Dans la lignée de ses deux précédents rapports en 2014 et 2018, la Cour des comptes sort une nouvelle publication sur les conditions de mise en œuvre et les résultats de la politique publique en matière d’éolien depuis 2017. Et le constat est sévère pour l’exécutif, car les objectifs semblent hors d’atteinte.

Selon le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE, l’année 2022 a vu un nombre record de mises en service d’installations d’énergie renouvelable (5 GW). L’éolien terrestre a ainsi progressé de 1,9 GW en un an, passant de 18,7 à 20,6 GW sur l’année et l’éolien en mer a été marqué par le démarrage du parc de Saint-Nazaire d’une puissance de 480 MW. Pour autant, la filière n’a pas atteint ses objectifs. C’est ce que souligne la Cour des comptes dans sa publication du 17 octobre 2023 intitulée « les soutiens à l’éolien terrestre et maritime ».

La France n’a pas atteint le seuil de 23 % de part des énergies renouvelables dans la consommation intérieure brute d’énergie pour 2020 puisqu’elle n’a atteint que 19,1 %, ce qui l’expose à des sanctions financières. Et d’ici 2030, la France doit déployer davantage les énergies renouvelables afin que leur part dans la consommation finale brute d’électricité soit équivalente à 40 %.

Quel est le rôle de l’éolien dans tout ça ? La Cour des comptes souligne que la filière se développe puisque le parc était de 20,4 GW fin 2022 alors qu’il n’était que de 11,7 GW fin 2016. Mais il est nécessaire d’aller encore plus vite puisque « malgré cette croissance régulière, la trajectoire actuelle est peu compatible avec les ambitions de la PPE » (programmation pluriannuelle de l’énergie). Voici les objectifs fixés par la PPE pour l’éolien :

Le rapport donne l’alerte : si le développement de la filière se maintient au rythme actuel pour l’éolien terrestre, l’option basse de la PPE 1 à 21,8 GW pourrait être atteinte en fin d’année, mais il manquera 1,5 GW pour atteindre les 24,1 GW de la PPE2 en 2023. Pour l’éolien en mer, le constat n’est pas meilleur. Avec un seul parc en mer en service en France (Saint-Nazaire), l’objectif de 3 GW pour 2023 ne sera atteint qu’à moitié. Et l’objectif de 5,2 GW prévu par l’option basse de la PPE2 pour 2028 ne sera pas réalisé au vu du calendrier actuel des parcs attribués.

La situation s’explique par des freins réglementaires qui empêchent le développement du secteur. D’abord, le foncier disponible est limité. En effet, des contraintes d’implantations restreignent les possibilités d’installation. C’est le cas par exemple avec la distance minimale de 500 mètres entre le parc et les habitations, exigée pour les nouvelles installations et le renouvellement des anciennes. Mais en pratique, dans le Finistère par exemple, 83 % des éoliennes sont situées à moins de 500 mètres des habitations. Cela pourrait poser problème lors du renouvellement du parc éolien, c’est pourquoi l’institution recommande de déroger à cette limite de distance pour le renouvellement des parcs installés avant 2011.

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La présence de terrains militaires ou aéronautiques limite également la surface disponible pour les éoliennes. Il est donc indispensable d’engager un travail permettant de libérer de l’espace pour ces installations. Par ailleurs, les procédures d’autorisation sont lourdes, bien que la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a pour ambition de lever cet obstacle. D’ailleurs, en préambule de ce texte, le gouvernement avait souligné la lourdeur des procédures en précisant qu’« il faut en moyenne (…) 7 ans pour un parc éolien [terrestre] et 10 ans pour un parc éolien en mer. Nos partenaires européens vont souvent deux fois plus vite que nous ».

L’instabilité réglementaire créée des incertitudes pour la filière

Enfin, l’installation des parcs éoliens est également ralentie par un taux de contentieux « anormalement élevé ». En effet, tous les projets offshore ont fait l’objet d’un contentieux ainsi que la majorité des projets terrestres. L’exemple du parc de Saint-Brieuc est représentatif : il a fallu attendre 6 ans pour purger les recours juridiques et permettre de débuter le chantier.

Enfin, la publication fait la critique de la planification des projets qu’elle juge « insuffisamment performante » tant pour l’éolien terrestre que maritime. S’agissant de l’éolien maritime, les propos sont sans équivoque : « l’organisation actuelle ne saurait répondre au défi de développement des 50 parcs d’ici à 2050 ». La Cour des comptes recommande donc de « structurer la maîtrise d’ouvrage et le pilotage du déploiement des parcs éoliens en mer ». En tout, ce sont 6 recommandations qui sont adressées aux pouvoirs publics afin de corriger le tir dans le domaine de l’éolien.

Reste à savoir la suite qui sera donnée à ce rapport. L’institution ne manque pas de rappeler en effet en préambule de son texte que ses précédentes recommandations en la matière, en 2014 et 2018 « n’avaient été que partiellement suivies d’effet ».