Avant même d’être élu chancelier en fin d’année 2021, Olaf Scholz l’avait rappelé. Pour réussir sa transition, l’Allemagne comptera sur le gaz. Et malgré la guerre en Ukraine, le pays tient ses positions. Il compte même presque doubler sa capacité de production dans les années à venir.

Il y a plusieurs années déjà, l’Allemagne a résolument fait le choix des énergies renouvelables (EnR). Le gouvernement compte principalement sur le solaire et sur l’éolien pour subvenir, dès 2030, à 80 % des besoins en électricité du pays. Pourtant, aujourd’hui, c’est bel et bien pour ses centrales à gaz que l’Allemagne fait la une.

Car l’Agence fédérale des réseaux prévoit désormais de quasiment doubler la puissance installée des centrales à gaz allemandes. Selon le régulateur, ajouter entre 17 et 21 gigawatts (GW) sur la période 2025-2031 aux 27,5 GW existants permettrait, à la fois, d’assurer les 20 % de production d’électricité restante, et de garantir la stabilité et la fiabilité du réseau dans un contexte de sortie simultanée du charbon et du nucléaire.

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Entre le gaz et l’Allemagne, une histoire passionnée

Doubler les capacités de production des centrales à gaz ? Alors que l’Europe est confrontée à la crise du gaz russe, l’idée paraît saugrenue. Mais elle n’est qu’une nouvelle démonstration de la capacité de l’Allemagne à rebondir pour assouvir sa soif de méthane. Le pays, fortement dépendant de ses importations russes, n’a pas attendu la guerre pour trouver des solutions pour s’approvisionner ailleurs. Et sous une autre forme.

Ainsi, il y a quelques jours seulement, un premier méthanier (navire citerne) est arrivé au port de Wilhelmshaven, en mer du Nord. Chargé de gaz naturel liquéfié. Un GNL provenant des États-Unis, qui sera regazéifié dans un terminal flottant, lui-même inauguré fin 2022. Déjà sur les tablettes de l’Allemagne — grâce à une loi d’accélération des projets —, plusieurs autres de ces terminaux destinés à accueillir, d’ici 2024, pas moins de 30 milliards de mètres cubes de GNL chaque année. Le tiers de la consommation totale du pays. Et à peine plus tard, des terminaux terrestres qui ont déjà obtenu des autorisations d’exploitations jusqu’en 2043. Des autorisations qualifiées par certains de « complètement déconnectées de la réalité ».

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Une bombe climatique ?

Car ce qui inquiète surtout, c’est l’impact que pourrait avoir sur le climat, cette décision d’augmenter les capacités de production des centrales à gaz. Certains estiment en effet que le service attendu pourrait aussi bien être rendu par des centrales nucléaires, bien moins émettrices de gaz à effet de serre (GES). Notamment par les trois encore en fonctionnement en Allemagne et qui doivent être arrêtés prochainement.

D’autant que les émissions du gaz dont il est question ici — un GNL venant principalement des États-Unis — pourraient aller jusqu’à rivaliser avec celles… du charbon ! Le gaz produit de l’autre côté de l’Atlantique, en effet, est essentiellement un gaz de schiste. Pour l’extraire, il faut dépenser beaucoup d’énergie. Avec des risques importants de fuites. Une étape qui génère ainsi jusqu’à 4 fois plus d’émissions de GES que celle du gaz conventionnel. Pour le transporter à bord d’un méthanier puis l’exploiter, il faut ensuite le liquéfier et le regazéifier. Et tout cela coûte encore beaucoup d’énergie. En moyenne 2 fois plus, au kilomètre, que pour un gaz transporté par gazoduc.

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Pour rester sur une note d’optimisme, notons toutefois que doubler la capacité de production de ses centrales à gaz ne signifie pas nécessairement en doubler la production d’électricité. Une part de cette capacité sera réservée à prendre le relais lorsque l’Allemagne ne pourra compter ni sur le soleil ni sur le vent. Mais s’il n’y a aucun moyen d’agir sur la météo, le pays a commencé à travailler à la mise en œuvre de moyens de stockage qui, tout le monde l’espère, pourraient au moins aider à compenser l’intermittence des EnR sans avoir à recourir à toute la puissance installée des centrales à gaz.