Le producteur français d’énergies renouvelables Neoen va construire en Australie une nouvelle batterie géante, conçue en collaboration avec Tesla. Elle s’appuiera sur de nombreuses innovations technologiques pour garantir un fonctionnement plus efficace du réseau électrique de l’État de Victoria et favoriser l’essor des énergies renouvelables

Les vastes territoires ensoleillés et venteux de l’Australie offrent un potentiel idéal pour le développement des énergies renouvelables. Celles-ci sont notamment destinées à remplacer plusieurs centrales au charbon vieillissantes qui seront mises à l’arrêt dans les prochaines décennies. Entre 2015 et 2018, les investissements australiens dans les énergies renouvelables ont plus que  quadruplé, passant d’environ 2,5 milliards de dollars australiens à plus de 9 milliards. Une étude d’AEMO (le régulateur du marché australien de l’énergie) a démontré que les renouvelables pourraient produire d’ici 2025, 75 % de la demande en électricité du pays.

Pourtant, alors que des projets pour plus de 67 GW avaient été annoncés, les investissements dans les renouvelables en Australie ont chuté de 38 % en 2019, retombant à moins de 6 milliards. En cause : la vétusté des réseaux électriques régionaux (chargés de transporter l’électricité produite) et l’absence d’une volonté politique de les renforcer et de les moderniser pour les adapter aux nouvelles réalités du marché.
Les zones semi-désertiques où les terrains sont bon marché et les conditions météo propices à l’installation de parcs éoliens et solaires, sont en effet relativement éloignées des centres urbains et industriels où l’électricité est consommée. L’année dernière AEMO a parfois dû réduire la production de certaines fermes éoliennes ou solaires en raison des craintes de congestion des réseaux. Un comble si l’on sait que les fortes chaleurs caractéristiques de l’été austral ou les pannes répétées des centrales à charbon vétustes, provoquent des black-out à répétition.

Rappelez-vous : en 2017, Elon Musk était déjà venu au secours de l’Etat d’Australie-Méridionale en répondant à un appel d’offre pour installer d’urgence une solution de stockage d’électricité capable d’intervenir rapidement en cas de déséquilibre du réseau. Le boss de Tesla avait alors réussi le pari d’installer, à Hornsdale et en moins de 100 jours, une batterie géante de 100 MW (de puissance) et 129 MWh (de capacité de stockage). Exploitée par la société française Neoen elle détenait à l’époque le record mondial de puissance et de capacité. Celui-ci a entretemps été battu par LS Power qui, au cours de l’été dernier, a installé une batterie de 250 MW / 250 MWh à San Diego, en Californie.

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Une réponse automatique en cas de coupure imprévue du réseau

Mais, en matière de batterie lithium-ion, le gigantisme n’a apparemment pas de limite. Il y a quelques jours, Neoen et Tesla ont remporté un nouvel appel d’offre lancé cette fois-ci par l’Etat de Victoria. Les deux partenaires vont construire à Geelong, près de Melbourne, la « Victorian Big Battery », d’une capacité de 300 MW / 450 MWh. Assemblée avec des Megapacks de Tesla elle sera donc, du moins pour un certain temps, la plus puissante du monde. « Elle s’appuiera sur des innovations qui permettront de moderniser et stabiliser le réseau électrique de la région », explique Neoen.

Opérationnelle d’ici la fin 2021, la Victorian Big Battery permettra notamment d’augmenter la capacité de l’interconnexion à haute tension entre les États de Victoria et de Nouvelle-Galles du Sud, en particulier pendant les périodes estivales. Selon les termes du contrat, elle fournira une réponse automatique en cas de coupure imprévue du réseau et elle participera à la régulation de sa fréquence, favorisant ainsi une pénétration accrue des énergies renouvelables dans l’État de Victoria, lequel vise 50% d’énergies renouvelables d’ici à 2030.

Par ailleurs, « selon une étude indépendante, chaque dollar investi dans la batterie générera plus de 2 dollars d’externalités positives pour les particuliers et pour les entreprises de l’Etat de Victoria » assure Neoen. « Nous avons déjà démontré depuis 2017 tout ce qu’une grande unité de stockage peut apporter au réseau et à ses utilisateurs : les économies réalisées au cours des deux premières années d’exploitation de notre batterie de Hornsdale ont été évaluées à plus de 150 millions de dollars australiens » précise l’énergéticien français.

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Une entreprise en forte croissance

Neoen affirme être l’un des principaux producteurs indépendants d’énergie exclusivement renouvelable et « l’un des plus dynamiques au monde ». Avec une capacité en opération ou en construction de plus de 3,6 GW à ce jour, l’entreprise est en forte croissance. Outre l’Australie, elle est notamment active en Argentine, en Finlande, en France, en Irlande, en Jamaïque, au Mexique, au Mozambique, au Salvador et en Zambie. Elle exploite par exemple le parc solaire le plus puissant de France à Cestas (300 MWc).

Le stockage représente moins de 10 % des capacités de production électrique de Neoen, lesquelles s’élèvent aujourd’hui à 3 gigawatts si l’on tient compte des projets en exploitation et de ceux en construction. « Mais nous visons au moins 5GW en 2021 » précise Xavier Barbaro, le PDG du groupe.

En Europe les réseaux électriques sont plus robustes

Qu’en est-il des projets de méga batteries en Europe ? « On n’aura probablement pas de batterie de cette taille car les réseaux électriques sont plus robustes et le mix électrique bien plus diversifié » estime Xavier Barbaro. « En Europe, les besoins de stockage existent mais ils sont plus modestes ».

La « Victorian Big Battery » sera financée en partie par de l’emprunt bancaire. « Jusqu’il y a peu, le stockage était moins simple à financer que l’éolien ou le solaire. Mais aujourd’hui, les modèles économiques sont mieux connus et mieux appréhendés par les banques », explique Xavier Barbaro, qui précise que le nouveau projet affichera un retour sur investissement compris entre 5 et 10 %.

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