Cet été, Révolution Énergétique retrace une partie de l’histoire des énergies. Ces « premières fois » où de l’électricité est sortie d’une centrale nucléaire, d’une éolienne ou d’une centrale hydroélectrique. Ces grandes étapes souvent méconnues, où le premier panneau photovoltaïque a été installé, où la première pompe à chaleur a délivré des kilowattheures de froid ou de chaud « bas-carbone ». Cette semaine, nous remontons l’histoire, jusqu’au tout premier autobus électrique de France.

La ville de Limoges fête les 80 ans de l’implantation de son réseau de bus électriques, appelés communément trolley ou trolleybus. Sous une toile d’araignée électrique, sans bruit et sans pollution, les trolleys transportent des milliers de passagers chaque année et représentent jusqu’à 54 % des déplacements en ville. Dans les années 1930, les dirigeants de la compagnie de tramways électriques de Limoges cherchent une solution pour améliorer les transports. Suite à une visite à Liège en Belgique, le choix se porte sur le trolley, pour remplacer le vieux réseau de tramway existant.

Le trolleybus, c’est quoi ?

C’est un véhicule identique à un autobus, mais avec une motorisation électrique. Il a l’avantage de s’intégrer à la circulation, sans réseau spécifique à son usage au sol. Pour cela, il est raccordé à 2 caténaires pour le captage du courant continu de 750 volts en réseau aérien, au moyen de 2 perches, ce qui offre une grande flexibilité de manœuvre.

À Limoges, les trolleys ont remplacé progressivement le tramway existant, qui fut le premier moyen de transport électrique. Plus bruyant, moins confortable, nécessitant une voirie ferrée et une caténaire suspendue pour fonctionner, les tramways ont de plus grandes difficultés dans les pentes et limitent l’expansion de la ville.

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Histoire des trolleybus

Cette technologie fut utilisée dès la fin du XIXe siècle pour des sites industriels, sur des longueurs relativement courtes et internes aux entreprises. Quelques tentatives eurent lieu en zone urbaine. Mais les difficultés rencontrées ralentissent leur développement. Le tramway lui fut longtemps préféré, car jugé plus sûr. Nous sommes à l’époque de la toute-puissance des compagnies de chemins de fer, dont les objectifs sont de développer le rail aussi bien en ville qu’à la campagne.

En 1930, après quelques décennies d’essais infructueux, les villes de Limoges et Lyon décident de s’équiper de trolleybus, qui sont récemment en service dans certaines villes d’Europe. Limoges a acté son choix dès 1932, mais il faudra attendre que le Conseil des ministres approuve le projet le 15 septembre 1939, deux semaines après la déclaration de guerre à l’Allemagne. À noter que Lyon a commencé son équipement dès 1935. Ironie de l’histoire, les deux derniers réseaux toujours en service en 2023 sont ceux de Lyon et Limoges.

Prévue pour janvier 1940, la mise en service à Limoges aura lieu le 14 juillet 1943. Pendant l’occupation et après la guerre, beaucoup de villes ont envisagé cette technique, car la pénurie de pétrole compliquait le déplacement des autobus et la remise en état des tramways était onéreuse. Les trolleys furent construits par la société Vetra, constructeur français dès 1925, qui a été le constructeur emblématique de l’immense majorité des trolleys français jusqu’en 1964.

Trolleybus moderne et lignes aériennes de contact à Limoges / Images : Philippe Gasnier.

À noter que Vetra, basée en région parisienne, s’est réfugiée à Limoges dès 1943. Beaucoup de trolleys furent fabriqués pendant cette période, de 1943 à 1964, date de la cessation d’activité de la société. Suite à cette fermeture, dans les années 1970 ne demeurent plus que les cinq réseaux suivants : Lyon, Limoges, Saint-Étienne, Grenoble et Marseille.

