Après la crise du coronavirus, c’est à présent la canicule qui pointe du doigt la vulnérabilité des 57 réacteurs atomiques français. Le nucléaire doit-il faire partie de la transition énergétique ?

La baisse du niveau des cours d’eau liée à la récente canicule et la sécheresse actuelle ont contraint à l’arrêt les deux réacteurs de la centrale de Golfech sur la Garonne et forcé celle de Chooz, sur la Meuse, à réduire sa production d’électricité. Celle de Cattenom sur la Moselle est sous surveillance.

L’été dernier, ce sont cinq centrales nucléaires françaises qui avaient vu leur exploitation perturbée par les vagues de chaleur.
Il est vrai que les réacteur nucléaires doivent être refroidis par de grandes quantités d’eau (environ 50 m³ d’eau par seconde, sans tour de refroidissement), et la température de l’eau rejetée dans les fleuves et les rivières ne peut pas dépasser 28 degrés.  Des exigences qui alimentent les craintes face à la multiplication des phénomènes météo extrêmes liés au dérèglement climatique.

Une inquiétude partagée également par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). Fin juillet dernier, il a même publié une note d’information consacrée au sujet. « La canicule peut avoir des conséquences sur la production d’électricité pour des raisons de protection environnementale mais, potentiellement aussi, sur la sûreté des centrales nucléaires » prévient l’institut.


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Certes, le faible impact carbone de l’énergie atomique constitue un atout indéniable dans un contexte de réchauffement climatique qui s’emballe.
Mais la période de fortes chaleurs que nous venons de traverser ajoute de l’eau au moulin des détracteurs du nucléaire, lesquels soulignent la vulnérabilité des réacteurs lors des épisodes de canicule de plus en plus fréquents.  

L’actuelle crise de la Covid-19 ainsi que les questions que celle-ci a soulevées en termes de disponibilité du personnel chargé d’assurer le fonctionnement des centrales viennent ébranler encore davantage la confiance de nombreux citoyens et acteurs économiques dans la fiabilité du parc nucléaire. Nombreux sont ceux pour qui cette forme d’énergie ne doit plus faire partie de la transition énergétique.


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Garantir les effectifs

A la centrale de Flamanville (Manche), qui avait enclenché le 16 mars dernier un « plan pandémie » après que plusieurs cas de Covid-19 ont été recensés parmi le personnel, les contrats de travail de bon nombre de sous-traitants ont été suspendus.
De nombreux agents chargés de la sécurité et de la sûreté du site n’y avaient dès lors plus accès. Bien que les deux réacteurs de la centrale étaient à l’arrêt pour cause de maintenance, seules 120 personnes au lieu des 800 habituellement occupés, assuraient la surveillance du site.

De quoi s’interroger sur les risques réels d’accident nucléaire si une nouvelle pandémie devait gravement affecter le personnel des réacteurs en fonction.

Il est vrai qu’une Force d’Action Rapide Nucléaire a été constituée par EDF au lendemain de l’accident de Fukushima, mais sera-t-elle à même d’assurer le fonctionnement de tous les réacteurs atomiques, au cas où une nouvelle vague de contaminations se généralisait sur l’ensemble du territoire ?

On sait par exemple que la centrale de Civaux (Vienne) a vu, en mars dernier, des opérations de contrôle fortement perturbés par l’absence d’une partie du personnel requis.

Des risques limités avec les énergies renouvelables

Le secteur des énergies renouvelables et plus particulièrement ceux de l’éolien et du solaire ne sont pas confrontés à un risque similaire de désaffection du personnel technique.

Certes, en 2019, l’éolien ne représentait que 14,5% de la production d’électricité en Europe, et le photovoltaïque 4%. Certes aussi, l’intermittence – ou, plus exactement, la variabilité – de ces deux formes d’énergies pose d’autres contraintes.

Mais au Danemark, la part de l’éolien atteint cependant plus de 49% du mix énergétique, et 33% en Irlande, sans que cette situation ne génère de souci majeur en termes de constance d’approvisionnement, que ce soit en situation de phénomène climatique extrême ou en cas de pandémie.


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De plus, avec des facteurs de charge[1] oscillant entre 29 et 48%[2], l’éolien offshore joue un rôle déterminant dans l’approvisionnement énergétique de l’Europe. Alors que le secteur compte aujourd’hui une capacité installée de 20 GW, le vieux continent projette de la porter à 450 GW pour atteindre son objectif de  neutralité carbone en 2050.

Il semble une fois de plus évident que, pour faire face aux risques accrus de rupture d’approvisionnement par les centrales nucléaires, le foisonnement[3] des sources renouvelables, leur interconnexion et le développement de solutions de stockage constituent la principale réponse crédible.


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[1] Le facteur de charge d’une centrale électrique est le rapport entre la puissance moyenne effective sur une période donnée et la puissance maximale de la centrale.

[2] Source: Offshore wind power, GWEC.

[3] On appelle foisonnement la réduction des fluctuations dans le temps de la production d’énergies renouvelables grâce à la multiplication des sources et à leur éloignement. En effet, la variation de la somme des productions de différentes sources d’énergie fluctuantes comme l’éolien et le solaire est statistiquement réduites lorsque ces productions sont injectées sur un même réseau électrique maillé. Plus les sources d’énergie sont nombreuses et différentes, plus la puissance moyenne dégagée est lissée.