Ce n’était pas un poisson, et pourtant… Le 1ᵉʳ avril dernier, le gouvernement algérien, par la voix de son ministère de l’Énergie et des Mines, a annoncé en grande pompe son vœu de se lancer dans un ambitieux projet de production et d’exportation de l’hydrogène. Forts de leur potentiel prometteur, les Algériens ne voudraient pas rester en marge du mégaprojet lancé par l’Europe de produire 10 millions de tonnes d’hydrogène et d’en importer autant, d’ici 2030.

La Commission européenne avait établi, en 2022, le plan REPowerEU, dans lequel elle exprime son intérêt grandissant pour l’hydrogène afin de réduire rapidement la dépendance des pays de l’Union européenne à l’égard des combustibles fossiles russes, et son intention de s’approvisionner en hydrogène provenant des pays de l’Afrique du Nord, notamment.

Si l’ambition parait légitime, l’Algérie a-t-elle réellement les moyens de sa politique ? Est-elle en mesure de satisfaire un marché aussi exigeant ? Cela dit les responsables algériens ne précisent pas quel type d’hydrogène ils comptaient livrer aux pays européens ; le bleu, le gris ou le vert ? Même si, au fond, l’on sait que le gouvernement algérien ne fait pas du vert son cheval de bataille.

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L’hydrogène algérien incompatible avec l’Europe ?

S’il est vrai que, lors de la visite de la première ministre italienne à Alger en janvier 2023, des pourparlers avaient eu lieu pour réactiver le gazoduc Galsi reliant l’Algérie à l’Italie, qui pourra être utilisé pour acheminer de l’hydrogène algérien vers l’Europe, mais, dans le fond, la plupart de ses partenaires européens affichent peu d’intérêt pour ce produit jugé peu ou pas compatible.

Pour l’Europe, avec son engagement d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, et la signature d’un Pacte vert pour l’Europe et la transition énergétique, les pays membres sont appelés à s’approvisionner en hydrogène vert. Or, l’Algérie ne semble pas remplir cette condition, dès lors que son hydrogène à elle reste très dépendant des énergies fossiles, c’est-à-dire fortement émetteur de carbone.

Mais la question qui reste posée est de savoir si l’Europe va se contenter d’importer du vert. Car, il faut noter qu’à l’heure actuelle, l’hydrogène vert ne représente qu’une modeste partie de la production mondiale, moins de 1 %. Et vu la demande grandissante du Vieux-Continent et la rareté de cette matière, il semble difficile que cet engagement puisse être tenu. Lorsqu’on sait que l’Europe aspire à passer d’une contribution de 2 % d’hydrogène dans la production de l’énergie à 23 % à l’horizon de 2050, on peut supposer que cela ne pourra pas se réaliser avec uniquement du vert.

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Cher, polluant et peu maniable

Dans ce cas, il n’est pas à exclure que certains pays européens relèguent l’aspect écologique au second plan. Aujourd’hui, la production des différents types d’hydrogène autre que le vert entraîne, dans la seule Europe, le rejet de 70 à 100 millions de tonnes de CO₂.

Pour sa part, l’Algérie produit de l’hydrogène gris, produit à partir de combustibles fossiles, principalement à partir du gaz naturel, dont regorge le désert, et a de grande capacité de mettre sur marché de l’hydrogène bleu, qui, comme on le sait, est produit également à partir de combustibles fossiles.

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En matière de l’hydrogène vert, le pays a fait une première étude de prospection en 2021, en partenariat avec l’Allemagne.  Mais le projet se confronte à de sérieux problèmes : cela coûte trois fois plus cher que le gris. Autre inconvenant de taille : le transport de ce produit via des gazoducs comporte des risques d’endommagement des conduites, en raison de l’impossibilité d’ajuster la pression de l’hydrogène de manière homogène.  L’hydrogène peut être transporté dans un état liquéfié dans des tanks, or, non seulement les coûts de transport maritimes sont si dissuasifs, mais aussi peu efficace.