L’arrêt de la moitié du parc nucléaire français en mai dernier et l’interruption récente des livraisons de gaz russe constituent-ils une réelle menace pour notre approvisionnement en électricité l’hiver prochain ?

L’éventualité d’un blackout électrique inquiétait déjà les Français il y a six mois à peine. En décembre dernier, 17 réacteurs étaient à l’arrêt pour raison de maintenance. Mais le 28 mai dernier, ils étaient 29 en pause sur les 56 en exploitation. De plus, les fournitures de gaz par la Russie, totalement interrompues depuis le 15 juin dernier, font peser un risque sur la disponibilité des centrales au gaz.

De quoi nourrir des craintes réelles en matière de coupure de courant à l’approche de l’hiver prochain.

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Une inquiétude grandissante

En décembre dernier, les mises à arrêts étaient principalement liées à des raisons de maintenance, mais 4 réacteurs étaient « en panne » pour des soucis de sécurité (problèmes de corrosion sur les systèmes de secours).

Interrogée le 19 décembre 2021, Barbara Pompili, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, voulait rassurer tout le monde : « Il n’y aura pas de blackout total parce qu’il y a des dispositions qui permettent d’éviter cela ». En effet, la précision accrue des logiciels de prévision météo permet de mieux anticiper les pics de consommation. Par ailleurs, la maintenance de certains réacteurs peut être postposée si un trop grand nombre d’entre eux sont inactifs.

Le risque de blackout ne doit cependant pas être sous-estimé, car il dépend fortement de la météo. En hiver, en raison de la baisse des températures, les Français, dont 35% se chauffent à l’électricité, consomment davantage. Si une vague de froid (de l’ordre de 4° en-dessous des normales saisonnières) se combine à une très faible production éolienne, le pays pourrait être confronté à un grave problème d’approvisionnement en électricité. Or, la capacité d’import est limitée car les autres Etats européens font aussi face à des pénuries de gaz pour leurs centrales et seront aux prises avec les mêmes contraintes.

En été également, la situation est plus tendue en raison des phénomènes répétés de sécheresse : la baisse du niveau des fleuves et le réchauffement de l’eau vont poser un obstacle croissant au bon fonctionnement de certaines centrales atomiques.

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« Aucun risque de coupure d’électricité l’hiver prochain »

Emmanuel Macron se veut toutefois rassurant. Il l’a encore affirmé le 3 juin dernier, dans un entretien donné à plusieurs media de la presse quotidienne régionale :  « Il n’y a aucun risque de coupure d’électricité l’hiver prochain ».

En cas de tension accrue sur le réseau, il sera possible d’activer des « leviers postmarché » : interrompre ponctuellement l’alimentation de grands consommateurs industriels, baisser de 5% la tension sur les réseaux de distribution, voire délester certains districts de particuliers.

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Arrêt des livraisons de gaz russe

La France, comme plusieurs autres pays européens, ne reçoit plus un seul mètre cube de gaz russe par le gazoduc Nord Stream 1 depuis le 15 juin dernier. Les flux avaient déjà été réduits de 60% depuis le début de l’année. Selon GRTgaz, le gestionnaire du réseau français de transport de gaz , c’est la réduction de l’approvisionnement vers l’Allemagne qui explique l’interruption du flux physique vers la France depuis cette date.

Officiellement, l’arrêt des livraisons de gaz russe serait due à l’absence de pièces de rechange de plusieurs compresseurs Siemens. La station de « Portovaïa », dans la région de Leningrad, serait ainsi à l’arrêt. Or c’est précisément dans cette station que s’effectue le remplissage de Nord Stream 1.
A cause des sanctions imposées, les pièces indispensables pour le redémarrage des compresseurs n’auraient pas pu être acheminées. Une explication à laquelle personne ne croit.

Pas de risque pour l’approvisionnement en gaz

Heureusement, cette rupture de contrat par Gazprom ne concerne que 17% des approvisionnements en gaz de l’Hexagone. En outre, elle est compensée par les livraisons de gaz liquéfié par bateaux méthaniers en provenance de Russie. La France est d’ailleurs devenue le plus gros acheteur de GNL russe dans le monde.
Paris s’approvisionne toutefois en gaz auprès d’autres pays, notamment l’Espagne, qui a augmenté ses livraisons.

Encore une fois, le gouvernement veut rassurer. L’interruption de ces livraisons de gaz ne devrait apparemment constituer aucun risque supplémentaire pour la production d’électricité au cours de l’hiver prochain.

Par ailleurs, le niveau des stocks français de gaz s’élève à 56% aujourd’hui, contre 50% habituellement à la même date.

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Les vagues de chaleur, autre source de tension sur les réseaux

Les températures élevées que connaissent actuellement les français entraînent également une augmentation importante de la demande en électricité : la  consommation des ventilateurs et de la climatisation génère un accroissement de la demande électrique d’environ 700 MW pour chaque degré au-dessus des normales saisonnières.

C’est ainsi que le 16 juin dernier, la France a atteint un pic de consommation de 55,1 GW. Même s’il est élevé, ce niveau est toutefois bien inférieur à ceux qui sont atteints en hiver, et reste loin des records historiques, même en période estivale.

A cette période de l’année, le pays est habituellement exportateur d’électricité. Aujourd’hui, il compte sur les importations …

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