La Pologne est le seul pays européen qui avait refusé de viser la neutralité carbone en 2050. Mais une petite révolution s’est récemment produite à Varsovie lorsque le ministre du climat a fait savoir que le pays sortirait du charbon d’ici 2049. La Pologne va désormais miser sur l’éolien et plus particulièrement sur le développement de parcs offshore dans la mer Baltique. 29 milliards d’euros y seront investis.

Dans le classement des grands pollueurs européens, la Pologne arrive en tête des plus importants émetteurs de gaz à effet de serre avec 11 tonnes de CO2 par an et par habitant[1]. En cause : sa dépendance au charbon, lequel assurait en 2018 près de 80% de la production d’électricité du pays. Varsovie figure d’ailleurs au premier rang européen pour la production de charbon et de lignite.

En juin 2019, lors d’un sommet européen, la Pologne a été le seul Etat membre à refuser l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Raison officielle invoquée par le premier ministre : une politique climatique trop ambitieuse et drastique ferait beaucoup de tort à l’économie et à l’emploi. Plus de 100.000 travailleurs polonais sont occupés dans le secteur minier et ils constituent un électorat important. Au pouvoir depuis 2015, le parti de droite PiS (Droit et Justice) a donc toujours été, jusqu’il y a peu, favorable au soutien du charbon, en affirmant encore il y a quelques mois que celui-ci resterait la principale source d’énergie du pays au moins jusqu’en 2060.

Des impacts sur la santé et les finances

Problème : cette addiction a des conséquences néfastes sur la santé de la population. D’après l’OMS, la Pologne compte à elle seule 33 des 50 villes européennes où l’air est le plus malsain, et ce phénomène causerait chaque année plus de 40.000 décès prématurés. Une situation alarmante due notamment aux 4 millions de logements chauffés par de vieux poêles individuels au charbon. Ils sont à l’origine du smog, un brouillard brunâtre constitué de fines particules nocives qui recouvre chaque année une grande partie du territoire quand le mercure dégringole.


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Autre souci de taille : environ 80% des mines de charbon polonaises sont déficitaires selon un rapport de la Commission européenne et bon nombre de centrales électriques au charbon sont vieillottes et inefficaces, leur rendement étant inférieur à 30%.
L’Etat intervient donc massivement pour soutenir le secteur. Selon une étude menée par le Fond Monétaire International (FMI), les subventions publiques dont bénéficie le charbon en Pologne s’élèvent à plus de 5% du PIB national. Quant aux analystes de BloombergNEF, ils estiment que la trajectoire la moins coûteuse pour le pays consisterait à réduire la part du charbon dans le mix électrique à moins de 30 % d’ici 2030.

La Covid-19 a sonné le glas du charbon

Déjà fragilisée par cette situation, l’industrie charbonnière polonaise est mise en grande difficulté par la crise sanitaire et le fort déclin de la demande qui en résulte. Les prix du charbon ont en effet chuté comme ceux du pétrole. En juillet, le groupe minier PGG, un des plus grands d’Europe, annonçait avoir déjà perdu 611 millions d’euros de revenus. Pour sortir de cette impasse, l’entreprise publique, se prépare à une profonde restructuration. La presse polonaise a évoqué des baisses de salaires, la suppression de 8.000 emplois et la fermeture de 2 mines.
Un véritable électrochoc qui a forcé le gouvernement à repenser sa stratégie et même à faire son mea-culpa. « Nous ne pouvons plus fermer les yeux, d’autant que, sur cette question, nous sommes isolés en Europe » a reconnu Jacek Sasin, le ministre en charge des participations de l’Etat. « Nous pensions que le charbon était notre atout et le garant de notre sécurité énergétique. Mais aujourd’hui, en raison de ce qui se passe, nous devons revoir cette opinion » a-t-il encore admis.

Tant et si bien qu’un véritable miracle s’est produit au pays natal de Jean-Paul II quand, début septembre, le nouveau ministre du Climat, Michal Kurtyka, a confessé que la Pologne allait réduire sa dépendance au charbon au profit des énergies renouvelables et du nucléaire. Quelques semaines plus tard le gouvernement annonçait même qu’il avait conclu un accord avec les syndicats en vue de sortir du charbon et de fermer la dernière mine en 2049. « Nous avons signé la liquidation de l’une des industries les plus importantes de l’histoire de notre république », a déclaré Dominik Kolorz, président du célèbre syndicat Solidarité (Solidarnosc).


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29 milliards pour développer l’éolien offshore

Déjà connu dans ses grandes lignes, le plan polonais prévoit un investissement de 29 milliards d’euros dans l’éolien offshore. Le pays semble même vouloir se muer en leader du secteur. Lors d’une récente conférence organisée par l’Association polonaise de l’énergie éolienne (PSEW), Varsovie a signé avec les 7 autres pays riverains de la mer Baltique, une déclaration commune en vue d’accélérer la construction de fermes offshore dans la zone. « L’accord que nous avons signé aujourd’hui marque une nouvelle étape importante pour la transition énergétique en Pologne et dans toute la région de la Baltique », a déclaré Malgosia Bartosik, directrice générale adjointe de WindEurope[2].

Sur les 23 gigawatts d’éoliennes offshore installées aujourd’hui le long des côtes de notre continent, la mer Baltique n’en compte encore que 2,2 alors que, selon les scénarios de WindEurope, elle pourrait accueillir 93 GW d’ici 2050. Le potentiel de développement est donc énorme.
Si tous les pays signataires de la déclaration ont présenté des plans ambitieux, la Pologne s’est démarquée et semble vouloir se positionner en championne du développement éolien offshore. Elle annonce un objectif de 28 GW d’ici 2050. Cela représenterait près du tiers de toutes les capacités offshore dans la mer Baltique.

« Nous voulons construire un nouveau secteur économique autour de notre industrie éolienne émergente et nous spécialiser dans la fabrication de composants pour les turbines offshore. Nous espérons que l’éolien marin deviendra le principal vecteur d’exportation de la Pologne et que nos entreprises seront des maillons importants de la chaîne d’approvisionnement de l’éolien offshore », a expliqué Kamila Tarnacka, directrice générale adjointe de PSEW.  


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[1] Sur la base des statistiques fournies par Eurostat pour l’année 2018

[2] WindEurope est l’association qui représente l’industrie éolienne en Europe