Poser des centrales solaires sur 1 % des terres agricoles d’Europe permettrait d’atteindre notre objectif 2030 de capacité photovoltaïque installée. Et les principes de l’agrivoltaïsme promettent de nous aider à assurer en même temps un rendement durable aux cultures et aux élevages. Le tout en préservant la biodiversité.

Production agricole et production d’électricité solaire photovoltaïque peuvent sembler en concurrence. Avec la croissance démographique d’une part et le réchauffement climatique d’autre part, toutes les deux deviennent de plus en plus gourmandes en surfaces. Mais certains envisagent depuis quelques années que l’agrivoltaïsme (Agri-PV) pourrait mettre tout le monde d’accord.

La définition française donnée par la loi d’accélération des énergies renouvelables en dit long sur le sujet : « Une installation agrivoltaïque est une installation de production d’électricité solaire dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils permettent de maintenir ou de développer durablement une production agricole. » Le tout en améliorant le potentiel et l’impact agronomiques, en permettant l’adaptation au changement climatique, en apportant une protection contre les aléas ou en améliorant le bien-être animal. Ainsi l’installation de panneaux solaires photovoltaïques sur une exploitation doit-elle protéger les cultures du vent et des températures extrêmes. Ou, en limitant l’évaporation, aider à garder les sols humides et permettre ainsi une économie substantielle d’eau.

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Quasiment 1 000 GW de solaire en convertissant 1 % des terres agricoles

En France, les démonstrateurs se multiplient depuis quelques mois. En Allemagne, il se dit que passer à l’Agri-PV sur 10 % des terres agricoles du pays les plus favorables permettrait de répondre à 9 % des besoins en électricité. Le laboratoire de recherche scientifique et technique de l’Union européenne (JRC), quant à lui, s’est penché sur la question du potentiel de l’agrivoltaïsme en Europe. Son récent rapport arrive à une conclusion enthousiasmante. Convertir seulement 1 % de la surface agricole exploitée dans l’Union européenne à l’Agri-PV suffirait à installer une capacité de l’ordre de 944 GW. C’est 61 fois la puissance solaire installée en France (15,5 GW au 1ᵉʳ janvier 2023) et 4,7 fois celle de l’Europe des 27 (environ 200 GW).

Précisons que les experts ont estimé à 600 kW la capacité agrivoltaïque installable sur un hectare. Et ils ont considéré une superficie agricole de presque 160 millions d’hectares comprenant des terres arables, des prairies et des pâturages, des cultures permanentes et des jardins maraîchers. Pour fixer les idées, sachez par ailleurs qu’une même surface au sol équipée de panneaux solaires offrirait une capacité de 1,8 GW. Mais que l’objectif que l’Union européenne s’est fixé pour 2030 en matière de capacité photovoltaïque installée est de 720 GW. Il pourrait donc être rempli en ne comptant pas sur plus de 1 % de nos terres agricoles.

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La moitié des centrales solaires sur des exploitations agricoles

Le rapport du JRC suggère donc qu’environ 50 % des installations solaires photovoltaïques de demain soient construites sur des terres agricoles. Mais pour y arriver, le chemin est encore long. Il faudra d’abord s’accorder sur une définition claire à l’échelle de l’Europe de ce qu’est l’agrivoltaïsme. Sans ça, poser des systèmes de production d’électricité solaire sur des exploitations agricoles pourrait mener à un changement de caractérisation des terres avec la suspension des subventions et les nouvelles fiscalités qui iraient avec. Dans la même idée, le rapport appelle à la vigilance quant au prix des terrains agricoles qui pourrait être amené à augmenter, mettant en péril la sécurité des agriculteurs.

Le rapport demande aussi la simplification des procédures d’autorisation et de connexion au réseau. Et un soutien à l’agrivoltaïsme de la part des États. D’autant que, selon les estimations d’experts, le coût du watt photovoltaïque installé au sol est aujourd’hui encore inférieur à celui du watt agrivoltaïque. Quelque 0,6 €/W contre 1 €/W.

Enfin, pour répondre aux craintes de dénaturation des habitats, le rapport du JRC appelle à poursuivre la recherche pour que la préservation — voire la restauration — de la biodiversité et l’impact environnemental des projets Agri-PV soient intégrés aux études techniques visant à maximiser la production d’électricité et le rendement des cultures. Le point de vue des agriculteurs devra aussi être pris en compte dès les phases de conception des projets. Afin d’aboutir à des systèmes « farmer-friendly » qui permettraient aux agriculteurs de continuer à exploiter leurs terres sans inconvénient majeur.

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