Quatorze ans après le lancement du projet, les trois éoliennes flottantes du parc Provence Grand Large sont désormais pleinement opérationnelles. Ce petit parc pilote préfigure le développement à plus grande ampleur de l’éolien flottant sur les côtes méditerranéennes françaises.
Depuis la côte, les premières éoliennes flottantes de France semblent bien seules. Ancrées à 17 km au large de Port-Saint-Louis du Rhône (Bouches-du-Rhône), on les oublierait presque au milieu des porte-conteneurs et tankers stationnés dans la baie. Le panorama tranche avec la forêt d’éoliennes en mer que l’on peut observer depuis Saint-Nazaire ou Saint-Brieuc. Si les trois turbines visibles depuis le littoral passent inaperçu, elles sont pourtant scrutées par de nombreux ingénieurs de par le monde.
Fiche technique du parc éolien Provence Grand Large | |
Opérateur | EDF Power Solutions |
Modèle des éoliennes | Siemens Gamesa 8.0 167-DD |
Hauteur d’un mât | 90 m |
Puissance d’une éolienne | 8,4 MW |
Puissance totale du parc | 25,2 MW |
Distance entre la côte et l’éolienne la plus proche | 14,8 km |
Profondeur | 99 m |
Production annuelle estimée * | 106,5 GWh |
Intensité carbone ACV estimée sur 20 ans * | 52,4 g CO2e/kWh |
*source ADEME |
Car les éoliennes flottantes du parc pilote Provence Grand Large sont les premières au monde à utiliser des flotteurs dits « à ligne d’ancrage tendue ». La technologie, employée de longue date par l’industrie pétrogazière offshore, n’avait jusqu’ici jamais été adaptée à l’éolien en mer. Les quelques éoliennes flottantes déjà en service de par les mers et océans reposent sur des flotteurs bien différents : des barges à ancrage libre, des tubes flottants « spar » ou des supports semi-submersibles.
La conception de ces flotteurs inédits à ligne d’ancrage tendue « TLP » a été réalisée par SBM Offshore, un industriel bien connu des pétroliers. L’assemblage de ces structures colossales – 45 m de haut, 85 m de large et 2 700 tonnes à vide – a été effectué sur les quais d’Eiffage Metal à Fos-sur-Mer (voir notre reportage vidéo). Pour y installer chaque éolienne, une logistique spécifique a dû être élaborée, car le port de Marseille-Fos n’était pas conçu pour de telles opérations.
Il aura fallu quatorze années de développement, de l’idée née en 2011, en passant par l’appel d’offres de l’ADEME remporté en 2016, jusqu’à la mise en service officielle en juin 2025, pour que le parc Provence Grand Large prenne vie. Le projet, porté par EDF Power Solutions (ex-EDF renouvelables), a traversé deux crises majeures : celle du Covid en 2020 puis de la guerre en Ukraine en 2022. Un aboutissement complexe, émouvant aux larmes la directrice du parc, Christine De Jouette, qui estime avoir « l’impression de faire quelque chose pour la planète ».
Si les trois éoliennes Siemens Gamesa de 8,4 MW injectaient leur production dans le réseau électrique depuis novembre 2024, elles n’étaient pas en service officiel. Une série de tests ont été menés entretemps afin de valider le bon fonctionnement des turbines. Arrêts d’urgence, essais électriques avec le gestionnaire du réseau RTE, tous « ont été finis avec succès ». Autour de 30 GWh ont été générés sur ces six mois, pour un facteur de charge d’environ 48 %, jugé « très bon » par la responsable du parc.
En rythme de croisière, Provence Grand Large devrait atteindre un facteur de charge particulièrement élevé de 50 %. Concrètement, cela signifie que les éoliennes produiront au maximum de leur puissance installée durant 50 % du temps. C’est assez proche du record européen de 54 % relevé sur le parc éolien flottant Hywind Scotland en Ecosse, et bien supérieur à la moyenne de l’éolien en mer (38 %) et de l’éolien terrestre (23,5 %) sur le Vieux-continent. Une performance permise par l’emplacement du parc « béni des dieux », martèle Christine de Jouette, où la vitesse moyenne des vents s’élève à 10 m/s (36 km/).
« Béni », il l’est aussi par la nature du fond marin, meuble, sablonneux, qui a permis d’arrimer les éoliennes au moyen d’ancres à succion. D’imposants cylindres métalliques qui s’enfoncent dans le sable par gravité puis par mise sous vide pour les derniers mètres. Chaque flotteur d’éolienne est relié par trois ancres via des jeux de câbles capables de supporter une tension de 600 tonnes. L’angle des câbles a été calculé afin de converger virtuellement au sommet de la nacelle, pour garantir une stabilité de l’ouvrage par tous temps.
Un ensemble comprenant le flotteur et son éolienne pèse environ 3 500 tonnes au total. C’est autant qu’une petite frégate militaire. Et pourtant, depuis la surface de l’eau, rien ne laisse imaginer une telle masse. Car le flotteur est majoritairement immergé. Sur ses 45 m de hauteur, seule une dizaine de mètres reste émergée.
À lire aussiÉolien en mer : la carte des parcs et projets en FranceAu sommet d’une pale dressée vers le ciel, l’altitude atteint 174 m, alors que la nacelle est perchée à 90 m au-dessus de la mer. Sur l’une des éoliennes, la nacelle abrite d’ailleurs un système de surveillance de l’avifaune. Lors de notre visite, celui-ci s’active en émettant des bruits stridents censés éloigner les oiseaux imprudents volants à moins de 200 m des turbines.
L’électricité produite par le parc Provence Grand Large est exportée à terre par un câble ensouillé sous le plancher marin. Le courant, transformé dans les éoliennes, est transporté à une tension de 66 kV jusqu’à un poste électrique situé à Port-Saint Louis du Rhône. Dans la même gaine se trouvent 48 fibres optiques qui permettent de piloter le parc à distance, depuis le centre de contrôle des parcs éoliens d’EDF situé à Béziers. Le fabricant de la turbine, Siemens Gamesa, surveille lui aussi à distance ses machines, dont il est chargé de la maintenance, depuis le Danemark. Localement, le parc Provence Grand Large dispose d’une base à Port-de-Bouc où une dizaine de salariés restent présents.
Grâce à l’appel d’offres de l’ADEME remporté en 2016, le parc éolien flottant est assuré de vendre sa production à un tarif généreux fixé à 240 € le mégawattheure (MWh). Si le prix paraît élevé, il peine malgré tout à refléter le coût total ahurissant du projet, communiqué autour de 300 millions d’euros raccordement compris. Un tiers de ce montant provient d’ailleurs de subventions obtenues auprès de l’Ademe, de l’Union européenne, de la région PACA et de la Métropole Aix-Marseille Provence. Une facture gargantuesque qui s’explique par le caractère inédit du projet. Car Provence Grand Large est un des trois parcs éoliens flottants pilotes français, des prototypes qui doivent préfigurer les futurs grands parcs éoliens flottants prévus à l’horizon 2031 dans le golfe du Lion.
Au total, 32 nouvelles éoliennes, d’une puissance nettement supérieure à celles du parc Provence Grand Large, s’élèveront au large, pour une puissance de deux fois 250 MW. Deux extensions de 500 MW sont déjà réservées pour atteindre une puissance éolienne flottante en Méditerranée de 1,5 GW.
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