La Pologne a lancé un ambitieux programme nucléaire pour remplacer ses centrales au charbon – tout du moins en partie. Le gouvernement polonais vient de décider le lancement officiel du projet, ouvrant la voie à la construction de sa première centrale nucléaire commerciale.

101 millions de tonnes, c’est la quantité de charbon et de lignite produits en Pologne en 2020. Cette production fait de la Pologne un concurrent direct de l’Allemagne pour le titre de premier producteur et consommateur de charbon en Europe, titre qu’ils obtiennent l’un ou l’autre en fonction des années. Ce charbon alimente notamment des centrales thermiques à flammes (charbon : 19 GW, lignite : 8,1 GW), qui, avec un complément au gaz naturel de 2,6 GW, assurent de l’ordre de 80 % des 158 TWh d’électricité produits dans le pays.

Ainsi, conséquence parmi d’autres de la très forte pénétration du charbon dans le mix énergétique polonais, c’est bien en Pologne que se trouve la plus puissante centrale thermique en Europe et la 5ᵉ au niveau mondial. La centrale au charbon de Bełchatów a en effet une puissance électrique totale de 5 354 MW, soit presque autant que la centrale nucléaire de Gravelines, la plus puissante de France (5 460 MW).

C’est dans ce contexte qu’en 2020, la Pologne a lancé un programme ambitieux, appelé « PEP40 », visant à établir sa politique énergétique jusqu’à 2040. Dans le cadre de ce plan, Polskie Elektrownie Jądrowe (PEJ), une société détenue à 100 % par l’État polonais, a été chargée en 2021 de créer et de développer le parc nucléaire national.

Le programme conçu par PEJ est constitué de six grands réacteurs à eau pressurée (REP), de puissance unitaire comprise entre 1 et 1,5 GW, pour une puissance totale comprise entre 6 et 9 GW. Le calendrier adopté vise un démarrage en 2026 de la construction de la première unité, pour une mise en service en 2033. Les unités suivantes seront ensuite mises en construction tous les 2 ou 3 ans, pour un parc nucléaire terminé en 2040.

À lire aussi Comment le nucléaire va décarboner l’électricité en Pologne

Partir d’une feuille blanche

Il s’agit d’un projet ambitieux pour un pays qui ne dispose d’aucune filière nucléaire préexistante, si l’on exclut un petit réacteur de production d’isotopes médiaux de 30 MW, appelé Maria. Tout reste donc à construire. Le 22 décembre 2021, PEJ avait notamment annoncé que le site privilégié pour la construction de la première centrale nucléaire du pays serait situé à proximité de Lubiatowo et Kopalino, deux communes sur la côte de la mer Baltique, en Poméranie.

En ce qui concerne le réacteur, PEJ avait mis en concurrence les constructeurs qui proposaient des modèles dont les caractéristiques étaient conformes avec le cahier des charges qui avait été fixé : l’AP1000 de Westinghouse, l’APR-1400 de KEPCO, et l’EPR conçu par Framatome et EDF. En novembre 2022, PEJ avait annoncé que Westinghouse serait retenu pour une centrale de trois unités. Cette décision avait produit un certain émoi chez ceux qui avançaient l’idée d’une solidarité européenne ; elle reste toutefois à placer dans le contexte du resserrement des liens entre Washington et la Pologne dans le cadre du développement du conflit en Ukraine.

À lire aussi Miracle à Varsovie : le mauvais élève du climat se mue en champion de l’éolien offshore

La 13 avril dernier, PEJ avait demandé au ministère polonais du Climat et de l’Environnement de prendre une décision quant au lancement du projet. Fin juillet 2023, le ministère vient de donner son accord de principe pour le lancement du projet. Comme l’indique Anna Łukaszewska-Trzeciakowska, récemment nommée plénipotentiaire du gouvernement pour les infrastructures énergétiques stratégiques : « La décision d’aujourd’hui nous rapproche du moment où la première centrale nucléaire polonaise commencera à fonctionner et à produire de l’électricité, garantissant ainsi un volume d’énergie approprié dans la base du système électrique en 2030. »

À lire aussi Voici la carte des 6 futurs réacteurs nucléaires EPR prévus en France