Jamais l’humanité n’est parvenue à percer aussi loin les entrailles de la Terre. Alors que le record du forage le plus profond du monde est de 12,3 km, Quaise Energy veut développer des centrales géothermiques puisant leur énergie à… 20 km sous nos pieds. Un défi colossal qui permettrait de générer de grandes quantités d’électricité bas-carbone et pilotable à n’importe quel endroit du globe.

Parviendrons-nous à produire de l’électricité via la géothermie « archi-profonde » ? L’adjectif manque pour désigner le projet de Quaise Energy, une spin-off du MIT (Massachussets Institute of Technology). La jeune société américaine entend forer la croûte terrestre jusqu’à 20 kilomètres de profondeur pour obtenir des températures de l’ordre de 500 °C.

En effet, la géothermie actuellement exploitée dans le monde est déjà qualifiée de « profonde » jusqu’à 2 km. Les rares forages « très profonds » peuvent théoriquement chercher de la chaleur jusqu’à 10 km. Dans les faits, aucun ne dépasse 5 km.

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Des contraintes techniques exceptionnelles à de telles profondeurs

Le trou le plus profond jamais creusé par l’humain s’est arrêté à 12,289 km. Il s’agit du forage « SG3 », situé sur la péninsule de Kola en Russie. Le projet scientifique avait pour but d’atteindre 15 km de profondeur, afin de mieux connaître la composition des entrailles de la Terre.

Il s’est arrêté bien avant en raison d’importantes contraintes : la tige de forage était soumise à un intense effort de torsion, la température atteignait 180 °C, la pression des roches était extrêmement élevée et l’extraction des déblais devenue impossible.

Infographie : Quaise Energy

Une sorte de four micro-ondes ultra puissant pour liquéfier les roches

Ainsi, comment Quaise Energy veut s’y prendre pour creuser des puits presque deux fois plus profonds que le forage SG-3 ? La société mise tout sur le « gyrotron », une tête de forage à laquelle aucune roche ne saurait résister. Cette technologie nouvelle consiste à faire fondre les roches en les bombardant d’ondes millimétriques à une puissance d’une dizaine de mégawatts.

« Un gyrotron injecte de l’énergie à rayonnement à onde millimétrique dans le trou de forage et un appareil de mise sous pression est prévu pour mettre sous pression le trou de forage, grâce à quoi un front de fusion thermique à l’extrémité du trou de forage se propage dans les formations souterraines » décrit le document du brevet déposé par l’université, traduit en français.

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Convertir les centrales thermiques fossiles à la géothermie

Concrètement, les premiers kilomètres seraient forés via une tête rotative classique, comme celles exploitées dans l’industrie pétrolière. Le gyrotron interviendrait à partir de profondeurs plus élevées, où les contraintes thermiques et mécaniques deviennent insurmontables pour les technologies conventionnelles. Grâce à la vitrification des roches, le forage serait facilité et ne nécessiterait pas l’installation de gaines. Les parois ainsi formées de verre suffiraient à assurer sa solidité.

Les 20 km de profondeur atteints, la chaleur s’élèverait à 500 °C, quel que soit l’endroit de départ du forage en surface. « À ces températures, la géothermie est si puissante qu’elle peut réalimenter la plupart des centrales électriques à combustible fossile dans le monde », explique Quaise Energy.

Le gisement de chaleur étant disponible partout, la société souhaiterait convertir les centrales thermiques fossiles à la géothermie. L’eau ne serait plus transformée en vapeur grâce au charbon ou au gaz, mais via les entrailles de la Terre. Les centrales conserveraient ainsi leurs turbines et générateurs d’origine ainsi que leur pilotabilité.

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Premiers essais en conditions réelles dès 2024

Un point reste toutefois à éclaircir : quelles technologies Quaise Energy emploiera pour relever l’eau injectée dans les puits ? Extraire de l’eau liquide sur une hauteur de 20 km en limitant les pertes de chaleur est un défi technique majeur. La start-up n’a communiqué aucun détail à ce sujet.

Quaise Energy promet de lancer une première plateforme de forage à grande échelle dès 2024. Deux ans plus tard, elle prévoit de brancher un premier prototype fonctionnel capable de générer 100 MW d’énergie thermique. La start-up espère inaugurer la première centrale thermique fossile convertie à la géothermie en 2028.