Pour nous débarrasser des énergies fossiles, l’électricité sera l’une des clés. Mais l’hydrogène restera indispensable dans certains secteurs. C’est la conclusion d’une étude menée par des chercheurs allemands.

L’électricité bas carbone ne fera pas tout. L’hydrogène non plus. Pour arriver à la neutralité tant espérée sur notre vieux continent européen, il faudra mixer l’un et l’autre. Et des chercheurs du Potsdam Institute for Climate Impact Research (Allemagne) nous apportent aujourd’hui quelques précisions quant à la part qu’électricité et hydrogène décarbonés pourraient prendre dans notre mix énergétique de demain.

Ils livrent le détail de leurs réflexions et des incertitudes qu’elles portent dans la revue One Earth. Mais pour résumer, voici ce qu’il en ressort. Les chercheurs observent d’abord que pour atteindre le zéro émissions nette, l’Europe devra produire, d’ici 2050, entre 2 et 3 fois plus d’électricité — soit entre 5 200 et 7 300 TWh par an — qu’elle ne le fait aujourd’hui. Car l’électricité ne servira pas seulement aux nouveaux usages, mais aussi à la production d’hydrogène — au moins 500 TWh et jusqu’à 1 800 TWh par an — par électrolyse. L’Europe va donc devoir accroître son approvisionnement en électricité bas carbone. Et pour réussir cette transformation, les chercheurs attendent des politiques de l’Union européenne qu’elles suppriment rapidement les obstacles à l’expansion des énergies renouvelables, éolienne et solaire.

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L’électricité pour une transition rapide et économique

Les auteurs de l’étude affirment ensuite que « passer aux technologies électriques autant que possible est de loin le moyen le plus rapide et le moins cher d’éliminer les émissions de carbone dans la plupart des secteurs ». Ils prévoient ainsi que la part de l’électricité dans la consommation d’énergie finale devrait passer d’environ 20 % aujourd’hui à quelque chose entre 42 et 60 % d’ici 2050. La part de l’hydrogène, quant à elle, se situerait entre 9 et 26 %. Le tout ne tenant pas compte des changements de mode de vie, des gains en efficacité ou de la délocalisation des industries qui pourraient intervenir dans l’intervalle. Et considérant que la part des combustibles résiduels doit être réduite à son minimum du fait des incertitudes qui planent sur le potentiel de la bioénergie et des technologies de capture du carbone.

Les chercheurs rappellent pourtant que ce qu’ils appellent électrification directe — parce que basée sur l’utilisation de technologies électriques, comme les pompes à chaleur ou les voitures électriques — nécessite une transformation des technologies. Malgré tout, ces technologies sont de plus en plus disponibles et capables d’utiliser l’électricité renouvelable de manière efficace. L’électrification indirecte — celle qui se fait via des carburants de synthèse ou l’hydrogène, produits à partir d’électricité — peut s’opérer sur un large éventail de technologies et d’infrastructures d’utilisation finale partiellement existantes. Toutefois, les chercheurs observent des pertes de conversion. Et les technologies d’utilisation associées s’avèrent moins efficaces. Les capacités de production d’hydrogène par électrolyse en Europe sont par ailleurs actuellement bien trop faibles. Alors que le transport de l’hydrogène qui pourrait être importé reste lui aussi un défi à relever.

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Électricité et hydrogène se partagent des secteurs clés

Dans le détail, les chercheurs constatent que l’électrification directe est plus efficace pour les voitures particulières et pour le chauffage des bâtiments par pompes à chaleur. L’hydrogène et les carburants de synthèse, quant à eux, pourraient servir plus avantageusement à l’aviation, au transport maritime, à l’industrie lourde et au stockage de l’électricité. Ainsi, les deux stratégies, loin d’être concurrentes, se révèlent-elles largement complémentaires. Sauf dans quelques secteurs bien précis comme le transport par camion ou la production de chaleur industrielle. Pour ceux-là, le meilleur choix dépendra de paramètres encore difficiles à définir, comme l’ampleur que pourront prendre les importations d’hydrogène, par exemple.

Ce que les chercheurs recommandent aux dirigeants de l’Union européenne, c’est donc de donner la priorité à l’électrification et à l’hydrogène respectivement dans les secteurs qualifiés de « sans regret », c’est-à-dire les secteurs dans lesquels l’une des stratégies est privilégiée par tous les scénarios étudiés. Les politiques européennes devront aussi encourager le développement des chaînes d’approvisionnement en hydrogène. Et rester adaptatives pour les secteurs dans lesquels l’incertitude demeure.