Après la Ruée vers l’or du Klondike au fin fond du Yukon canadien, assiste-t-on à une nouvelle ruée vers l’or alsacien ? Cette fois, le précieux métal n’est pas jaune, mais plutôt blanc : il s’agit du lithium, que de nombreuses entreprises convoitent.

Le sol alsacien regorge en effet de ce métal indispensable à notre mobilité électrique nouvelle. On le trouve à plusieurs centaines de mètres sous terre, dissous dans des saumures géothermales : des eaux souterraines salées dont la température est très élevée. Plusieurs entreprises comme Lithium de France, ou Eramet cherchent à exploiter ces eaux souterraines à la fois pour leur chaleur et pour en extraire le lithium. C’est ce que l’on appelle le lithium géothermal.

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Plus écologique que les exploitations minières traditionnelles, ce procédé consiste à pomper les eaux souterraines par le biais d’une centrale géothermique et d’en utiliser la chaleur pour chauffer les bâtiments et habitations environnants. Lors du processus, le lithium présent dans l’eau est extrait, puis purifié. Enfin, l’eau est réinjectée dans le sol, là où elle a été prélevée.

Plus qu’une perspective économique intéressante, l’extraction du lithium en Alsace est un véritable enjeu stratégique à l’échelle nationale et européenne en matière d’indépendance énergétique.

Lithium de France, Vulcan Energy et Eramet au coude à coude

Dans cette course au lithium, trois entreprises se suivent de près, et les phases d’exploration se multiplient. La jeune startup Lithium de France a récemment fait l’actualité grâce à une impressionnante levée de fonds de 44 millions d’euros. Ces fonds vont lui permettre de poursuivre les phases d’exploration de sa concession de 171 km² pour espérer lancer la production de chaleur en 2025, puis l’extraction du lithium en 2026.

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Pour obtenir ce financement, l’entreprise a pu compter sur son fondateur, l’énergéticien français Arverne Group, mais également sur Equinor Ventures, déjà présent lors de la première levée de fonds. Enfin, l’industriel norvégien Hydro a également rejoint le projet. À l’automne 2022, la startup a terminé une première phase d’exploration sur une surface de 60 kilomètres carrés. Selon son directeur général Guillaume Borrel, les premiers résultats seraient “très prometteurs”.

À quelques kilomètres de là, on retrouve également la société Eramet. Forte de ses 3 ans de recherche avec le projet EuGeLi que nous avons récemment évoqué, la société minière et métallurgique française vient d’officialiser un partenariat avec Électricité de Strasbourg (spécialiste de la production d’électricité et de gaz) pour un objectif de production de 10 000 tonnes par an de carbonate de lithium aux alentours de la commune de Rittershoffen. Eramet pourra également compter sur l’expérience acquise avec son usine de production de lithium en cours de construction en Argentine.

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Enfin, l’entreprise australienne Vulcan Energy a également décidé de se lancer sur les terres alsaciennes, dans la continuité de son projet pilote situé en Allemagne. Pour se faire, la société a fait une demande d’exploration sur un territoire de 155 km² vers la commune d’Haguenau. L’entreprise a le soutien de poids lourds de l’automobile tels que Stellantis, Renault et Volkswagen qui sont entrés au capital en juin 2022.

Le lithium, un enjeu stratégique pour la souveraineté énergétique de l’Europe et de la France

Grâce à ses propriétés uniques, le lithium est de plus en plus utilisé, en particulier pour la fabrication de batteries pour les objets connectés et les voitures électriques. Véritable indispensable de la transition énergétique, sa consommation mondiale est en train d’exploser, et ce n’est pas près d’arrêter. D’après une récente étude publiée par l’université de Louvain, en Belgique, l’Europe aura besoin de 35 fois plus de lithium en 2050 qu’aujourd’hui.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le lithium n’est pas un métal rare. En revanche, bien que présent un peu partout sur Terre, il n’est presque pas exploité en Europe. Seul le Portugal en extrait 900 tonnes par an, bien loin des premiers producteurs mondiaux, à savoir l’Australie (40 000 t/an), le Chili (18 000 t/an) et la Chine (14 000 t/an).

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Dans ce cadre, développer des filières de production de lithium en Europe permettrait une plus grande autonomie vis-à-vis des grands pays producteurs, et en particulier de la Chine. Cette dernière constitue un acteur majeur de la chaîne de production du lithium, et en particulier de son raffinage. Outre les projets de la vallée du Rhin, d’autres projets européens fleurissent. Par exemple, la société Imerys a jeté son dévolu sur le massif central et compte y implanter une mine d’exploitation. Celle-ci devrait être mise en service en 2028 et pourrait produire 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an.