Alors que la filière de l’énergie solaire photovoltaïque est sur le point d’établir un nouveau record en Europe, avec une puissance installée de 270 GW, un autre phénomène attire l’attention : l’accumulation massive de panneaux solaires invendus. Estimé actuellement à 80 GW, ce stock pourrait connaître une hausse significative pour atteindre les 100 GW d’ici la fin de l’année.

Dans sa quête pour réduire sa dépendance aux combustibles fossiles et lutter contre le changement climatique, l’Europe a établi des objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables. Pour y parvenir, plusieurs initiatives ont été mises en place à l’échelle européenne. Parmi celles-ci : le plan industriel du pacte vert, RePowerEU, et Net Zero Industry Act.

Ces politiques ont énormément stimulé la demande de panneaux solaires sur le continent, comme en témoigne l’augmentation spectaculaire des investissements européens dans le photovoltaïque et la hausse des puissances installées. De 2018 à 2022, le budget consacré à l’achat de panneaux solaires serait passé de 5,5 milliards à 20 milliards d’euros. Cependant, cet engouement a également entraîné une accumulation sans précédent de modules dans les entrepôts européens, avec un stock actuel estimé à 80 GW, soit l’équivalent de 48 réacteurs nucléaires de type EPR. Selon nos estimations, cela représente pas moins de 200 millions de panneaux stockés, en considérant une puissance moyenne de 400 W par panneau.

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Un volume de stock doublé en quelques mois

En juillet dernier, le cabinet de conseil Rystad Energy révélait que l’Europe détenait un stock de 40 GW de panneaux solaires invendus dans ses entrepôts. En quelques mois seulement, cette estimation se voit doublée, atteignant désormais 80 GW. Provenant principalement de Chine, la majorité de ces modules photovoltaïques sont destinés aux secteurs résidentiels et C&I (commercial et industriel). Pour les grands projets tels que les fermes solaires, les opérateurs préfèrent souvent traiter directement avec les fabricants.

Pour mettre ce chiffre en perspective, ce stock de 80 GW représente le double de la puissance solaire nouvellement installée en Europe en 2022 et pourrait alimenter jusqu’à 40 millions de foyers. Par ailleurs, ce volume stocké dépasse largement les prévisions d’installations en Europe pour 2023, qui seraient de 63 GW. Selon Rystad Energy, le stock pourrait même atteindre 100 GW d’ici la fin de l’année. Cette projection s’appuie sur le rythme soutenu des importations européennes de panneaux solaires, qui n’a pas ralenti malgré l’ampleur du stock. En effet, les importations ont continué de croître par rapport à l’année précédente. En mars, par exemple, les importations de panneaux ont augmenté de 51 % par rapport à cette même période de l’année précédente.

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Pourquoi de tels stocks se sont formés ?

En juillet, les 40 GW de panneaux invendus en Europe étaient évalués à environ 7 milliards d’euros. Mais selon la récente estimation de Rystad Energy, cette valeur a chuté à environ 6 milliards d’euros. Par ailleurs, si les modules PERC achetés en mars étaient de 0,23 $/Wc (0,22 €/Wc), ils sont maintenant évalués à 0,15 $/Wc (0,14 €/Wc). Et cette tendance à la baisse pourrait se poursuivre.

Cette réduction des prix semblerait principalement concerner les modules PERC. La raison est que les distributeurs cherchent à écouler rapidement leurs stocks de panneaux solaires de type P (dont les PERC). Ces derniers perdent de leur attrait auprès des consommateurs. En effet, la préférence se déplace désormais vers les modules de type N. Le « type » des modules solaires fait référence à l’élément utilisé pour doper la cellule photovoltaïque. Actuellement, les modules de type N gagnent en popularité en raison de leur rendement supérieur. Il est donc logique que les distributeurs cherchent à libérer de l’espace pour cette technologie en liquidant leurs stocks de modules PERC.