Il devait recouvrir jusqu’à 400 hectares de causses[1] sur le mythique plateau du Larzac. Cependant, face aux oppositions et contestations, le projet photovoltaïque géant porté par Arkolia Energies avait été abandonné il y a 2 ans. Mais voilà qu’aujourd’hui son promoteur relance, au même endroit un nouveau projet, plus petit, doublé d’une usine de production d’hydrogène vert.

Les dirigeants d’Arkolia Energies ont-ils la mémoire courte ou tout simplement des gènes de kamikazes ? C’est que le plateau du Larzac a toute une histoire, faite de luttes et de manifestations. La puissante armée française s’y est même cassée les dents. En 1971, un mouvement de désobéissance civile non violente s’est levé contre l’extension d’un camp militaire sur le causse. Organisée d’abord autour des paysans locaux qui se sont soulevés contre l’expropriation de leurs terres, la lutte s’est ensuite amplifiée pendant toute une décennie, fédérant des opposants de tous bords allant des syndicats ouvriers aux étudiants, aux hippies, aux pacifistes, aux écologistes et aux féministes. Certains étés, les manifestions, qui prenaient l’aspect de festivals en plein air, ont rassemblé plus de 100.000 personnes … jusqu’à l’abandon du projet par François Mitterrand en 1981, peu après son arrivée au pouvoir.

À lire aussi Opposition à l’éolien : un combat perdu d’avance

Une centrale solaire géante dans le Larzac

Lorsqu’en 2019, Arkolia a fait connaître son intention de construire et d’exploiter une centrale solaire géante sur le Larzac, les réactions ne se sont pas fait attendre.

Baptisé « Solarzac », le projet initial devait s’implanter dans le domaine de Calmels, une chasse privée et clôturée qui s’étend sur près de 1.000 hectares. Une centrale photovoltaïque – de 180 MW ou 320 MW selon les scénarios – adossée à une production de méthane fabriqué à partir d’hydrogène vert, y était projetée. Les 30.000 panneaux photovoltaïques prévus devaient recouvrir jusqu’à 400 hectares. « On n’a pas assez de toits pour installer des panneaux, ni de friches industrielles, ou de terrains qui n’ont pas de vocation agricole. On sera obligé de faire ce type de projet que ce soit ici ou ailleurs. On ne fait pas une centrale nucléaire, on fait un système de pieux battus sur lesquels on met des panneaux qui sont totalement démontables et recyclables dans 10, 15, 20 ou 30 ans », expliquait alors Laurent Bonhomme, PDG d’Arkolia Energie sur France Inter, en justifiant la grande taille du projet par la nécessité de produire une électricité verte bon marché grâce aux économies d’échelle.

À lire aussi La future plus grande centrale solaire d’Europe veut raser une forêt landaise

Pause

Pas de quoi convaincre les opposants.  Regroupés au sein de l’association « Terres de Larzac, terres de biodiversité, terres de paysans », ils ont dès le début dénoncé le gigantisme du projet. Malgré les promesses, ils craignaient le pire pour l’environnement typique du causse et la biodiversité au cœur d’une zone classée Patrimoine mondial de l’Unesco et entourée de quatre sites Natura 2000.

Après la concertation qui s’est déroulée en mai 2019, les protestations à l’encontre de Solarzac se sont amplifiées, des membres de la Confédération paysanne allant jusqu’à l’occupation des locaux d’Arkolia. Une pétition a même été lancée sur Avaaz pour empêcher la construction du parc. Au point que le promoteur a finalement annoncé une pause dans la poursuite du projet.

À lire aussi Les parcs photovoltaïques peuvent-ils faire bon ménage avec la biodiversité ?

Nouveau scénario

Les contestataires l’espéraient sans doute définitive. Mais, après plus de deux ans pendant lesquels l’entreprise s’est fait oublier, voilà qu’elle est revenue il y a quelques jours avec un nouveau scénario pour Solarzac. « Nous avons prévu deux changements majeurs : l’implantation de panneaux photovoltaïques réduite à 200 hectares et l’abandon de l’usine de méthanisation au profit d’un projet innovant de production d’hydrogène vert » expliquait ce 4 novembre devant la presse, Mickaël Scudeller, responsable du développement chez Arkolia.

Le parc nouvellement redéfini devrait afficher une puissance de 150 à 200 MW et inclure un volet agrivoltaïque. Les 800 hectares restants dans le domaine de Calmels pourraient être convertis en surfaces agricoles et collectives précise le communiqué du promoteur. La société annonce la tenue de réunions publiques qui porteront sur quatre thèmes principaux, à savoir l’implantation des panneaux, la transmission de la propriété aux collectivités et aux usages publics, l’installation d’une activité agropastorale et agricole durable et les modalités d’une production combinée d’électricité et d’hydrogène vert. Arkolia Energies espère ainsi pouvoir mettre Solarzac en service d’ici 2026. L’investissement s’élève à environ 150 millions d’euros et sera entièrement pris en charge par l’entreprise.

Les adaptations annoncées seront-elles de nature à calmer les ardeurs des opposants ? Nous devrions le savoir bientôt.

À lire aussi Voici comment la protection de la biodiversité d’un marais permet la production d’énergie renouvelable À lire aussi L’hydrogène pour sauver le climat : une fausse bonne idée selon certains scientifiques

___________________________________________

[1] Causse : vaste et haut plateau calcaire du centre et du sud-ouest de la France, aride et creusé de profondes vallées, offrant de maigres pâturages à moutons.