« C’est dans les vieilles casseroles que l’on fait les meilleures soupes » : le dicton s’appliquerait-il aussi au nucléaire ? Lors de son audition dans le cadre d’une commission d’enquête sur la production et le prix de l’électricité à l’horizon 2035-2050, Jean-Marc Jancovici a suggéré de ne plus construire d’EPR. Selon le très médiatique polytechnicien, nous devrions construire d’anciennes générations de réacteurs dont la conception et la réalisation sont parfaitement maîtrisés. Du moins, le temps d’industrialiser les réacteurs nucléaires de quatrième génération.

Jean-Marc Jancovici devient un habitué des commissions d’enquête ! Après avoir été interrogé, l’année dernière, lors de la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique, il a cette fois été auditionné dans le cadre d’une commission portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité à l’horizon 2035-2050. En apportant sa vision de l’avenir de la production d’électricité en France et dans le monde, il a soulevé la question de l’intérêt de construire des réacteurs EPR plutôt que des réacteurs d’ancienne ou de future génération. « Peut-être qu’une des options, c’est de laisser l’EPR au placard pour le moment et de construire des réacteurs comme ceux qui sont actuellement en service ». Selon le scientifique, les réacteurs actuels sont plus simples à construire, tout en respectant l’état de l’art en matière de sécurité grâce à des mises à niveau régulières.

À l’inverse, si les EPR ont été conçus dans une optique de sécurité maximale, leur design complexe rend leur construction fastidieuse, et ralentit leur déploiement. Tous les projets EPR actuels en sont la preuve, multipliant les retards à Flamanville comme à Hinkley Point. Or, toujours selon Jean-Marc Jancovici, l’électrification de nos usages et les objectifs de décarbonation imposent d’accélérer la cadence en matière de puissance nucléaire ajoutée au réseau.

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Sauter la troisième génération de réacteurs pour passer directement à la quatrième

En réalité, selon l’ingénieur, l’enjeu de la filière nucléaire française et internationale réside dans le développement le plus rapide possible de réacteurs de quatrième génération. Selon lui, il serait pertinent de mettre en place un programme Fast Track avec quelques pays concernés pour valider plusieurs designs et démarrer la construction de prototypes dans les plus brefs délais. Cette solution permettrait, toujours selon le scientifique, de pouvoir commencer à déployer des réacteurs de ce type d’ici 10 à 20 ans selon les technologies.

Si les réacteurs de quatrième génération suscitent autant d’intérêt, c’est parce qu’ils pourraient fonctionner avec de l’uranium naturel ou de l’uranium appauvri. Cela permettrait de produire 50 à 100 fois plus d’énergie avec une même quantité de minerai par rapport aux technologies actuelles. Avec cette solution, la France pourrait valoriser jusqu’à 99 % des 250 000 tonnes d’uranium appauvri qu’elle stocke sur son sol, et pourrait ainsi se passer de l’extraction d’uranium pendant plusieurs siècles tout en minimisant la quantité de déchets à stocker.