Le marché mondial du stockage de l’énergie est en plein essor. Les ventes de batteries lithium-ion pour l’automobile ont ainsi quasiment triplé entre 2017 et 2020 pour s’établir à 143 GWh tandis que la capacité installée de stockage stationnaire par batteries a quintuplé sur la période à 14,2 GW. Mais quelle place occupent les entreprises françaises sur la scène mondiale du stockage ? Sont-elles sur le bon chemin pour s’accaparer une partie significative de ce marché ?

« A l’horizon 2025, la capacité de stockage stationnaire par batteries et les ventes de batteries lithium-ion pour l’automobile bondiront par rapport à 2020 de respectivement 450% à 78 GW et de 390% à 700 GWh », prédit Pierre Paturel, directeur d’études chez Xerfi, un institut spécialisé dans les analyses économiques sectorielles en France et à l’international. Il vient de publier un rapport sous le titre : « Le boom du marché du stockage de l’énergie en France et dans le monde ».

« Les éventuelles difficultés d’approvisionnement en matériaux ne remettront pas en cause cet essor rapide à l’horizon 2025 » explique notre interlocuteur qui ajoute qu’au-delà « des deux grands débouchés du stockage de l’énergie – automobile et stockage pour les réseaux et l’autoconsommation – plusieurs niches offrent de belles perspectives de croissance comme par exemple la mobilité (pour l’aéronautique, le naval, le ferroviaire…) ou le stationnaire (avec le remplacement des groupes électrogènes diesels par des systèmes à batteries et/ou hydrogène) ».

A l’instar de la dynamique mondiale, la demande française en batteries pour la mobilité s’envolera ces cinq prochaines années, tirée par la conversion de nombreuses usines à la production de véhicules électriques et hybrides rechargeables. « Mais la France sera à la traîne concernant le stockage stationnaire. Bien qu’en croissance rapide, le marché français restera mineur à l’échelle mondiale, et même européenne, à l’horizon 2030 » nous confie Pierre Paturel. En effet, hormis les territoires d’Outre-mer, les besoins en stockage électrochimique sont très limités, conséquence principalement de la spécificité du système électrique français, fort nucléarisé. Le marché dans l’Hexagone ne représenterait qu’environ 5% du marché européen du stockage en amont du compteur d’ici 2025, avec notamment un essor d’installations de petite taille, « comme le fait déjà le leader NW Joules par exemple ».

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Une solide filière française de la batterie

Pourtant, la France est bien partie pour développer sur son sol une solide filière de la batterie. « Déjà, elle accueillera au moins deux gigafactories d’ici 2025 : l’une portée par ACC (la coentreprise de Stellantis, Daimler et Saft), l’autre par le Chinois Envision allié à Renault. D’autres projets sont espérés pour le milieu de la décennie. La France compte également quelques acteurs de second rang comme Blue Solutions (une filiale du groupe Bolloré) ou Forsee Power et E4V. Sans oublier Saft, de loin le premier fabricant tricolore de batteries ».

L’Hexagone abrite en outre un tissu de start-up de plus en plus important telles que Tiamat et NAWA Technologies. Des intégrateurs ambitieux positionnés sur le stockage stationnaire sont aussi présents à l’image d’Entech Smart Energie. Enfin, le pays compte quelques fournisseurs clés d’équipements et matériaux (Arkema…), deux leaders du recyclage de batteries (Veolia et SNAM) et plusieurs nouveaux entrants sur cette activité prometteuse (Suez, Eramet, Orano…). « Très ouvert jusqu’ici, le jeu concurrentiel va se durcir, incitant les jeunes pousses à accélérer leur développement. D’autant que la période est porteuse avec des capitaux abondants et des investisseurs friands de valeurs vertes », nous apprend M. Paturel.

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Quelles sont les pistes de développement privilégiées ?

La baisse des coûts des solutions de stockage est la voie à privilégier pour atteindre un régime de croissance pérenne. « Car si le marché est en plein essor, il reste très dépendant du soutien des pouvoirs publics dans l’automobile comme dans le stockage stationnaire. Par conséquent, l’amélioration de la qualité de l’offre est une priorité stratégique pour se démarquer de la concurrence mais aussi pour pérenniser et élargir ses débouchés ».

Cela passe par l’innovation et les économies d’échelle. « Les fabricants de batteries investissent massivement dans de nouvelles capacités de production et dans la recherche. Les efforts d’innovation sont également importants chez les intégrateurs ».

Autre axe de développement : l’internationalisation, particulièrement importante pour les acteurs français du stockage stationnaire. « Neoen a par exemple réussi une percée remarquable en Australie ».

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Enfin, les opérateurs se préparent également à composer avec des contraintes croissantes en matière d’impact sur l’environnement et d’intégration dans une démarche d’économie circulaire. Une contrainte qui recèle de nombreuses opportunités de développement via la réutilisation des batteries usagées et le recyclage.

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