Où se trouvent les centrales électriques et postes de transformation ? Comment sont organisées les lignes haute tension ? Où passent les canalisations des usines hydroélectriques ? À toutes ces questions, la fabuleuse carte « Openinframap » apporte une réponse. L’outil libre, gratuit et collaboratif permet d’observer l’architecture des réseaux électriques dans les moindres détails.

À l’ère de l’open data (« données ouvertes » en français), l’infrastructure de production, transformation, transport et distribution d’électricité n’a quasiment plus aucun secret. De nombreux opérateurs affichent les statistiques nationales de production et consommation électriques en temps réel. Il est possible d’observer le mix évoluer au fil de la journée et même les données de production de chaque générateur dans les centrales.

Il y a quelques années, un nouvel outil, non-officiel celui-ci, s’est ajouté à la gigantesque masse d’informations ouverte à tous pour mieux comprendre les infrastructures électriques. Baptisé « Openinframap », il s’agit d’une carte recensant l’emplacement de chaque ligne électrique, centrale, transformateur et parfois bien plus, dans plusieurs pays du monde. L’outil se base sur le célèbre projet « Openstreetmap », qui est l’équivalent de Wikipédia pour la cartographie.

Openinframap a été lancé en 2016 par l’ingénieur et développeur britannique Russ Garrett. En accès libre, cette carte dévoile la gigantesque toile mondiale tissée par les réseaux électriques. Si certains pays ne sont pas ou peu cartographiés, d’autres comme la France bénéficient d’un niveau de détail particulièrement élevé. Dans l’hexagone, il est par exemple possible de découvrir la disposition et les caractéristiques précises d’une centrale électrique, jusqu’à l’emplacement exact de ses transformateurs et disjoncteurs.

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Des journées à cartographier les réseaux à la main

Les données affichées par Openinframap proviennent de deux sources : les gestionnaires des réseaux de transport et distribution ainsi que les producteurs d’électricité, mais également les contributeurs citoyens. Nous avons interrogé l’un des plus actifs en France, François Lacombe alias « infosreseaux » sur Twitter. Cet ingénieur télécom passionné d’infrastructures et techniques consacre une bonne partie de son temps libre à enrichir la carte. Avant l’obligation de publication des données des opérateurs en 2017, le travail était exclusivement manuel. « Pendant trois ou quatre ans, je passais tous mes voyages en train à tracer des lignes à partir des vues aériennes » nous confie-t-il.

L’homme rêve d’une carte extrêmement minutieuse, où le moindre poteau électrique serait recensé. C’est en partie le cas aujourd’hui, grâce à une convention signée en 2021 entre Openstreetmap et Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité en France. Beaucoup reste à faire « pour retrouver 12 millions de poteaux » explique François Lacombe, qui veut aller encore plus loin : « On est en train d’ajouter un attribut pour préciser le type d’armement [le système d’arrimage des câbles à un poteau, NDLR], de structure et de matière pour chaque poteau » nous révèle-t-il. Mais à quoi cela peut bien servir ?

Exemples d’infrastructures détaillées par les contributeurs Openstreetmap

« L’information que l’on concentre sert à faire des études beaucoup plus fines sur l’impact environnemental des lignes électriques, leur résistance climatique, prévoir à quel endroit un réseau peut chuter suite au vent par exemple », affirme l’ingénieur. C’est aussi une simple passion pour la donnée ouverte, une forme d’« engagement citoyen » dit-il, « pour partager la connaissance, entretenir le patrimoine commun, faire société ». S’il reconnaît parfois ne pas savoir à quoi peuvent servir les données qu’il renseigne, il est certain qu’elles « seront probablement utiles plus tard ».

Dans le cas du recensement de poteaux toutefois, la démarche est utile dans l’immédiat. « Lors du déploiement de la fibre, les opérateurs télécoms qui voulaient utiliser les poteaux électriques ont découvert que cette cartographie n’existait pas. Le dernier inventaire datait de 1992. Openstreetmap l’a récupéré grâce à la convention avec Enedis » détaille l’homme, qui œuvre désormais à reconstituer manuellement cet inventaire aux côtés d’autres contributeurs bénévoles.

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Les complexes hydroélectriques dévoilés

Au-delà des câbles et poteaux, François Lacombe a créé sa propre version d’Openinframap, où il enrichit la carte de nombreuses précisions, notamment sur les ouvrages hydroélectriques. Sur la STEP de Montézic, par exemple, sa carte (map.infos-reseaux.com) dévoile la disposition des conduites haute et basse pression, des exutoires, robinets, dégrilleurs, de l’évacuateur de crues, etc. Une mine d’or pour comprendre le fonctionnement de la centrale dans ses moindres détails.

Les détails de la STEP de Montézic dévoilés par la version Openinframap de François Lacombe

La cartographie des canaux, canalisations et autres conduites permet également d’observer l’impressionnante architecture des complexes hydroélectriques. Pour alimenter une centrale, l’eau peut être captée à des kilomètres sur plusieurs sources, remplir divers lacs et réservoirs avant d’atteindre les turbines, voire être pompée pour être réutilisée. La carte de François Lacombe est un outil redoutablement efficace pour saisir cet univers parallèle, les infrastructures étant souvent souterraines.

Un travail d’utilité publique pourtant réalisé dans l’ombre et de façon totalement bénévole. Openinframap donne à tous la possibilité d’enrichir ses connaissances sur les infrastructures électriques, d’appréhender son organisation, du réacteur nucléaire jusqu’au petit transformateur de quartier. Histoire de mieux comprendre la fabuleuse logistique derrière nos prises de courant.

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