Les STEP, ou stations de transfert d’énergie par pompage turbinage, constituent une part importante du parc hydroélectrique français. Elles sont un atout majeur d’EDF pour assurer le suivi de charge du réseau électrique. Tour d’horizon du parc de STEP en France, et de son avenir.

Une STEP est en quelque sorte une batterie géante, qui fonctionne sur le principe de l’énergie potentielle existante entre deux réservoirs d’eau situés à des altitudes différentes. Lorsque la production électrique du réseau est excédentaire et/ou que le tarif de l’électricité est bas, la STEP pompe l’eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur : c’est la phase de « pompage ». À l’inverse, lorsque le réseau électrique nécessite plus de courant et que la STEP peut vendre son électricité à un prix élevé, l’eau du bassin supérieur est relâchée dans le bassin inférieur et entraîne des turbines qui produisent du courant : c’est le « turbinage ». Le rendement de ce type d’installation oscille entre 75 et 80 %, ce qui le classe en seconde position parmi les différents modes de stockage d’électricité, juste derrière les batteries au lithium.

En France comme dans la plupart des pays qui en sont équipés, les STEP ont été développés simultanément au parc de centrales nucléaires. Ces installations permettent d’en optimiser le fonctionnement et d’ajuster le réseau (réglage de tension, de fréquence et ajustement de la production). Elles ont la particularité d’être disponibles très rapidement (la centrale de Montézic peut, par exemple, être démarrée en 15 minutes), et ont un rôle essentiel en cas black-out : elles peuvent effectuer un « renvoi de tension » permettant de rétablir le réseau électrique national. Cette fonction n’a, pour l’heure, jamais servi. Les STEP françaises ont joué un rôle crucial pour éviter un effondrement du réseau européen lors de la panne du 4 novembre 2006.

À lire aussi Dans les entrailles d’une gigantesque usine de stockage d’électricité

Les STEP bénéficient d’un intérêt grandissant au niveau mondial avec le développement massif des énergies renouvelables. Elles peuvent en effet compenser leur variabilité en stockant le surplus de production et en compensant les creux (par vent faible ou nul, la nuit ou par mauvais temps).

Où peut-on installer une STEP ?

Définir l’emplacement d’une STEP est loin d’être une formalité. Du fait de la faible densité énergétique de ce système (la chute de 100 mètres d’un mètre cube d’eau ne génère que 0,272 kWh), les STEP nécessitent des hauteurs de chute et des volumes d’eau très importants. C’est pour cette raison que la grande majorité des centrales se trouvent en zone montagneuse. Tous les pays ne peuvent pas aménager de STEP, faute de relief suffisant.

À titre d’exemple, en France, c’est le barrage de Grand’Maison qui a le plus grand réservoir supérieur avec 132 millions de mètres cubes d’eau, lui conférant une constante de temps (autonomie) de 30 heures. Celui-ci est partiellement rempli par la fonte des neiges. L’installation disposant de la plus grande hauteur de chute est Super-Bissorte avec 1 160 mètres de dénivelé entre les deux bassins.

À lire aussi Ce gigantesque projet de stockage d’électricité que la France a mis de côté

La carte des STEP en France

Les caractéristiques des 6 STEP installées en France

La France dispose de 6 stations de pompage-turbinage majeures, ainsi que de plusieurs barrages classiques dotés de modestes possibilités de pompage. La puissance cumulée des STEP française atteint environ 5 GW pour environ 103,5 GWh de capacité de stockage.

STEP de Grand Maison

Localisation Vaujany (Isère)
Puissance en turbinage 1 790 MW
Capacité de stockage 53,7 GWh
Autonomie à pleine puissance 30 h
Mise en service 1985

Le barrage de Grand’maison, situé à 1 700 mètres d’altitude, est le plus grand barrage français et constitue la plus puissante STEP d’Europe. Grâce à une hauteur de chute de plus de 900 mètres, la centrale est capable de délivrer une puissance de 1 7900 MW durant 30 heures. Elle constitue à elle-seule 9 % de la puissance hydroélectrique totale en France.

STEP de Montézic

Localisation Montézic (Aveyron)
Puissance en turbinage 920 MW
Capacité de stockage 38,8 GWh
Autonomie à pleine puissance 40 h
Mise en service 1982

La STEP de Montézic, qui a fait l’objet d’un reportage sur notre chaîne YouTube, est la seconde plus grande du pays et se distingue par une constante de temps de 40 heures. Contrairement au barrage de Grand’maison, elle ne dispose d’aucun apport d’eau naturel significatif, outre le ruisseau des Vergnes. Il s’agit d’une STEP dite « pure », car sa fonction est exclusivement le stockage et déstockage d’énergie.

