Rolls-Royce est déjà présent dans le nucléaire en tant que fournisseur de composants pour la construction des EPR d’EDF et constructeur de petits réacteurs SMR (Small Modular Reactors) pour les sous-marins militaires. Au moment où sa principale activité, la fabrication de moteurs d’avions, souffre de la crise sanitaire, le groupe souhaite maintenant se diversifier davantage dans ce secteur. Cette semaine il a révélé un projet de construction de 16 nouveaux réacteurs SMR au Royaume-Uni, en faisant miroiter la création d’emploi pour bénéficier de soutiens gouvernementaux.

Touché de plein fouet par la crise du transport aérien liée à celle du Covid-19, Rolls-Royce a récemment annoncé sa volonté de supprimer 9.000 emplois dans l’aviation civile. Aujourd’hui, le groupe semble vouloir se diversifier en affichant de grandes ambitions dans le développement de petits réacteurs nucléaires. L’industriel britannique en fabrique déjà depuis plusieurs années pour des sous-marins militaires et a déposé plus d’une trentaine de brevets consacrés à cette technologie.

De taille et de puissance plus faibles que les réacteurs nucléaires conventionnels, ces SMR sont fabriqués en usine puis transportés sur le site d’exploitation. Cette conception modulaire permet de réduire les travaux sur le chantier et par conséquent les coûts, mais elle nécessite la construction d’une usine de préfabrication. Il est dès lors nécessaire d’obtenir des commandes pour de nombreux exemplaires avant de se lancer dans un tel projet.

Depuis 2016, Rolls-Royce a constitué un consortium de 10 entreprises qui élaborent un nouveau concept de SMR. Y sont notamment associés, la société française Assystem, les britanniques Laing O’Rourke et Atkins ainsi que le National Nuclear Laboratory du Royaume-Uni. Selon un communiqué récemment publié, ces SMR pourraient fournir chacun 440 MW de puissance pendant 60 ans et suffisamment d’électricité pour alimenter une ville de 450.000 ménages.


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Un projet de 16 SMR pour le Royaume-Uni

Cette semaine, les partenaires ont révélé un projet de construction de 16 SMR, lesquels seraient tous installés en Grande-Bretagne. Il permettrait la création de 6.000 emplois pendant 5 ans. « En concevant une centrale électrique fabriquée en usine, qui sort de la chaîne de montage, nous avons radicalement réduit les nombreux risques associés à la construction de nouvelles centrales nucléaires. En utilisant une technologie éprouvée et des composants standardisés et simplifiés, nous la rendons beaucoup plus économique », explique Tom Samson, le directeur-général du consortium.

Selon Rolls-Royce, l’électricité produite permettrait aussi de fabriquer des carburants «propres» pour le transport aérien, comme de l’hydrogène ou des biocarburants. Ces derniers pourraient ensuite alimenter les moteurs d’avion fabriqués par l’entreprise.

Le concept de SMR développé par Rolls-Royce

Soutien gouvernemental

Pour que ce projet voie le jour, il y a toutefois une condition : il doit recevoir le soutien du gouvernement.  L’année dernière, celui-ci a déjà participé au financement du design de ces nouveaux SMR en déboursant 18 millions de livres. Pour convaincre Boris Johnson et ses ministres, Rolls-Royce affirme que 80% des composants utilisés pour la construction des réacteurs seront fabriqués dans le pays. Au total, 34.000 jobs pourraient être créés d’ici le milieu des années 2030, prétend le groupe.

Selon le Financial Times, chaque réacteur coûterait environ 2 milliards de livres (soit 2,2 milliards d’euros), et l’exécutif envisagerait d’investir 1,5 à 2 milliards de livres dans le programme.
Au final, le prix de 5 millions d’euros par mégawatt installé serait plus cher que celui des 3 milliards d’euros annoncés au départ par EDF pour la construction des 1.570 MW de puissance électrique nette prévue pour l’EPR de Flamanville.  Mais ce coût des SMR serait proportionnellement bien moins élevé que celui du montant de la facture finale de 19 milliards estimée par la Cour des Comptes pour l’EPR français.


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Quid des déchets radioactifs ?

Dans tous ces calculs ne sont évidemment pas comptés les coûts de démantèlement des futurs SMR et ceux de la gestion des déchets radioactifs produits. Ils devront sans doute être supportés par les générations futures.
Certains types de SMR utilisent du thorium comme combustible ou adoptent la technologie des réacteurs à neutrons rapides.  Ces technologies permettent de réduire la quantité des déchets radioactifs produits et leur radiotoxicité. Il semble toutefois que ce ne soit pas l’option choisie par le consortium formé autour de Rolls-Royce, lequel a opté apparemment pour une technologie plus classique, semblable à celle des réacteurs de type PWR (réacteur à eau pressurisée). Ces nouveaux SMR devraient dès lors produire autant de déchets que la plupart des centrales actuellement en fonctionnement.


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Pallier la fermeture prochaine de plusieurs centrales

Aujourd’hui, le nucléaire fournit environ 20% de l’électricité consommée dans le Royaume Uni. Le gouvernement actuel voudrait maintenir cette part, malgré la chute des coûts des énergies renouvelables et plus particulièrement de l’éolien offshore, économiquement bien plus avantageux que la construction de nouvelles centrales. Cette volonté nécessite de pallier la fermeture prochaine de plusieurs centrales nucléaires par de nouveaux projets. Sur les huit en exploitation que compte le pays, la moitié doit être arrêtée avant mars 2024.
A Hinkley Point, EDF a déjà entamé depuis quelques années la construction de 2 nouveaux réacteurs de type EPR. D’autres projets ont toutefois capoté, comme celui du conglomérat industriel Hitachi qui a récemment renoncé à la construction d’une nouvelle centrale au Pays de Galles.
Cette situation offre dès lors une perspective de succès au projet de Rolls-Royce.

Préfabriqués en usine, les composants du SMR sont transportés sur site par la route

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