En effet, n’ayant plus de fabrication française, beaucoup de villes optent pour l’autobus à motorisation diesel qui est en plein essor, malgré les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Certaines villes, comme la RATP à Paris, abandonnent le trolley. La ville de Lyon et de Limoges ont ainsi pu récupérer les modèles de la RATP, pour rééquiper leur réseau. Ce qui a probablement sauvé les trolleybus de leur disparition, car les modèles commençaient à manquer.

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À Limoges, les vieux trolleys gris et tristes sauvés en 1966 vont recevoir un lifting de peinture, en 1973, aux couleurs rouge et blanche. C’est à cette époque qu’apparaît également le poinçonnage automatique et que le chauffeur rend la monnaie du ticket tout en conduisant. Malgré la grande fiabilité des moteurs, les carcasses des modèles d’avant-guerre connaissent les affres du temps et la corrosion. Il est urgent de trouver une solution pour les villes qui exploitent encore ce type de réseau.

C’est le constructeur Berliet/Renault qui s’attelle à la tâche. Il livre ses premiers modèles en 1978, eux aussi avec une longévité exceptionnelle, car certains exemplaires sont encore en service en 2010 à Limoges. La technologie a bien entendu évolué et certains modèles sont accompagnés d’un moteur diesel, qui permet au trolley de pouvoir fonctionner en dehors du réseau électrique, ce qui était son point faible. Des modèles hybrides en somme, comme à Grenoble, qui après le démantèlement du réseau électrique, ont fonctionné au diesel seul.

Hélas, la fabrication est réduite et concerne uniquement les modèles existants, car aucun nouveau réseau n’est créé pendant cette période. En 2000, la société Irisbus, qui a repris la filiale de Renault, fabrique des nouveaux modèles, dont la fabrication a été arrêtée en février 2011, par manque de développement commercial. Ce matériel est utilisé de nos jours à Limoges et Lyon, avec des modèles longs en accordéon, et équipé de batteries électriques rechargeables en remplacement des moteurs diesel d’appoint.

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L’avenir du trolleybus

Limoges est restée fidèle à la traction électrique, souvent considérée par le passé comme une installation ringarde par les visiteurs de la ville. Les trolleys sont dorénavant reconnus comme propres et « tendance ». Le réseau actuel s’étend sur 32 km de lignes. Il représente 38 % du kilométrage parcouru par le réseau de transport et les Limougeauds oublient parfois leur présence, tant ils se sont fondus dans le paysage.

La ville de Limoges met en place un projet de Bus à haut niveau de service (BHNS) qui est un autobus électrique à batteries, modèle articulé et à haute fréquence de passage sur voies entièrement réservées. En 2021, la RATP a fait annonce d’une commande de 180 modèles de ce type de bus, pour son réseau en 2025. Est-ce la fin du trolley avec son fil d’Ariane suspendu à sa toile d’araignée ?  Limoges Métropole a informé que les trolleybus seront les accompagnateurs indispensables du BHNS. Si Limoges voit son avenir avec le trolley, d’autres villes ou d’autres secteurs des transports sont-ils intéressés ?

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La Suisse est le pays d’Europe qui exploitent le plus ce mode de transport dans pas moins de 12 villes, dont Genève, Lausanne et Lucerne, pour les plus grands réseaux. Le Royaume-Uni a eu également des trolleys, bien entendu, des modèles à impériale. Mais il n’y a plus aucun trolleybus en circulation en Angleterre depuis 1972. Les trolleys ont été implantés dans pas moins de 45 pays, beaucoup sont encore exploités de nos jours.

Les technologies actuellement utilisées, à lignes et batteries rechargeables en appoint, contribuent à utiliser le réseau en toute autonomie, avec la possibilité de le quitter à tout moment. Sa fiabilité démontrée pendant 80 ans et son indéniable apport écologique font du trolley un atout majeur dans le développement des projets BHNS en France.

Soyons rêveurs, imaginons une autoroute avec un réseau de caténaires suspendus, alimentant des voitures et camions électriques à batterie rechargeable, avec une perche pour s’y connecter. Une technique éprouvée et simple, qui nécessiterait moins d’investissements que les routes à induction du futur. C’est assurément un rêve de limougeaud, auteur de cet article.

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