STEP de Revin

Localisation Revin (Ardennes)
Puissance en turbinage 720 MW
Capacité de stockage 3,6 GWh
Autonomie à pleine puissance 5 h
Mise en service 1976

Comme la STEP de Montézic, la centrale de Revin est une centrale de pompage-turbinage « pure », elle ne dispose d’aucun apport naturel. Son réservoir des Marquisades et celui de Whitaker ont une capacité respective de 8,5 millions et 9 millions de mètres cubes. Le lac des Vieilles Forges situé non loin joue le rôle de tampon en cas de besoin.

STEP de Super-Bissorte

Localisation Orelle (Savoie)
Puissance en turbinage 730 MW
Capacité de stockage 3,65 GWh
Autonomie à pleine puissance 5 h
Mise en service 1987

Le barrage de Bissorte, situé à 2050 mètres d’altitude, était, à l’origine, destiné à une centrale hydroélectrique gravitaire de 75 MW. Celle-ci fut mise en service en 1935. À partir de 1980, une seconde retenue est créée à une altitude de 925 mètres, permettant ainsi la mise en œuvre d’une STEP d’une puissance totale avoisinant 730 MW en turbinage.

STEP du Cheylas

Localisation Cheylas (Isère)
Puissance en turbinage 760 MW
Capacité de stockage 2,76 GWh
Autonomie à pleine puissance 6 h
Mise en service 1979

Le Cheylas est une centrale de moyenne chute pouvant délivrer 480 MW pendant 6 heures. Elle est équipée de deux turbines Francis de 240 MW chacune qui se classent parmi les plus puissantes du parc français.

STEP de La Coche

Localisation Le Bois (Savoie)
Puissance en turbinage 330 MW
Capacité de stockage 0,99 GWh
Autonomie à pleine puissance 3 h
Mise en service 1975 (rénovation en 2019)

La centrale de la Coche était à l’origine un prototype destiné à préparer la construction de la centrale de Grand’Maison. Elle a récemment subi une profonde rénovation impliquant un investissement de 150 millions d’euros et l’ajout de la plus puissante turbine de type Pelton de France. Cette dernière a une puissance de 240 MW.

La puissance installée des STEP en France

La capacité de stockage des STEP en France

Quel avenir pour les STEP en France ?

Les STEP ont un intérêt capital dans la transition énergétique selon certains spécialistes de l’énergie, mais ne font toujours pas l’unanimité. En France, le potentiel de nouveaux aménagements est pourtant très important : il est estimé à environ 4 000 GWh par un rapport de la Commission européenne. Le développement des STEP occupe notamment une place importante dans le scénario énergétique « TerraWater » proposé par l’association « Les voix du nucléaire ».

Outre les zones montagneuses, des « STEP marines » pourraient également voir le jour sur le littoral français, en particulier le long des côtes de la Bretagne et de la Manche. Celles-ci fonctionneraient sur un principe similaire : pomper l’eau de la mer vers des bassins mis en place à une centaine de mètres d’altitude. Selon EDF, le potentiel de cette solution serait proche des 5 GW (en puissance de turbinage).

Cependant, depuis l’inauguration de la centrale de la Coche rénovée, EDF n’a officialisé aucun projet de construction ou de rénovation concernant des STEP. Plusieurs projets sont en attente depuis des décennies. Entre autres : l’extension de la STEP de Montézic (Aveyron), le projet de STEP de Redenat (Corrèze), le projet de STEP sur le plateau de Barbin dans le Verdon (Alpes-de-Haute-Provence) ou au lac Noir (Haut-Rhin), qui était la première station de pompage turbinage de France, inaugurée en 1938 avant d’être entièrement démolie.

À lire aussi « Grande Abondance », le projet de STEP monumentale d’un étudiant ingénieur

Le statut des concessions hydroélectriques, un frein majeur à l’investissement

Cette apathie dans le développement des nouvelles STEP serait la conséquence de la mise en concurrence des concessions hydroélectriques. En France, les installations de plus de 4,5 MW sont soumises au régime des concessions. Cela signifie que l’installation existante appartient à l’État, mais que sa construction et son exploitation sont effectuées par un concessionnaire pour son propre compte. La durée de la concession, généralement très longue, permet alors au concessionnaire d’amortir les investissements liés à la construction de l’équipement. Elles sont souvent fixées à 75 ans.

Depuis 2008, la commission européenne demande à la France d’ouvrir à la concurrence l’attribution des concessions hydroélectriques arrivant à échéance. Depuis, la situation est bloquée, et près de 38 concessions expirées n’ont toujours pas été renouvelées. Dans le même temps, EDF ne souhaite pas investir dans de nouvelles infrastructures en raison du risque de perdre la gestion de l’installation à l’issue des travaux. Le cas des STEP est d’autant plus compliqué que l’objectif de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie prévoit une augmentation du parc de stations de pompage turbinage de seulement 1,5 GW à l’horizon 2030. Un objectif non seulement irréalisable à si brève échéance, mais peu ambitieux.

À lire aussi Stockage massif de l’électricité : un indispensable à la transition énergétique ?