Le Sénat s’est penché sur la question de l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. Le bilan n’est pas fameux et entraine 23 propositions pour améliorer les dispositifs existants.

Lors de l’annonce de son plan de rénovation énergétique des bâtiments en avril 2021, le gouvernement avait rappelé l’objectif de neutralité carbone à atteindre d’ici 2050. Il avait également souligné que 7 millions de logements étaient mal isolés et que 14 % des Français avaient froid chez eux l’hiver. Dans ce contexte, une priorité a été donnée à la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels. Pour cela, un arsenal d’aides visait à inciter massivement les ménages à sauter le pas pour améliorer les performances énergétiques de leur logement : Ma prime rénov’, les certificats d’économie d’énergie (CEE), l’éco-prêt à taux zéro, l’ancien CITE (crédit d’impôt transition énergétique) et la TVA réduite.

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Des aides trop complexes

Aujourd’hui, le Sénat a examiné l’efficacité de ces aides publiques. Dans un rapport remis le 29 juin 2023, la commission considère que la politique publique en faveur de la rénovation énergétique est encore en chantier. De nombreux écueils sont relevés. D’abord, le manque de simplicité dans les dispositifs existants. La commission considère que certains ménages pourraient renoncer aux aides et aux travaux de rénovation, car « il y a un risque de découragement face à l’instabilité, la complexité et un reste à charge qui reste trop élevé alors que la tâche est considérable ».

D’ailleurs, le rapport illustre le problème d’instabilité du système en précisant que « le service d’accompagnement des particuliers à la rénovation a changé cinq fois de nom et deux fois de mode de financement dans les années récentes ! ». Par ailleurs, si les dispositifs existants ont été largement sollicités par les ménages, cela n’a concerné que très peu de projets pour des rénovations globales (10 % maximum). Les demandes déposées concernent généralement des travaux très ponctuels comme le remplacement d’un mode de chauffage. Ce n’est pas suffisant pour lutter massivement contre la précarité énergétique.

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Les sénateurs critiquent également le label RGE (reconnu garant de l’environnement) censé certifier les professionnels compétents pour effectuer certains travaux. Ce label ne serait pas satisfaisant, ni pour les professionnels qui le trouvent trop complexe à obtenir, ni pour les consommateurs qui l’estiment insuffisamment protecteur.

Le diagnostic de performance énergétique largement critiqué

Le cas du DPE (diagnostic de performance énergétique) est également soulevé. De nombreux médias ont relayé ces derniers mois les incohérences de ce diagnostic, d’un professionnel à l’autre. Le Sénat l’évoque également. Et les difficultés ne concernent pas uniquement les logements individuels, puisqu’au sein d’un même immeuble en copropriété, des DPE peuvent conduire à des notes différentes d’un logement à un autre, rendant difficile la synchronisation des travaux dans le bâtiment.

Par ailleurs, le cas des bâtiments anciens, construits avant 1948 qui représentent un tiers des logements, n’a pas fait l’objet d’un traitement spécifique dans le cadre du DPE, selon le rapport sénatorial. Ainsi, plus d’un tiers d’entre eux ont obtenu un mauvais classement alors que leur mode de construction les rend écologiques (matériaux locaux, intérieur plus frais en été).

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Le bilan montre qu’il y a encore du travail pour améliorer le système. Et les termes du rapport sénatorial ne sont pas sans rappeler ceux de la Défenseure des droits qui avait relevé en octobre 2022 les lenteurs et les carences du dispositif de Ma Prime Rénov’ : complexité dans le traitement du dossier, retards de paiement, rejets injustifiés des dossiers, etc.

Avant d’élaborer son rapport, la commission sénatoriale a entendu 174 personnes au cours de 21 réunions. Pour améliorer le système, elle propose une série de 23 propositions. Parmi elles, le Sénat alerte sur l’électrification massive des logements, estimée dangereuse pour l’équilibre du réseau. Il conviendrait de favoriser également la géothermie, les réseaux de chaleur ainsi que la biomasse.

La commission propose aussi d’inciter davantage aux rénovations massives en offrant une aide plus intéressante que pour des gestes isolés. Il est également recommandé de stabiliser les dispositifs, pour améliorer leur visibilité. Sans surprise, il est également question de fiabiliser le DPE. Le rapport suggère également de rehausser les crédits alloués au dispositif Ma Prime Rénov’ à hauteur de 4,5 milliards d’euros en 2024. Il faut désormais attendre pour voir si l’État entend donner une suite à ce rapport ou s’il restera lettre morte…