Les applications commerciales des modules photovoltaïques datent des années 1970. Utilisés essentiellement dans le domaine spatial et pour fournir du courant dans des endroits isolés, ils fonctionnaient toutefois de manière autonome. La première installation photovoltaïque européenne raccordée au réseau a été inaugurée en 1982 en Suisse. Quarante ans plus tard, elle est toujours en service.

Installée sur le toit de l’Université des sciences appliquées et des arts de Lugano, en Suisse, la centrale comporte 288 panneaux totalisant une puissance de 10 kWc. A l’époque, son raccordement au réseau représentait un fameux défi. « C’était une vraie première : une installation aussi grande, montée sur des structures autoportantes et raccordée au réseau avec une approche industrielle, cela n’avait jamais été fait en Europe » indique Mauro Caccivio, directeur du laboratoire PV de la Haute école spécialisée du Tessin (Supsi) dans un entretien accordé au magazine Energeia. « En 1982, les modules solaires n’étaient pas encore un produit de masse. Ils étaient donc très chers et principalement utilisés pour alimenter des chalets isolés en montagne », ajoute-t-il.

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Un rendement de 10 %

Les panneaux d’une puissance de 37 watts ont été fournis par l’entreprise américaine Arco Solar qui était à ce moment le plus grand fabricant au monde, avec une capacité de production annuelle de 1 MW. Plus tard, cette société a été rachetée par Siemens puis par le fabricant allemand de panneaux SolarWorld en 2007.
Les cellules de forme circulaire étaient dérivées de la technologie spatiale. Fabriquées avec des déchets de silicium de l’industrie électronique, elles avaient un rendement de conversion des rayons solaires de 10 %, soit environ la moitié de celles qui sont actuellement commercialisées. Mais elles coutaient 100 fois plus cher ! « Le record d’efficacité des modules actuels est de 25 % et les recherches en cours montrent qu’un rendement de 30% est un objectif réaliste, comme c’est déjà le cas des cellules utilisées dans l’industrie spatiale », précise Mauro Caccivio.

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Si les onduleurs ont été remplacés à plusieurs reprises, les panneaux sont toujours ceux d’origine. A l’exception de quelques remplacements de boîtes de jonction et de diodes, ils n’ont pas été rénovés. « Leur robustesse mécanique est impressionnante » explique Mauro Caccivio. Il faut toutefois savoir que leur épaisseur et leur poids, plus important, n’est pas représentatif du matériel actuellement vendu sur le marché.  La feuille de fond (backsheet) qui sert de barrière à l’entrée d’humidité, aujourd’hui constituée uniquement de polymères, était à l’époque renforcée par une feuille d’acier.

De forme circulaire, les cellules de l’époque coûtaient 100 fois plus cher qu’aujourd’hui.

Plus de 80 % de la puissance initiale après 35 ans de service

Les performances de la centrale ont été enregistrées pendant 35 ans, et ont fait l’objet d’une analyse détaillé en 2017 . Tous les modules n’ont pas vieilli de la même façon. Il est en effet apparu qu’ils proviennent d’au moins trois lots de production différents. Les plus performants ne montrent presqu’aucun signe de jaunissement alors que d’autres ont fini par prendre une teinte brune. Mais la majorité d’entre eux fournissaient toujours, après 35 ans, 80 % de leur puissance initiale, et pour certains 87 % même.
Selon les chercheurs suisses, 70% des panneaux pourraient satisfaire à la garantie de performance que les fabricants actuels envisagent d’accorder à leurs clients, c’est-à-dire une perte de rendement de maximum 20 % après 35 ans.

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Revamping ou remplacement ?

L’efficacité des panneaux photovoltaïques diminue d’année en année. Vaut-il alors mieux les remplacer après une vingtaine d’années par des modules plus performants ou les maintenir en vie au-delà des 30 voire 35 ans ?

« D’un point de vue économique il est peut-être préférable de prévoir un remplacement par une installation neuve dont le rendement sera meilleur » répond Mauro Caccivo. « Mais la commission européenne a établi un cycle de vie de 40 ans pour le photovoltaïque, et nous devons aussi penser en termes d’économie des ressources. Il est donc préférable de laisser l’installation produire de l’énergie au moins tant que son rendement ne tombe pas en-dessous de 80 % des performances initiales », précise-t-il. « L’analyse que nous avons faite de cette première centrale qui a aujourd’hui plus de 40 ans, montre que si une installation est bien entretenue et fonctionne bien,  on peut continuer à l’utiliser de façon satisfaisante pendant une durée aussi longue » ajoute son collègue Alessandro Virtuani.

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