Biocarburant ou agrocarburant ? Gaz naturel ou fossile ? Eolien intermittent ou variable ? Aucun vocable n’est neutre. Derrière le choix de chaque mot se cache une idéologie.

Au début de la décennie 2000, c’est le mot « biocarburant » qui était utilisé. Une fleur de tournesol servait de logo au parti vert. Puis le journaliste environnement Hervé Kempf a remarqué en 2007 l’émergence d’un nouveau mot, « agrocarburant ».

« Dans les récentes années qui ont vu les agrocarburants émerger sur la scène publique, un mot est apparu dans les critiques d’associations : ‘agrocarburants’. Le terme ‘biocarburants’ utilisait la connotation bio, très positive auprès du public (ex. : l’agriculture bio), alors que le mode de production des agrocarburants est très loin de cette approche : comme vous le savez, les cultures d’agrocarburants se font sur une grande échelle, selon les techniques de l’agriculture industrielle, et si elles conduisent bien à produire un carburant à partir d’un substrat biologique, elles utilisent les méthodes d’une agriculture qui n’a rien de bio ». 

Cette question de vocabulaire a suscité un débat journalistique, rappelle Hervé Kempf.
« Nous avons débattu de cette question au service Environnement-Sciences du Monde et nous avons pris l’habitude d’écrire ‘agrocarburants’, ce qui renvoie au mode de production des carburants en question. Il nous paraît important de mettre l’accent sur la mise en œuvre sociale de la technique, compte tenu de ses impacts sur l’environnement».

Ce changement de mot est même entré dans la Loi française en mai 2013 avec l’amendement Plisson. L’écologiste Fabrice Nicolino a de son côté proposé un mot encore plus connoté négativement : « nécrocarburant ».

Le gaz « naturel » pose le même problème. Pourquoi, dans cette veine, ne pas parler de « liquide naturel » pour le pétrole ? Les opposants à cette énergie émettrice de gaz à effet de serre  parlent aujourd’hui de  « gaz fossile ». Ce changement linguistique est d’importance majeure dans le débat énergétique-environnemental, les lobbyistes du gaz cherchant à faire passer cette énergie comme « verte ».

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Debunker les idées reçues

L’éolien et le solaire sont depuis des années attaqués par les défenseurs des énergies du passé en raison d’une prétendue « intermittence ». Or ce mot est fallacieux. « Depuis 10 ans à l’AIE (Agence Internationale de l’Energie NDLR) on s’efforce d’imposer « variable »  et on récuse « intermittent » qui évoque des passages brutaux (on-off) non représentatifs des sources et technologies solaires et éoliennes » souligne Cédric Philibert, un ancien expert de cette agence de l’OCDE

De même chez RTE, le spécialiste des réseaux, qui utilise à présent aussi le mot “variable” dans ses rapports, tout comme EDF. Idem pour l’IRENA, (l’Agence Internationale des Énergies Renouvelables), pour la Banque Mondiale et pour le NREL américain. Ou encore pour l’association négaWatt et le réseau Sortir du Nucléaire.
Le choix du mot « intermittent » relève au mieux de l’ignorance ou de l’habitude de recourir à un abus de langage, et au pire d’une stratégie de manipulation et ainsi d’une pollution du débat énergétique.

Rappeler que l’éolien français n’est pas intermittent aurait irrité certains lecteurs arrivés sur notre site suite à la publication d’un contre-article sur un site web libéral. « Je suis venu lire cet article car cité sur Contrepoints »  commente un de nos lecteurs qui a été manifestement choqué par ce rappel du réel. On mesure ici la nécessité de debunker avec détermination les contre-vérités et les (fausses) idées reçues propagées par certains lobbys pour ternir l’image des énergies renouvelables. 

Les spécialistes de l’association FEE (France Energie Eolienne) – qui représente plus de 300 membres professionnels de la filière en France –  y sont eux aussi allés de leur couplet suite à notre article, rappelant de façon synthétique quelques faits scientifiquement et techniquement fondés : « L’éolien est intermittent. Ce vocable repris le plus souvent par les détracteurs de l’éolien n’est pourtant pas juste. L’énergie éolienne est variable, disponible partout en Europe, prévisible et complémentaire avec d’autres énergies renouvelables comme le photovoltaïque ».

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