Il y avait beaucoup de vent le 1er janvier en Allemagne : pendant la nuit, la puissance du parc éolien a frôlé les 40 GW, soit l’équivalent d’à peu près 70 % de la production nucléaire française à ce moment. Ce chiffre illustre la progression des énergies renouvelables outre-Rhin. Désormais première source de production d’électricité elles ont dépassé en 2018 le charbon dont le déclin dans le mix électrique se poursuit avec une part au plus bas depuis 1949 !

Une étude publiée récemment par l’Institut Fraunhofer (équivalent allemand du CNRS) révèle que les énergies renouvelables sont à présent la première source de production d’électricité en Allemagne. Leur contribution de 40 % dans le mix électrique en 2018 dépasse désormais celle du charbon et du lignite[1] qui génèrent ensemble 38 % du courant. Avec 7 réacteurs encore en service, l’atome assure 13,3 % de la production électrique. En 2010, avant la décision de sortie du nucléaire, sa part était de 22 %
Dans le détail, la production des renouvelables se répartit comme suit : éolien 20,4 %, solaire 8,4 % , biomasse 8,3 % et hydroélectricité 3,2 %.

Toujours moins de charbon

Alors qu’en 1990 le charbon et le lignite participaient pour plus de 56 % à la production électrique allemande, leur part a désormais chuté à moins de 39 %, au plus bas depuis 1949 ! Ces statistiques démentent une nouvelle fois la fausse rumeur que certains médias ou « experts » français continuent à propager : comme nous l’avions déjà expliqué lors d’un article précédent, il est absolument faux d’affirmer que depuis sa décision de sortie du nucléaire l’Allemagne aurait accru sa consommation de charbon pour la production d’électricité. Le graphique ci-dessous publié par l’Agora Energiewende[2] montre que c’est à l’évidence tout le contraire. Et que la réduction de la part du nucléaire a été compensée quasi exclusivement par les énergies renouvelables dont la production a plus que doublé depuis 2010, passant de 106 à 229 TWh par an. Si la contribution des centrales au gaz a légèrement augmenté ces 3 dernières années elle reste, avec 83 TWh produits en 2018, à peu près au niveau de 2010 (81 TWh).

Réduction des émissions de CO2

Cette forte croissance des renouvelables associée à une réduction substantielle de la consommation des énergies fossiles permet de démentir une autre « fake news » trop souvent répandue : non, les émissions de CO2 dues à la production d’électricité en Allemagne n’ont pas augmenté depuis la décision de sortie du nucléaire. Affirmer le contraire relève d’une malhonnêteté intellectuelle.
Le graphique ci-dessous montre que ces émissions sont en réduction constante depuis 1990, y compris depuis la décision de sortie du nucléaire en 2011, passant de 559 Mt CO2  en 2010 à 472 Mt en 2018.

L’Allemagne montre ainsi qu’il est possible de sortir à la fois des énergies fossiles et du nucléaire, tout en maitrisant les émissions de CO2.

Evidemment, les émissions allemandes sont encore bien plus élevées que celles de la plupart des autres pays européens, mais ce n’est pas la décision de sortie du nucléaire qui en est la cause, et encore moins la forte progression des renouvelables.
Depuis plus d’un siècle les allemands ont misé principalement sur leurs mines de charbon et surtout de lignite pour leur production d’électricité. Ils ont développé tout un savoir-faire et une industrie performante dans ce domaine. Il est quand même compréhensible qu’ils ne peuvent pas démanteler complètement cette filière en moins de 10 ans.
Cela devra se faire progressivement et plusieurs étapes ont déjà été franchies : fin 2018 la dernière mine de charbon allemande a été fermée. Certes, du charbon (mois cher) est encore importé, notamment des Etats-Unis, de Pologne et d’Australie et il reste toujours des mines de lignite à ciel ouvert (très rentables). Mais de nombreuses voix se font entendre en Allemagne pour les fermer progressivement aussi. Nos voisins d’outre-Rhin ont bel et bien décidé, après l’abandon du nucléaire, de sortir également du charbon : le gouvernement a mis en place une commission chargée d’élaborer un calendrier. On attend son rapport pour février et la chancelière Merkel a fait récemment savoir qu’elle s’impliquerait personnellement dans cet objectif d’abandon du charbon et du lignite.


[1] Le lignite est un type de charbon dit « de rang inférieur », caractérisé par une teneur en eau élevée et une teneur en carbone de 50 à 60% lui conférant un faible pouvoir calorifique. En Allemagne il est extrait dans d’immenses mines à ciel ouvert où il alimente des centrales électriques situées à proximité pour réduire les coûts de transport.

[2] The Energy Transition in the Power Sector : State of Affairs in 2018