Une vague de froid sans précédent traverse actuellement le Texas. Des températures record de -18°C ont été enregistrées au nord de l’Etat, entraînant des coupures de courant anormalement longues. Certains media pointent du doigt les parcs éoliens comme étant les coupables de ces pénuries d’électricité. Vrai ou faux ?

Avec des températures parfois inférieures de 10 à 20° aux moyennes de saison, le Texas, qui compte 29 millions d’habitants, subit une vague de froid historique, laquelle s’étend jusqu’au Mexique. Cette semaine, Dallas a frôlé les -20° alors que Houston, la plus grande ville de l’Etat, a vécu deux nuits de black-out. Mardi matin, 2,5 millions de ménages texans étaient privés d’électricité. Ce jeudi, ils étaient encore 674 000 foyers sans courant.

Généralement, les coupures de courant sont causées par le poids de la neige qui rompt les câbles électriques, mais au Texas, c’est un pic exceptionnel de la demande d’électricité qui a forcé ERCOT, le gestionnaire du réseau électrique texan, à délester plusieurs régions afin d’éviter la surchauffe du réseau. Des difficultés d’approvisionnement de certaines centrales au gaz, combinées à des milliers de chaufferettes poussées au maximum de leur puissance, ont obligé ERCOT, qui n’est pas raccordé au réseau national, à procéder à des coupures d’alimentation pendant de longues heures. Un comble pour cet Etat qui est le premier producteur de pétrole brut et de gaz naturel du pays et vit quasi en vase clos. Peu d’interconnexions ont en effet été établies entre le Texas et ses Etats voisins, ce qui limite les importations d’électricité.
Selon l’AFP, le gestionnaire du réseau est encore privé de plusieurs centrales ce vendredi, ce qui pourrait générer de nouvelles coupures d’ici au week-end.

Les éoliennes, responsables de la pénurie d’électricité ?

Plusieurs media ont désigné les éoliennes comme étant principalement à l’origine du black-out, en précisant qu’elles étaient « gelées ». Qu’en est-il vraiment ?

Selon les périodes de l’année, les parcs éoliens produisent de 10 à 20% de l’électricité au Texas, les centrales au gaz 47% et celles à charbon 20%, précise ERCOT. Or, selon Jesse Jenkins, professeur à l’Université de Princeton, 34 gigawatts de « capacité thermique » étaient hors service au plus fort de la crise, alors que l’éolien est censé, selon les prévisions du gestionnaire de réseau, fournir seulement 6 GW pendant les pics hivernaux. Le déséquilibre du réseau est donc principalement dû à l’arrêt de centrales au gaz en raison de conduites d’approvisionnement gelées, d’au moins une centrale nucléaire tombée en panne et de centrales au charbon hors service.

En fait, le secteur éolien s’en est peut-être même mieux tiré que d’autres. Mardi matin, toujours selon Jesse Jenkins, l’éolien produisait 4 GW, soit les deux tiers de sa capacité prévue.

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Eoliennes à l’arrêt ?

Si les températures très négatives ont sans doute provoqué l’arrêt de certaines éoliennes, elles n’expliquent pas leur panne à elles-seules. Il faut que le gel soit combiné à une humidité ambiante. Car s’il est vrai que le froid polaire entraîne généralement la mise en sécurité des turbines, c’est dans le but de protéger les citoyens des éventuelles projections de la glace qui s’accumule sur les pales.

Chaque éolienne est équipée de deux systèmes de détection de cette glace. L’un dans les pales, l’autre dans la nacelle. Dès que l’un de ces systèmes détecte la formation de glace, la turbine se met en sécurité, jusqu’à ce que les conditions climatiques lui permettent de redémarrer.
La faiblesse de ces dispositifs est qu’ils n’accélèrent en rien la remise en marche des éoliennes.

C’est pourquoi il existe un autre mécanisme, conçu pour les régions septentrionales ou les parcs éoliens en altitude. Afin d’éviter l’accumulation et la projection de glace en cas de gel, les éoliennes peuvent être équipées de capteurs couplés au système d’arrêt automatique et qui enclanchent des résistances chauffantes à l’intérieur des pales.  En quelques minutes à peine, les pales chauffées sont ainsi débarrassées des pesantes couches de neige gelée et peuvent redémarrer aussi vite. Ces dispositifs sont optionnels et relativement coûteux, c’est pourquoi peu d’éoliennes en sont équipées, encore moins au Texas où ces phénomènes climatiques extrêmes sont excessivement rares.

Remettre en question la fiabilité des éoliennes ?

Dans nos régions, de tels phénomènes sont assez rares : ils se produisent en moyenne tout au plus quelques jours ou semaines par an. Par ailleurs, en Europe, les mix énergétiques sont mieux diversifiés qu’au Texas , et la multiplication des interconnexions entre réseaux nationaux réduit considérablement les risques de pénurie d’électricité dans un Etat membre.

Mais ces événements ne doivent pas nous faire perdre de vue que toutes nos sources d’énergie, y compris le nucléaire, « sont vulnérables d’une façon ou d’une autre à une météo extrême et à des événements climatiques. Aucune n’est véritablement préparée à de telles intempéries », comme l’affirmait sur Twitter Daniel Cohan, professeur d’ingénierie civile et environnementale à l’université Rice à Houston.

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