EDF a annoncé sa volonté d’installer un système de compensateurs synchrones en Guadeloupe. Objectif : stabiliser un réseau isolé qui s’apprête à accueillir de plus en plus d’énergies renouvelables. Mais comment fonctionne cette machine peu connue du grand public ?

Certains parlent de « compensateur synchrone ». D’autres de « condensateur synchrone ». Mais les deux termes désignent une seule et même machine quelque peu étrange. En tout cas pour le profane. Parce que les experts des réseaux électriques, eux, savent bien de quoi il est question. Le rapport sur la faisabilité technique d’un système électrique à forte proportion d’énergies renouvelables, publié en 2021 par RTE et l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le présentait comme l’une des solutions envisagées pour assurer la stabilité du réseau. Et EDF Systèmes Énergétiques Insulaires (SEI) vient d’annoncer qu’un système de condensateurs synchrones sera bientôt installé sur l’un de ses sites en Guadeloupe.

L’entreprise s’est en effet engagée à décarboner la production d’électricité sur l’ensemble des territoires dont elle a la charge, d’ici 2033 et en comptant sur du « 100 % renouvelable » — sauf pour la Corse. Du renouvelable à base d’huile de colza, mais aussi de solaire et d’éolien. L’un des enjeux — plutôt connu maintenant — sera peut-être de pouvoir stocker au moins une part de l’électricité produite lorsque la météo sera favorable pour la restituer lorsque la demande sera importante. L’autre enjeu — un peu plus confidentiel encore — de l’intégration sur un réseau d’une grande part d’énergies renouvelables, notamment celles qui sont variables, est de maintenir, à tout moment et en tout point, la stabilité de la fréquence et de la tension.

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Le condensateur synchrone pour remplacer les centrales thermiques fossiles

Sur un réseau alimenté par des centrales électriques conventionnelles, la question se pose peu. Car l’inertie du réseau — comprenez, sa capacité à absorber les variations de demande — est assurée par les centrales électriques conventionnelles. La vitesse de rotation de leurs turbines ne varie en effet que très lentement. Mais avec le solaire photovoltaïque, par exemple, pas de turbine. Et donc, pas d’inertie. Pour limiter le problème, EDF SEI comptera, du côté de la Guadeloupe, sur une part de centrales tournant à la biomasse liquide. L’huile de colza citée plus haut. Mais en ajoutant des compensateurs synchrones, l’entreprise apporte une réponse purement électrique au besoin impératif de stabilité du réseau.

Le compensateur synchrone a déjà fait ses preuves… en certaines circonstances

Selon RTE, la technologie est « connue et éprouvée ». En pratique, un compensateur synchrone n’est ni plus ni moins qu’une grosse machine tournante. Un peu comme la turbine d’une centrale thermique. Celle-ci est actionnée par de la vapeur, elle-même produite à partir d’une eau chauffée au charbon ou au gaz, par exemple. Le compensateur synchrone, lui, est couplé électromécaniquement au réseau électrique et synchronisé sur sa fréquence. Il peut ainsi apporter une solution mécanique aux problèmes de stabilité du système électrique. Parce que l’inertie de la machine tournante — qui dépend de sa masse — peut compenser une variation soudaine sur le réseau. Un peu plus encore si on lui adjoint un volant d’inertie.

Elle a d’ailleurs été un temps utilisée dans l’industrie lourde. Avant l’arrivée des grands condensateurs à base de semi-conducteurs. Elle permettait alors d’absorber les variations de tension générées par la mise en service d’un moteur ou d’un four, par exemple. Mais aussi de corriger le facteur de puissance. Car, contrairement aux turbines de centrales thermiques conventionnelles, les compensateurs synchrones tournent littéralement en roue libre. Ils n’ont pas pour objectif de fournir un travail mécanique. Et ils peuvent donc soulager le réseau.

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Dans le contexte actuel de déploiement des énergies renouvelables, le condensateur en rotation alimenté par le courant continu produit par des panneaux solaires photovoltaïques, par exemple, permet de stabiliser le système. Il lui offre un soutien instantané en maintenant la production de tension indépendamment de la tension ou de la fréquence présentes sur le réseau.

La technologie est déjà utilisée ainsi dans quelques zones spécifiques en France. Mais également au Danemark ou en Australie et au Canada ou en Écosse, entre autres. Sur le réseau électrique isolé de Guadeloupe, EDF SEI compte sur ses compensateurs synchrones pour fournir de l’énergie supplémentaire en cas de problème soudain d’alimentation ou de problème sur le réseau. Selon RTE et l’AIE, la question de l’« efficacité de compensateurs synchrones à stabiliser un système électrique à grande échelle reste quant à elle à évaluer ».