Le Diagnostic de performance énergétique (DPE) est-il un outil réellement pertinent pour estimer la consommation énergétique d’un logement ? Dans le contexte de la transition écologique du secteur du bâtiment, le DPE, instauré en 2006 et réformé en 2021, fait foi pour l’achat ou la location d’un bien immobilier. Son efficacité et sa fiabilité sont cependant de plus en plus critiquées.

Le Crédit Mutuel Alliance Fédérale et le Conseil d’analyse économiques viennent de publier une étude portant sur le lien entre le diagnostic de performance énergétique d’un logement et sa consommation énergétique réelle. Les résultats de cette étude, menée sur près de 180 000 ménages, tendent à montrer que la différence de consommation énergétique, en fonction de la classe de performance énergétique d’un logement, est beaucoup moins importante dans la réalité qu’en théorie.

Cette étude montre, en effet, que l’écart de consommation entre un logement classé A ou B et un logement classé G est 6 fois plus faibles que ce qu’indique le DPE. Et ce n’est pas tout. Les consommations relevées pour les bâtiments performants sont, en moyenne, 80 % plus élevées que les consommations prédites dans le DPE. À l’inverse, les consommations réelles d’un logement mal isolé sont environ 50 % inférieures aux consommations théoriques indiquées dans le DPE.

C'est quoi le DPE ?

Le DPE a pour objectif d’informer un potentiel acheteur ou locataire à propos des dépenses énergétiques d’un bâtiment, de l’efficacité du chauffage, de la climatisation et de la production d’eau chaude sanitaire. Il est généralement exprimé en kWh d’énergie primaire et en euros. Il est calculé grâce à la technique du Calcul de la consommation conventionnelle d’un logement (3CL), qui vise à limiter tout facteur subjectif comme les habitudes de consommation.

Des différences de comportement notables

Si les consommations réelles montrent tout de même une réduction de la consommation en fonction des performances énergétiques d’un logement, l’écart se veut bien plus faible dans la réalité, pour la simple et bonne raison que le comportement des habitants d’une maison bien isolée ou d’une maison mal isolée est différent.

Du fait, principalement, de contraintes budgétaires, les habitants de passoires énergétiques n’auront d’autre choix que de faire des compromis sur leur confort en réduisant l’utilisation de leur chauffage. Une étude conduite par l’Observatoire national de la précarité énergétique illustre parfaitement ce sujet : durant l’hiver 2022 – 2023, 26 % des Français déclarent avoir souffert du froid au moins 24 heures dans leur logement.

À l’inverse, les personnes les plus aisées, et dont le logement offrent des performances énergétiques supérieures, auront tendance à augmenter leur température de consigne pour gagner en confort. C’est ce que l’on appelle aussi « l’effet rebond ». Or, toujours selon la même étude, une surconsommation de 5 % de la part des 5 % les plus aisés correspond à une différence de 2 classes dans le DPE. En d’autres termes, pour les personnes les plus aisées, une hausse de 5 % de la consommation dans leur logement fait passer l’étiquette énergétique de celui-ci, de A à C.

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La fiabilité du DPE souvent pointée du doigt

Si les différences de comportement peuvent, en partie, expliquer les incohérences obtenues entre la théorie du DPE et la réalité des consommations, le DPE est aussi pointé du doigt pour son manque de fiabilité. Selon une étude commandée par le conseiller en énergie HelloWatt, près de 71 % des notes de performances énergétiques seraient fausses. En 2022, le magazine 60 millions de consommateurs l’avait également démontré en faisant effectuer à 4 propriétaires 5 DPE différents chacun. À l’issue des diagnostics, chaque logement avait reçu au moins deux notes différentes.

Et pour cause, malgré une nouvelle révision en 2023, l’analyse des performances énergétiques d’un bâtiment est d’une grande complexité, qui nécessite une formation accrue des diagnostiqueurs pour obtenir des valeurs constantes. De plus, les méthodes de calcul du DPE ont naturellement tendance à dévaluer les petits logements ainsi que les vieux bâtiments.

Décorréler consommation et isolation

Pourtant, le DPE est d’une importance cruciale, car la rénovation énergétique des bâtiments est un enjeu majeur pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. À l’heure actuelle, la consommation énergétique des bâtiments représente 12 % des émissions de CO2 à l’échelle nationale.

Il est donc essentiel qu’un outil comme le DPE permette d’obtenir des données fiables sur la consommation réelle d’un logement. Si le DPE, dans sa forme actuelle, permet de considérer certains aspects essentiels à la performance énergétique d’un logement, il convient de le faire évoluer pour qu’il autorise chacun de se rapprocher réellement du zéro carbone. Pour cela, la prise en compte de la consommation réelle dans des conditions spécifiques appréhenderait certains aspects d’une construction qui ne sont aujourd’hui pas pris en compte dans le DPE.

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Par exemple, pour une isolation donnée, la prise en compte de la consommation réelle verrait la différence entre une pose effectuée dans les règles de l’art, et une pose mal réalisée générant des ponts thermiques. Cette consommation réelle prendrait également en compte la conception de la maison. Une maison dont le salon est orienté au nord-est et dont les chambres sont situées au sud-ouest consomme nécessairement plus de chauffage qu’une maison dont la disposition est opposée (les chambres au nord et le salon au sud), car la température de confort de ces deux pièces aux usages différents n’est pas la même.

Ces aspects ont une importance considérable sur la consommation énergétique, et donc les émissions de CO2 d’un bâtiment ou d’un logement, mais ne sont aujourd’hui pas pris en compte par le DPE. Les prendre en compte, c’est permettre des rénovations thermiques plus en phase avec la réalité de consommation d’un bâtiment.