Et si tous les réseaux d’eau potable du monde devenaient de vastes centrales hydroélectriques, permettant de produire de l’électricité décarbonée ? Si l’idée n’est pas nouvelle, elle fait son chemin petit à petit, poussée par l’urgence de la transition énergétique.

L’idée de produire de l’électricité à partir des réseaux d’eau potable part d’un constat simple : les conduites d’eau potable subissent parfois un surplus de pression qu’il est nécessaire d’éliminer. Pour cela, on utilise des vannes de pression, dont le rôle est de limiter cette dernière sans interférer sur le débit de l’eau. La société InPipes Energy, basée en Oregon, dans l’ouest des États-Unis, a décidé d’adapter à ces vannes un dispositif permettant de produire de l’électricité à partir de cette réduction de pression.

Prometteur, ce dispositif a déjà été installé sur plusieurs sites, et notamment dans la ville de Hillsboro, dans l’Oregon. Le système a permis de produire l’équivalent de 200 000 kWh d’électricité lors de sa première année d’exploitation, soit l’équivalent de la consommation d’une vingtaine de maisons. Fort de cette première expérience, InPipes Energy devrait mettre un projet similaire en place dans la ville d’Aurora, au Colorado.

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Une solution déjà utilisée en France

Ce mode de production d’électricité n’est pas l’apanage de l’Amérique du Nord. En France, cette solution est destinée en priorité aux réseaux d’eau potable disposant d’un fort dénivelé, sujets à des niveaux de pression et de débit très importants. Dès 2010, la ville de Nice s’est équipée de quatre turbines au fonctionnement similaire pour une puissance totale de 1,9 MW. Plus récemment, la commune d’Annonay, en Ardèche, s’est équipée d’une turbine de 26 kW dans son usine de production d’eau potable.

Cette turbine, qui produit 132 000 kWh d’électricité par an, permet de couvrir 30 % des besoins électriques de l’usine de production d’eau potable. Dans la ville de Barcelonnette, l’eau potable est issue des sources de Riou Guérin et des Aiguettes. Situées à 575 mètres au-dessus de la ville, elles entraînent une pression importante qui est captée, depuis 2013, par une pico-centrale dont la production est de 1,07 MWh par an.

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Le développement à plus grande échelle de cette solution pourrait permettre de limiter l’impact énergétique de la distribution d’eau potable. Selon l’Agence internationale pour l’énergie (IEA) estime qu’en 2020, près de 1000 TWh d’énergie ont été nécessaires pour assurer la gestion de l’eau potable, de sa production à son traitement.

Pour aller plus loin, des solutions similaires ont même été envisagées pour les réseaux d’eaux usées. L’entreprise IH Fluides y a même consacré une expérimentation en 2019, en région parisienne. La production d’électricité via les eaux usées s’avère néanmoins plus difficile d’un point de vue technique, car on y trouve du sulfure d’hydrogène, un composé chimique très corrosif, mais aussi des lingettes qui pourraient bloquer la turbine.

Une solution réellement renouvelable ?

De manière plus générale, un tel système ne constitue pas le nouvel eldorado des énergies renouvelables, du fait des faibles quantités d’énergies produites. Surtout, l’énergie obtenue ne peut pas être systématiquement considérée comme renouvelable. En effet, dans des régions montagneuses, où le relief est important, le pompage est inutile pour mettre en pression le réseau d’eau potable. Ainsi, c’est l’énergie cinétique de l’eau, générée par le dénivelé parcouru qui crée la pression du réseau. Dans ce cas de figure, la production d’électricité à partir de ce réseau peut être considérée comme entièrement renouvelable.

En plaine, c’est un peu différent. Les réseaux sont mis en pression grâce à des systèmes de pompes, elles-mêmes alimentées par le mix électrique français, et donc, entre autres, par le nucléaire. Dans ce cas, l’énergie produite est le fruit indirect de l’énergie utilisée pour la mise en pression du réseau, et ne peut être considérée que comme une optimisation de celui-ci.