La troisième génération de petits réacteurs nucléaires n’est même pas encore opérationnelle que déjà les ingénieurs travaillent au développement de la quatrième. Deux start-up essaimées du CEA, notamment : Hexana qui croit en son unité à neutrons rapides refroidis au sodium et Stellaria qui mise sur un réacteur à sels fondus.

Le plan France 2030 appelle à la relance du nucléaire dans notre pays. Par le développement de deux types de réacteurs : les puissants réacteurs pressurisés européens, les fameux EPR, mais aussi les petits réacteurs modulaires, les désormais bien connu SMR (Small modular reactors). Pour accompagner ce plan, un appel à projets « réacteurs nucléaires innovants » doté d’un milliard d’euros. La moitié de ce budget pour le projet Nuward de SMR de troisième génération développé par EDF. Mais l’autre moitié pour une technologie de rupture.

La date de clôture approche. Elle est fixée au 28 juin 2023. Et les candidats se font connaître. Le CEA a ainsi essaimé deux premières start-up. Elles bénéficieront d’un avantage de taille : pouvoir s’appuyer sur les travaux menés jusqu’ici au CEA.

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Les petits réacteurs à neutrons rapides d’Hexana

Hexana, d’abord. La start-up rappelle les enjeux. « Le développement des énergies renouvelables (EnR) doit s’accélérer, mais certaines industries appelleront de telles quantités d’énergies pilotables complémentaires que seule une solution bas-carbone nucléaire pourra y répondre. » Le projet de la start-up : un SMR de quatrième génération qui s’appuie sur la technologie des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR-Na). La technologie est mature. Elle fonctionne dans d’autres pays. Et la France en a acquis l’expérience avec Phénix, Superphénix et le projet Astrid.

La promesse du projet d’Hexana est belle : produire à la fois de la chaleur et de l’électricité bas-carbone de manière très flexible et en fermant le cycle du combustible nucléaire. Parce que, rappelons-le, le gros avantage de la technologie RNR, c’est qu’elle peut utiliser de l’uranium appauvri associé à du plutonium que l’on trouve dans les combustibles usés des réacteurs à eau pressurisée qui composent le parc nucléaire français. De quoi réduire à la fois nos besoins en uranium naturel et diminuer la quantité de nos déchets nucléaires.

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En pratique, la solution Hexana se présentera sous la forme de deux modules nucléaires de 400 mégawatts (MW) thermiques ou 150 MW électriques et de modules de stockage de chaleur pour permettre toutes les variations de puissance utiles au site industriel alimenté ainsi – qui en plus, s’il capte son CO2, pourra aussi produire de l’hydrogène ou du carburant de synthèse – ou à la production d’électricité sur le réseau. Un prototype doit être mis en service au début des années 2030.

Principe de fonctionnement du réacteur Hexana / Infographie : Hexana.

La pile à sels fondus de Stellaria

Stellaria, de son côté, a choisi la voie de la technologie à sels fondus (RSF). Comprenez qu’elle compte sur un combustible liquide pour fournir, elle aussi, de l’électricité bas-carbone et de la chaleur à de grands sites industriels. Les atouts de cette technologie sont nombreux. D’abord, parce qu’elle peut se satisfaire de différents types de combustibles.

Elle pourra, par exemple, utiliser du thorium à la place de l’uranium. Il est trois à quatre fois plus abondant dans les sols. Et il peut être rendu fissile par un combustible usé. Autre avantage : les combustibles sont renouvelés à 90 % dans le réacteur. Les déchets, quant à eux, sont en partie « traités » au cœur du RSF. Il produit ainsi moins de déchets nucléaires que les réacteurs actuels.

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En pratique, Stellaria prévoit un module de seulement 4 mètres cube. Une sorte de « pile régénératrice de combustible liquide » intégrant un réacteur d’une puissance thermique de 250 MW et d’une puissance électrique de 100 MW. Une pile « plug and play » d’une autonomie de 5 ans. Et dont la densité est annoncée comme des dizaines de millions de fois supérieure à celle d’une classique pile lithium-ion. Avec l’avantage de pouvoir assurer, en moins de 10 secondes, la production d’une électricité « de pointe ».

Un atout supplémentaire pour suivre les évolutions rapides des charges industrielles ou compenser l’intermittence des EnR. Mais la technologie n’est pas encore tout à fait au point. Et pour un prototype, il faudra probablement attendre là, le milieu des années 2030.