Les éoliennes sont devenues l’objet d’un contentieux massif, tant pour les projets onshore qu’offshore. 70% des autorisations délivrées sont contestées. Au point de bloquer toute une filière et de mettre la France en mauvaise position dans le classement européen de la production d’énergie éolienne. Mais pour combien de temps encore ?

Fin 2018, 8.000 éoliennes tournaient dans les campagnes françaises, soit une capacité de 15,1 GW. Un chiffre déjà impressionnant, direz-vous, pourtant trop faible puisqu’à fin 2028, l’Hexagone devra compter environ 15.000 éoliennes si elle veut atteindre son objectif de 35 GW. Ce qui implique l’installation de 6.000 à 7.000 éoliennes supplémentaires au cours des 10 prochaines années.

On imagine mal que l’opposition à l’éolien va s’apaiser face à de telles ambitions. Toutefois, proportionnellement, grâce à l’évolution de la technologie, moins de machines seront érigées puisque les éoliennes modernes sont plus hautes et plus puissantes. Les modèles les plus récents atteignent des hauteurs totales (pales comprises) de 200 m, voire 230 m.

Des délais extrêmement longs

En 2017, l’ensemble des tribunaux a dénombré pas moins de 289 dossiers de recours.

Cette opposition entraîne un retard considérable dans la construction des parcs et la réalisation des objectifs fixés en matière d’énergie éolienne. En première instance, les dossiers sont traités en moyenne en 9 mois et demi. A ce délai, il faut ajouter près de 11 mois en appel, et 6 mois et demi au Conseil d’Etat.

Mais si l’on compte toutes les phases d’introduction de dossiers, avant le traitement des recours par les juridictions administratives, il faut compter un délai total de 7 à 9 ans. En Allemagne, les projets sont bouclés en trois à quatre ans, selon Mattias Vandenbulcke, responsable de la communication à la FEE (France Energie Eolienne).

Face à de tels délais, Sébastien Lecornu, Secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition Ecologique et Solidaire (jusqu’en octobre 2018), a adapté les compétences juridiques et a supprimé en 2018 un échelon procédural. Désormais, devant l’impossibilité de créer une juridiction unique de premier et de second degré, puisque les dossiers sont répartis sur l’ensemble du territoire, toutes les cours administratives d’appel sont compétentes pour étudier les recours, avant d’éventuels pourvois en cassation.

Et pour les projets offshore, la cour d’appel de Nantes est devenue, depuis le 1er février 2016, la seule juridiction habilitée à traiter les recours en premier et en dernier ressort.

Malgré cette simplification administrative, EDF et Engie attendent toujours de recevoir leur permis définitifs pour des projets offshore dont les offres ont été remportées en 2012 (Saint-Nazaire, Courseulles-sur-Mer et Fécamp) et 2014 (Le Tréport et Yeu).  Engie, qui dispose des autorisations pour construire 62 éoliennes offshore entre l’île d’Yeu et Noirmoutier, a décidé de postposer la construction du parc de 2021 à 2023 pour mieux prendre en compte les délais de recours.

Des motivations très diverses

Pour l’éolien terrestre, les motivations des opposants sont très variées et reposent souvent sur un manque d’information ou des éléments subjectifs : « l’atteinte au patrimoine », « la détérioration du paysage », « le bruit des pales », « l’impact sur les oiseaux », « les risques pour la santé » sont les plus courantes.

On aurait pu croire que l’opposition à l’éolien épargnerait les projets offshore, les nuisances pour les riverains étant en effet peu perceptibles.

Il n’en est rien. Tous les projets offshore attribués sont actuellement embourbés dans des procédures juridiques extrêmement longues. Les acteurs vivant du tourisme craignent une perte de leur chiffre d’affaires, les pêcheurs sont inquiets pour leur avenir, les naturalistes insistent sur la présence d’espèces menacées, les candidats malheureux à l’appel d’offres attaquent la légalité des procédures d’attribution, et les riverains évoquent le coût du soutien à l’éolien pour la collectivité.

Dès lors, les associations d’opposants font flèche de tout bois et les moindres failles juridiques de la réglementation sont mises à profit pour faire retarder tous les projets, même si la plupart finissent, après des années de procédure, pas recevoir un feu vert.

Des activistes partout dans le monde

Aux Pays-Bas, l’unité néerlandaise de contre-terrorisme – le NCTV – a identifié un groupe d’activistes anti-éoliens comme constituant une menace à la sécurité publique : certains de ses membres ont menacé, intimidé et détruit la propriété de certains hommes politiques et développeurs de projets.

L’activisme anti-éolien est une affaire sérieuse, et ne se limite pas aux Pays-Bas.

En Belgique, en Allemagne, comme au Danemark, l’opposition existe et se structure, mais également en Australie, au Canada, et même en Chine.

Aux Etats-Unis, l’opposition a pignon sur rue avec le National Wind Watch (Wind Energy Opposition and Action Groups), qui fédère à travers leur plateforme internet les principales associations d’opposition à l’éolien des pays anglophones, qu’elles se situent dans l’Arizona, l’Indiana, ou même au Canada ou en Australie.

Un combat perdu d’avance

Les associations anti-éolien déploient toutes des moyens financiers et humains importants, et offrent une réponse très pauvre en termes d’alternative à l’éolien pour endiguer le réchauffement climatique.

Elles mènent un combat perdu d’avance. Car si toutes ces initiatives d’opposition sont parvenues à freiner le développement de la filière, entraînant parfois des retards considérables, elles n’ont toutefois pas empêché 380.000 éoliennes d’être construites à travers le monde, ni la filière éolienne d’afficher une croissance à 2 chiffres depuis plusieurs années. La filière emploie aujourd’hui plus de 300 000 personnes en Europe, et ambitionne de fournir 25% des besoins totaux en électricité à l’horizon 2030.

L’énergie éolienne n’occupe plus une place marginale dans le mix électrique de certains pays. Au Danemark, 43% des besoins en électricité sont couverts annuellement par les éoliennes.

La filière est et restera une des technologies les plus efficaces en termes de réduction de nos émissions de CO2. N’oublions pas, dans les contrées où les vents sont de force moyenne, qu’une éolienne efface complètement sa dette énergétique (quantité d’énergie nécessaire pour construire, assembler, exploiter pendant 20 ans et démanteler une éolienne) après moins de 10 mois !