiement d’énergies renouvelables européens. En effet, la Commission presse la France à atteindre 44 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale brute d’énergie d’ici 2030. Dans le même temps, elle n’a toujours pas présenté son objectif renouvelable, Bruno Le Maire se refusant de se plier à une « Europe dont nous ne voulons plus. »

Selon les porteurs du projet, le futur parc, d’une puissance installée colossale de 1 000 MWc pourrait produire l’équivalent de la consommation électrique de 500 000 foyers, à Saucats et aux alentours, en lieu et place de l’activité sylvicole qui existait. Si l’objectif initial a été considérablement taillé, passant d’un parc de 1 000 hectares à 680 hectares, c’est pour répondre à une partie des interrogations environnementales qui pèsent sur le projet, notamment autour du déboisement conséquent. Exit donc le projet d’électrolyseur, de data center et de stockage de batterie. Une stratégie pour tenter d’éteindre l’incendie.

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Le dernier parc solaire géant de France ?

Le projet pourrait être l’un des derniers parcs solaires nécessitant un tel défrichement. Les deux entreprises françaises se sont bien dépêchées pour déposer leur dossier auprès des services de l’État, le 5 mars 2024. En effet, un délai de grâce courait pour ce type d’installation jusqu’au 10 mars 2024. Le timing était serré pour être autorisé à défricher une surface de forêt supérieure à 25 hectares, depuis l’adoption de la loi sur les énergies renouvelables du 10 mars 2023 qui l’interdit.

Engie et Neoen espèrent commencer les travaux en 2025 et produire les premiers électrons courant 2027 – 2028. Ces jalons restent hypothétiques, car la grogne reste grande. Elle présage de multiples recours qui pourraient retarder l’installation des panneaux. Lors de la phase de débat public organisée par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), « la localisation du projet sur une parcelle forestière » crispait. Selon les participants, « le photovoltaïque est très loin d’être le plus gros consommateur d’espace, mais il est perçu comme un facteur supplémentaire d’artificialisation et d’avancée du front urbain dans l’espace rural. »

Artificialisation et objectifs climatiques

Sur la décennie précédente, « 24 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers ont été consommés chaque année en moyenne en France, soit près de 5 terrains de football par heure », selon le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires. Pour freiner cette tendance, la France s’est dotée de la loi climat et résilience en 2021 pour viser « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN) d’ici 2050. Une étape intermédiaire que fixe cette même loi s’établit à 2031 : réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). Or, la région Nouvelle-Aquitaine et plus particulièrement la Gironde prévoient plusieurs chantiers d’envergure nécessitant d’artificialiser des sols, parmi lesquels la ligne grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse. Elle devrait artificialiser 700 hectares d’ENAF soit autant que le projet de ferme solaire.

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Devant cette limitation des nouveaux projets sur des espaces naturels imposée par la nouvelle loi, le président de région Nouvelle-Aquitaine a envoyé une lettre au ministre de la Transition écologique. Alain Rousset demande à Christophe Béchu que tous les aménagements liés au projet ferroviaire soient classés dans la liste des projets d’envergure nationale et européenne (PENE) afin que la consommation d’ENAF soit « mutualisée dans le cadre d’un forfait national. » Celui qui dirige la région depuis 2016 s’étonne aussi que le projet Horizéo ne s’inscrive pas dans cette liste nationale. « Sa prise en compte dans la consommation d’espaces de l’aire métropolitaine bordelaise grèverait pourtant de manière insurmontable ses capacités de développement résidentielles et économiques », regrette l’élu socialiste. Manière d’enfoncer un peu plus ce projet, il ne considère pas ce « projet obsolète par rapport aux orientations de la loi d’accélération des énergies renouvelables » en accord avec l’ambition de la région, elle qui « priorise leur réalisation sur des espaces déjà urbanisés. »