Dans les labos du monde entier des scientifiques s’activent fébrilement autour de la famille des pérovskites. Ces cristaux au nom un peu barbare sont sur le point de révolutionner la conversion de l’énergie solaire en électricité. Mais avant de commercialiser à grande échelle des cellules photovoltaïques à pérovskites, les chercheurs doivent remédier à quelques défauts qui  handicapent encore leur utilisation. Un laboratoire de l’Université Stanford vient de faire une importante découverte qui pourrait les mettre sur la piste des solutions.

Si les cellules en silicium équipent encore aujourd’hui la plupart des panneaux solaires vendus sur le marché, cette technologie ne fera probablement plus long feu. Les cellules utilisant des pérovskites, apparues il y a une dizaine d’années dans les labos, affichent en effet des propriétés remarquables.

Moins coûteuses et nécessitant beaucoup moins d’énergie lors de leur fabrication, elles sont aussi 500 fois plus fines que le silicium et permettent donc de produire des films solaires flexibles et ultralégers. 35 kg de pérovskites permettent de générer la même quantité d’électricité que 7 tonnes de silicium ! En outre l’efficacité des cellules photovoltaïques utilisant ces matériaux est en constante augmentation depuis la fin des années 2000. Elle est passée (en laboratoire) de 3,8 % en 2009 à 25,2 % en 2019.

Très récemment, la société Oxford PV a publié un communiqué annonçant un nouveau record de rendement obtenu avec cette technologie. Issue de l’Université d’Oxford, cette startup, pionnière dans la recherche sur les cellules à base de pérovskite, est née en 2010. Le procédé qu’elle a mis au point a permis de convertir en électricité 29,52 % de l’énergie des rayons solaires incidents. A titre de comparaison, les techniques photovoltaïques classiques à base de silicium, affichent une efficacité de l’ordre de 15 à 20 %. Le procédé exploité par Oxford PV consiste à revêtir de pérovskite des cellules en silicium afin de mieux utiliser le spectre des rayons solaires. C’est ce qu’on appelle des cellules « tandem ».

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Le revers de la médaille

Mais comme toute médaille a son revers, les chercheurs doivent encore résoudre quelques défauts qui affectent les cellules à pérovskites avant que l’industrie soit en mesure de les commercialiser à grande échelle. C’est notamment leur durée de vie qui pose un problème : elles sont relativement instables et se détériorent lorsqu’elles sont exposées à l’air.

En réalité, les scientifiques avouent qu’ils ne comprennent pas ce qui confère aux pérovskites une telle efficacité. « Ces matériaux ont pris d’assaut le domaine de la recherche sur l’énergie solaire en raison de leur efficacité élevée et de leur faible coût, mais nous nous demandions toujours pourquoi ils fonctionnent », avoue Aaron Lindenberg, chercheur au SLAC National Accelerator Laboratory de l’Univesrité Stanford en Californie.

Une prouesse scientifique

Lindenberg et son équipe ont récemment réalisé une prouesse scientifique : en utilisant un laser à rayons X, ils ont observé pour la première fois au monde des « polarons » dans un cristal de pérovskites.

Pour bien comprendre la portée de cette découverte, il faut d’abord expliquer de quoi il s’agit. Les polarons sont des distorsions très fugaces qui se forment autour d’un électron en mouvement dans un réseau d’atomes. Ils ne durent que quelques billionièmes de seconde (10-12 secondes), puis disparaissent. Aussi éphémères soient-elles, ces distorsions affectent le comportement d’un matériau et pourraient même être la raison pour laquelle les cellules solaires fabriquées avec des pérovskites atteignent en laboratoire des rendements de conversion de la lumière aussi élevés.

Théorisés dans les années 1930 par Lev Lanchau, un des plus grands physiciens de l’histoire soviétique, les polarons ont depuis lors été au cœur de nombreuses discussions scientifiques. Mais, jusqu’ici, la brièveté de l’événement n’avait jamais permis leur observation. Il a fallu aux scientifiques de Stanford, la mise en œuvre d’un puissant laser à rayons X pour leur permettre d’apercevoir ces fugaces distorsions qui sont donc bel et bien réelles.

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Une bulle de distorsions

« Lorsqu’une cellule solaire est frappée par des photons de lumière, des électrons sont libérés et ils commencent à se déplacer dans le matériau », explique Burak Guzelturk, l’un des scientifiques de Stanford. « Bientôt, ils sont entourés et engloutis par une sorte de bulle de distorsion locale – le polaron – qui les accompagne. Nous pensons que dans un cristal de pérovskite, cette ‘bulle’ permet aux électrons de traverser plus aisément les défauts qui existent dans le matériau et cela explique pourquoi ils se déplacent si efficacement jusqu’aux contacts de la cellule solaire pour finalement s’en échapper sous forme d’électricité » ajoute-t-il.

Les polarons sont des distorsions sphériques qui se forment dans un réseau d’atomes autour du passage d’un électron

« La structure d’un réseau de pérovskite est flexible et molle, comme une étrange combinaison d’un solide et d’un liquide en même temp, et c’est ce qui permet aux polarons de se former et de se développer », complète Aaron Lindenberg. Les scientifiques ont observé que pendant le passage de l’électron, le polaron ‘pousse’ une dizaine de couches d’atomes vers l’extérieur et dans toutes les directions. Il se forme donc une sorte de bulle autour de l’électron, qui lui permet de se déplacer plus facilement. « Cette distorsion est en fait beaucoup plus grande que ce que nous pensions, c’est quelque chose de totalement inattendu » déclare Lindenberg.
Si cette découverte na va pas, en soi, révolutionner la technologie photovoltaïque, elle devrait permettre aux scientifiques de mieux comprendre le fonctionnement des cellules à pérovskites. Cela pourrait leur ouvrir de nouveaux horizons pour améliorer les rendements et la durabilité des cellules à pérovskites.

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